Des parents et un enseignant accusés de harcèlement révèlent leurs vérités
Cinq ans après le suicide d’Evaëlle, le procès d’un de ses professeurs, mis en cause dans le mal-être de la collégienne, devait s’ouvrir ce lundi devant le tribunal judiciaire de Pontoise mais a été reporté au mois de mars prochain. Cet enseignant de 61 ans sera jugé pour harcèlement de mineur de moins de 15 ans sur trois élèves d’un collège du Val-d’Oise. Le lien avec la mort d’Evaëlle n’a pas été retenu, l’adolescente ayant changé de collège quatre mois avant les faits. Un fait qui choque les parents d’Evaëlle qui ont témoigné sur TF1 dans « Sept à Huit ».
« Elle ne peut pas dire qu’elle n’a pas participé un seul instant à l’état mental de notre fille », précise Marie. Par son statut d’enseignante, elle a montré qu’on avait le droit de s’adresser à Evaëlle de cette façon et de la traiter de cette façon (…) » Pour cette mère, l’enseignante a « un rôle prépondérant » dans le « passage à l’acte » de sa fille. .
Ceci est réfuté par l’accusé, également interrogé par TF1. Elle témoigne de la difficulté, depuis cinq ans, d’entendre qu’elle est « responsable de la mort de cet enfant ».
Une histoire matérielle qui commence tout
Tout a commencé à la rentrée 2018, quand Evaëlle entre en 6e. Les professeurs qui l’avaient dans leur classe ont noté qu’elle était « un peu en décalage avec les autres », « un peu enfantine » et qu’elle recevait « parfois des taquineries » de la part de ses camarades.
À cette situation s’ajoute une banale question d’équipement. Pour alléger le cartable de leur fille, Marie et Sébastien lui ont acheté un classeur plutôt que plusieurs cahiers. S’ensuivent des échanges secs dans le cahier de correspondance de la jeune fille à ce sujet avec le professeur de français qui réclame un cahier. Un mois plus tard, lors d’une réunion à l’école où il était question de « harcèlement enseignant/élève », les amis de la pré-adolescente ont déclaré à ses parents qu’elle en prenait « beaucoup » en cours de français.
Des accusations que conteste le professeur. Elle assure qu’elle a dû le recadrer pour des problèmes d’organisation et de concentration. «Mais je ne l’ai jamais mise en détention. Je ne l’ai jamais punie. J’ai remarqué qu’il y avait des difficultés avec ce classeur. Ce que je voulais, c’était la sortir de ses difficultés », dit-elle.
Une première tentative de suicide
Si la situation semble s’améliorer chez l’enseignante – Evaëlle l’ayant qualifiée une fois de « gentille » à son retour de classe –, l’adolescente ne va pas pour autant mieux. Par colère, elle se coupe les cheveux et fait sa première tentative de suicide. Son père remarque des traces noires sur le plafond de la cuisine et l’interroge. « Elle a commencé à pleurer et a dit : ‘Je voulais mourir. Je voulais mettre le feu à la maison’», raconte sa mère, très émue.
Après cet épisode, elle découvre une lettre écrite par trois de ses camarades qui lui expliquent les raisons pour lesquelles ils ne souhaitent plus être ses amis, avec des propos très durs. La mère demande alors à Evaëlle de lister les personnes qui « l’agressent » physiquement et verbalement. Au total, « une quinzaine » de collégiens sont inscrits par l’adolescente. Cette liste est transmise à l’établissement qui s’engage à mettre en place un « protocole anti-harcèlement ». Mais rien n’est fait. Seule Evaëlle sera reçue par le CPE, selon les parents. En février, le harcèlement a continué, affirment Sébastien et Marie.
Puis, un soir, elle revient en disant qu’elle a « vécu le pire jour de sa vie ». Le professeur de français aurait organisé « une heure de vie de classe avec pour thème ‘pourquoi Evaëlle se sent harcelée' », raconte son père. Le lendemain, les parents décident de retirer leur fille de l’établissement et portent plainte contre deux élèves. De son côté, l’enseignante nie avoir « fait un procès à la jeune fille ».
Jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende
Evaëlle rejoint donc un autre collège, assez proche de l’ancien et subit de nouvelles moqueries. Le 21 juin 2019, elle est victime d’une autre altercation en classe. Et le soir, elle se pend aux barreaux de son lit, dans sa chambre.
Notre dossier sur le harcèlement scolaire
Après le suicide de la jeune fille, tous ses camarades de classe sont interrogés et trois nouvelles plaintes contre l’enseignante sont déposées par des parents d’élèves. Depuis sa mise en examen en 2020, l’accusé ne peut plus exercer. Chez TF1, elle assure « aimer passionnément son métier » et réaffirme qu’elle n’a jamais harcelé personne. Son dossier scolaire, après trente ans de carrière, ne révèle aucun incident et dresse un portrait élogieux de l’enseignante. Ses collègues, ainsi que les aides-soignantes qui intervenaient dans sa classe, se sont également unies derrière elle. Elle risque jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.