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des patients confient leurs espoirs et leurs craintes sur le projet de loi examiné à l’Assemblée nationale

des patients confient leurs espoirs et leurs craintes sur le projet de loi examiné à l’Assemblée nationale

Les députés entament, lundi, en commission spéciale, l’examen du texte sur la fin de vie. Les patients souhaitent faire entendre leur voix dans ce débat qui les concerne directement.

Stéphane n’a pas « pas beaucoup de temps à attendre ». Ce commercial de 58 ans souffre depuis 2019 d’un cancer colorectal qui s’est propagé au foie. Après avoir subi 89 séances de chimiothérapie et éprouvé « tous les protocoles existants »le voici sur la liste d’attente pour bénéficier d’une nouvelle molécule, peut-être sa dernière chance. « Je peux l’avoir demain ou dans six mois ou jamais, il réalise. Je suis au terme de mon parcours thérapeutique, donc évidemment, je suis très intéressé par le projet de loi sur la fin de vie. »

Comme ce père normand, des dizaines de personnes touchées par des pathologies graves ont répondu à l’appel à témoignages lancé par franceinfo en avril, pour être entendues en marge du débat qui s’ouvre à l’Assemblée nationale. Lundi 13 mai, les députés ont commencé à examiner le projet de loi sur l’aide à mourir et les soins de soutien. Le texte gouvernemental, qui prévoit l’introduction en France de l’aide à mourir sous forme de suicide assistévoire, exceptionnellement, l’euthanasie, sera d’abord retravaillé au sein d’une commission spéciale, avant d’arriver dans l’hémicycle du Palais-Bourbon le 27 mai.

« Donnez-moi la possibilité de choisir quand je tirerai ma révérence »implore Stéphane, qui aspire à « mourir dignement, sans souffrance ni humiliation ». Cette réforme suscite l’espoir d’une grande majorité de patients avec lesquels Franceinfo a pu s’entretenir. Certains appellent même les parlementaires à élargir la portée du texte, tandis qu’une minorité exprime son opposition à ce projet de loi jugé « fratricide » et dangereux.

Une bonne réponse à la peur de souffrir ?

« Il faut absolument que cette loi aille jusqu’au bout », plaide Virginie, 62 ans. Cette assistante financière lutte depuis huit mois contre un cancer du sein triple négatif, particulièrement dangereux en cas de récidive. «J’ai peur de mourir en hurlant de douleur.»lâche-t-elle, encore marquée par la mort « monstrueux » de son beau-père, lui aussi atteint d’un cancer.

« Je suis prêt à souffrir pour guérir. Mais s’il n’y a plus d’espoir, à quoi bon souffrir pour mourir ?

Virginie, patiente atteinte d’un cancer du sein

sur franceinfo

Cette habitante des Yvelines espère pouvoir bénéficier de soins palliatifs si son état se dégrade. « Ce n’est peut-être pas suffisant »cependant, estime-t-elle, d’où ses attentes à l’égard du projet de loi. « Je serais très rassuré, pour moi et mes enfants, si j’avais la garantie de pouvoir partir si cela devient insupportable », elle explique. Depuis 2016, une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès peut répondre à de telles souffrances, mais cette pratique n’est possible que lorsque le pronostic vital est impliqué à court terme, dans les tout derniers jours de la vie.

Des critères trop restrictifs pour certains

Laurence, 57 ans, ne veut pas entendre parler de soins palliatifs. Cette steward d’un collège bordelais souffre depuis des années d’une polyarthrite rhumatoïde, qui lui cause des douleurs articulaires et la rend parfois dépendante de ses proches. « Pour l’instant, je vis avec, mais je veux pouvoir repartir dignement si je n’en peux plus »elle explique.

« Terrifié par l’addiction » qui l’attend, le Girondin s’inquiète du critère de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » requis pour être admissible à l’aide à mourir. « Pourquoi attendre d’être arrivé au bout ? Ma maladie est incurable et je ne veux pas vivre dix ans dans un fauteuil avec des gens obligés de m’essuyer les fesses. »elle a lâché. Je l’ai vécu avec des proches, c’est dégradant et c’est l’enfer pour tout le monde.

Dans l’Hérault, Patrick partage la même inquiétude. Atteint d’une maladie polykystique hépato-rénale, cet homme de 69 ans s’attend à se retrouver en insuffisance rénale sévère dans les années à venir. « Quand je suis attaché à un appareil de dialyse quatre jours par semaine, va-t-on considérer que mon pronostic vital est compromis à court ou moyen terme ? La volonté réitérée de la personne me semble plus importante que tout.

