Des injections d’acide dans la stratosphère : le projet controversé d’un chercheur pour refroidir la planète
Un projet inspiré par la nature
L’idée est venue à David Keith en 1991, lorsque le mont Pinatubo est entré en éruption aux Philippines. L’événement a libéré dix-sept millions de tonnes de dioxyde de soufre dans l’atmosphère, provoquant une baisse de la température moyenne dans l’hémisphère nord d’environ un degré Fahrenheit. Pour Keith, cet exemple naturel valide la possibilité de recréer intentionnellement un tel effet pour lutter contre le réchauffement climatique.
David Keith estime que cette technique, en ralentissant le réchauffement climatique d’un seul degré Celsius au cours du siècle prochain, pourrait éviter des millions de décès liés à la chaleur. Selon lui, la géo-ingénierie solaire pourrait ramener la planète à un état proche de celui d’avant l’ère industrielle.
Un projet qui divise la communauté scientifique
Malgré l’optimisme de Keith, son projet a suscité de sérieuses inquiétudes parmi les scientifiques. Beaucoup considèrent cette approche comme « dangereuse », « arrogante » et « simpliste ». L’écologiste canadien David Suzuki qualifie l’idée de pulvériser des composés soufrés pour refléter la lumière du soleil d’« arrogante et imprévisible », soulignant les conséquences potentiellement catastrophiques que le projet pourrait avoir.
Beatrice Rindevall, présidente de la Société suédoise pour la protection de la nature, partage cette inquiétude. Elle prévient que cette méthode pourrait perturber profondément le système climatique, modifier les cycles hydrologiques et intensifier les conditions météorologiques extrêmes.
Les conséquences sur la santé humaine sont également préoccupantes. Le dioxyde de soufre, un polluant bien connu, peut irriter la peau, les yeux, le nez et la gorge et provoquer des problèmes respiratoires. Shuchi Talati, fondateur de l’Alliance for Just Deliberation on Solar Geoengineering, a qualifié le projet d’« épée à double tranchant » qui, s’il pourrait réduire la souffrance humaine, pourrait aussi l’aggraver s’il était mal utilisé.
Une solution temporaire ou une fausse bonne idée ?
Les détracteurs du projet soulignent également que la géo-ingénierie pourrait détourner l’attention des véritables causes du réchauffement climatique, notamment l’utilisation continue des énergies fossiles. Frank Keutsch, ancien collaborateur de David Keith, compare la géo-ingénierie solaire stratosphérique aux opiacés : « Ils ne traitent que le symptôme et non la cause réelle. » Il met en garde contre les effets secondaires potentiels et les risques d’addiction à cette solution temporaire.
Raymond Pierrehumbert, physicien de l’atmosphère à l’université d’Oxford, va plus loin : si la géo-ingénierie était stoppée brutalement, elle pourrait provoquer une hausse massive des températures. Il dénonce un « réel danger » et estime que les fonds investis devraient être réorientés vers la réduction de l’utilisation des énergies fossiles.
Un débat qui ne fait que commencer
Malgré les critiques, David Keith reste convaincu de la pertinence de son projet. Il souligne que de plus en plus de décideurs politiques prennent cette question au sérieux, citant l’exemple de Bill Gates, qui a investi dans cette technologie climatique. « Il est logique de faire des recherches et de comprendre cela », affirme Gates.
Le débat sur la géo-ingénierie solaire ne fait que commencer et ses conséquences sur l’avenir du climat mondial sont incalculables. Ce projet controversé soulève des questions fondamentales sur la responsabilité humaine envers la planète et sur les limites des interventions technologiques face aux crises environnementales.