Imaginez des murs de plusieurs kilomètres de long… suspendus dans l’océan. Si la souplesse des filets dérivants leur permet certes de se déformer au gré des courants, pour les poissons, les tortues marines ou les dauphins, ces dispositifs en nylon sont néanmoins aussi « efficaces » qu’une cloison en brique ou en béton – personne (ou presque) ne tombe entre les mailles.
Même perdus suite à une tempête et abandonnés par les pêcheurs, ces murs souples continuent de faire des victimes, qualifiées de « prises accessoires ». Sans parler de la source de pollution plastique que représentent ces « filets fantômes » !
En raison de son impact sur la faune marine, ce procédé a donc été interdit. Mais selon une enquête de l’ONG Environmental Justice Foundation (EJF), en mer d’Alboran, dans la partie occidentale de la Méditerranée reliée à l’Atlantique par le détroit de Gibraltar entre le Maroc et l’Espagne, de petites embarcations n’ont en réalité jamais cessé de se déployer. leurs filets mortels.
Pour les petits pêcheurs, migration ou illégalité
Ainsi, certains pêcheurs marocains n’hésiteraient pas à défier les lois du royaume dans ce domaine. « haut lieu de biodiversité« : un tiers de toutes les espèces connues en mer Méditerranée peuplent cette zone qui ne couvre que 2% de sa superficie totale.
« Les pêcheurs interrogés par l’EJF ont déclaré que les conditions économiques étaient difficiles (Pandémie de COVID-19, crise énergétique suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie), combiné à une application laxiste de l’interdiction des filets dérivants, conduit les gens à s’engager dans des pratiques illicites pour survivre ou les pousse à envisager migration« notent les auteurs du rapport.
« Une fois, j’ai réussi à libérer un bébé dauphin qui était encore vivant et qui pleurait comme un petit enfant. Je l’ai démêlé, je l’ai attrapé, je l’ai sorti du filet et je l’ai relâché. Sa mère était à proximité et elle pleurait aussi. C’était très triste à voir et à vivre.témoigne un pêcheur interrogé par l’ONG. « S’il y avait une autre solution, nous arrêterions de pêcher avec ces filets. »
L’espadon, une espèce en danger critique d’extinction
L’Union européenne (UE) étant la principale destination de l’espadon en provenance du Maroc, les experts estiment que les États membres pourraient « importer de l’espadon capturé illégalement par des navires utilisant des filets dérivants »ce qui implique un « violation potentielle de la réglementation européenne ». Le poisson serait alors frauduleusement présenté comme « pris avec des palangres ».
« En tant que principal marché, l’UE a le devoir de veiller à ce que les prélèvements (en pêchant) respecter la loi et durable« souligne le rapport, suggérant également des mesures en faveur de « une transition équitable pour préserver les moyens de subsistance des communautés de pêcheurs du nord du Maroc ».
Victime de la surpêche depuis trois décennies, l’espadon est actuellement en « danger critique » d’extinction en Méditerranée, la biomasse de cette espèce ayant diminué des deux tiers depuis les années 1980.