« J’aimerais qu’on tienne davantage compte de la parole du patient, qui doit avoir le dernier mot. »

Patrick, patient atteint d’une maladie rénale

sur franceinfo

Cet ancien réalisateur de cinéma craint que le projet de loi ne se déforme progressivement au fil des discussions parlementaires, sous le poids des oppositions, jusqu’à devenir « inapplicable », selon lui. « Si ça devient une usine à gaz, j’irai peut-être en Suisse ou en Belgique, il prévient. J’ai déjà pris mes dispositions, avec 15 000 euros d’économies que j’y ai consacrés. »

La délicate question du consentement du patient

Qu’arrivera-t-il aux patients qui ne pourront plus demander l’aide à mourir ? La question hante Hélène, 65 ans, dans l’Essonne, qui sait que le projet de loi exclut à ce stade toute personne inapte à « manifester sa volonté de manière libre et éclairée ». Atteinte d’un cancer des os depuis 2009, cette retraitée évoque les métastases qui se sont propagées à son crâne. « Mon cerveau pourrait être touché, ce qui me priverait de la capacité de dire ce que je veux à la fin de ma vie et me laisserait à la merci des décisions du corps médical »elle craint.

Cette ancienne responsable des ressources humaines a inscrit ses dernières volontés dans ses directives anticipées. « Pourquoi exiger une pleine conscience pour agir si vous avez rédigé et renouvelé vos volontés ?, elle demande. Elle dénonce « hypocrisie » du projet de loi, rédigé et débattu par « des gens qui ne sont pas touchés dans leur corps et qui ne savent pas ce que sont notre douleur et notre angoisse ».

«Je veux que les parlementaires se mettent à notre place et fassent preuve d’humanité.»

Hélène, patiente atteinte d’un cancer des os

sur franceinfo

« Dans ce débat, on entend beaucoup les médecins, mais qui demande aux gens en fin de vie ce qu’ils veulent ?engage Martine, 58 ans, qui « perçoit la fin du chemin de manière plus tangible » depuis que son cancer du sein s’est propagé au reste de son corps en janvier. Ce collaborateur d’un élu de la région grenobloise juge également le texte « très froid » et déplore le fait que le gouvernement ait « ceinture et bretelles pour protéger les soignants »notamment en privilégiant le suicide assisté plutôt que l’euthanasie.

La peur d’être « incité au suicide »

Certains patients s’inquiètent au contraire de la légalisation de l’aide à mourir en France. Souffrant de polyarthrite rhumatoïde depuis une dizaine d’années, Vivianne, 49 ans, craint qu’un tel vote n’entraîne une forme de« incitation au suicide, plus ou moins subtil », réalisée sur des personnes vulnérables. Lorsqu’elle quitte son domicile en Saône-et-Loire, avec des béquilles, « tout tordu » mais trop « honteux » Pour prendre son fauteuil roulant, cette mère dit souffrir déjà du regard des autres, parfois auteurs de propos offensants.

« Un jour, je serai complètement dépendantcontinue Vivianne. J’ai peur que les gens qui s’occupent de moi me fassent comprendre que je suis devenu un fardeau et me demandent pourquoi je n’ai pas recours à l’aide médicale à mourir. » Elle suggère donc un assouplissement simple et discret du cadre actuel, « cas par cas »répondre à certaines souffrances en fin de vie, sans recourir à une loi « fratricide » aux conséquences « délétère ».

« Quand on lutte contre une maladie, c’est comme un cycliste du Tour de France qui monte : il faut être encouragé, pas incité à s’arrêter. »illustre Caroline, 64 ans, handicapée par l’ataxie de Friedreich, une maladie neurodégénérative. « Si on commence à fixer des critères selon lesquels on peut demander à mourir, c’est parce qu’on considère que la vie à ce stade n’a plus la même valeur »elle croit.

« Une fois admissible à l’aide médicale à mourir, comment vais-je me sentir en sachant que ma vie a si peu de valeur aux yeux de la société ?

Caroline, patiente atteinte de l’ataxie de Friedreich

sur franceinfo

Caroline redoute les sentiments « obligé » envisager l’aide médicale à mourir pour « ne plus peser sur les autres ». « Plutôt que d’éliminer la souffrance, il faudrait éliminer la souffrance, en développant massivement les soins palliatifs, et mieux accompagner ses proches, pour que les malades n’aient plus peur d’être un fardeau », plaide cet ancien professeur de français. Autant de projets que le gouvernement a intégrés dans son projet de loi, mais trop timidement à ses yeux. Dans quelle direction les parlementaires vont-ils faire pencher le texte, que l’exécutif qualifie de délicat « équilibre » ? De nombreux ajustements devraient intervenir d’ici son adoption définitive, qui n’est pas attendue avant fin 2025.

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