De nombreux Français gardent de l’argent liquide chez eux, mais derrière cette pratique simple et assez courante se cachent des implications juridiques souvent méconnues…
Méfiance envers les banques, besoin de faire face rapidement aux coups durs, méconnaissance des produits d’épargne… autant de facteurs qui expliquent les sommes parfois conséquentes conservées dans les foyers français. Mais, si cette pratique est en principe légale, elle peut néanmoins s’avérer risquée.
Selon une estimation de la Banque de France basée sur un calcul portant sur la production et la circulation des billets de banque, les liquidités détenues par les ménages français s’élèveraient entre 50 et 100 milliards d’euros en 2023. Cela représenterait entre 1 000 et 2 000 euros en moyenne par Français de plus de 15 ans en 2022. Ces chiffres cachent toutefois d’importantes disparités, les personnes âgées étant plus susceptibles de thésauriser de grosses sommes d’argent liquide que les plus jeunes. Mais attention, conserver trop d’argent liquide chez soi peut vous exposer à de lourdes pénalités financières.
En effet, Maître Serror, avocat associé au sein de La Garanderie Avocats, confirme que la loi n’impose pas de plafond maximal à ne pas dépasser concernant l’argent liquide conservé à domicile. Toutefois, lorsque les sommes d’argent liquide retirées de la banque dépassent 10 000 euros par mois, elles font l’objet d’une déclaration de l’établissement de crédit à Tracfin, le service de renseignement français chargé, entre autres, de la lutte contre le blanchiment d’argent et la fraude fiscale.
En cas de contrôle, l’impossibilité de prouver l’origine légale des fonds (revenus, épargne, héritage…) vous expose à des poursuites pour blanchiment d’argent, trafic de stupéfiants ou travail dissimulé. La sanction peut alors s’élever jusqu’à une amende de 50 % des sommes détenues. Même en dessous de ce seuil de 10 000 euros, conserver chez soi d’importantes sommes d’argent liquide nécessite certaines précautions et déclarations. Si cet argent provient d’une donation ou d’un héritage, il doit être déclaré au fisc. Il en va de même s’il s’agit de revenus perçus en espèces, sur lesquels l’impôt reste dû.
Au-delà des contrôles, d’autres risques sont à prendre en compte. Tout d’abord, cet argent immobilisé « sous le matelas » ne fonctionne pas et se déprécie avec l’inflation. Ensuite, détenir des sommes importantes en liquide vous expose à des risques accrus de vol. Les membres de votre entourage (famille, employés de maison, etc.) peuvent également représenter une menace. À ce sujet, Maître Serror nous indique que la plupart du temps, le vol d’argent liquide n’est pas indemnisé, à moins qu’il n’ait été conservé dans un coffre-fort dont l’ouverture a été forcée. À noter qu’un incendie, une inondation ou une catastrophe peuvent également faire disparaître cet argent.
Par ailleurs, les personnes qui souhaitent régler certaines dépenses en espèces s’exposent également à d’autres contraintes. Entre particuliers, il n’existe pas de plafond mais au-delà de 1 500 euros, la transaction doit être déclarée par écrit pour apporter la preuve (date, noms de l’acheteur et du vendeur, objet et montant du paiement en espèces). Et pour payer un professionnel, un particulier ne peut pas verser plus de 1 000 euros en espèces. Toutefois, ce plafond peut être porté à 10 000 ou 15 000 euros si l’acheteur a son domicile fiscal à l’étranger et règle une dépense personnelle.