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des familles dénoncent les viols commis à la Libération par des soldats américains

des familles dénoncent les viols commis à la Libération par des soldats américains

Plusieurs familles françaises soulignent la difficulté pour les victimes de se faire entendre alors qu’à l’époque, l’ambiance était à la fête après la Libération.

« Ils m’ont emmenée aux champs et m’ont violée quatre fois chacun, en tournant » : ces mots, soigneusement rédigés par Aimée Helaudais Honoré, sont lus par sa fille également prénommée Aimée, aujourd’hui âgée de 99 ans.

A l’approche des cérémonies du 80ème anniversaire du Débarquement de Normandie qui doivent se tenir jeudi 6 juin, plusieurs proches de victimes et leurs familles prennent la parole pour dénoncer les exactions commises par les soldats américains au cours de l’année 1944, peu après leur arrivée. sur le sol français. Le 6 juin 1944, 156 000 soldats américains, britanniques et français débarquent sur les plages normandes.

« Des armes toujours pointées sur elle »

Dans son petit village breton, à Montours (Ille-et-Vilaine), Aimée avait 19 ans au moment des faits. Et comme tous ses voisins, elle se réjouit de l’arrivée de ces « libérateurs », qui annonce la fin de l’occupation allemande. Mais très vite, elle déchante. Le 10 août au soir, deux GI, surnom donné aux soldats américains, pénètrent dans la ferme familiale.

« C’est moi qu’ils voulaient. Quand elle a vu ça, elle est descendue dans la cour et s’est présentée à ma place. Ils l’ont emmenée dans un pré et l’ont violée comme ils voulaient, toujours avec des armes pointées sur elle », a-t-elle déclaré à BFMTV.

Aimée Dupré tient la lettre écrite par sa mère, dans laquelle cette dernière raconte son viol, juin 2024
Aimée Dupré tient la lettre écrite par sa mère, dans laquelle cette dernière raconte son viol, juin 2024 – BFMTV

C’est « pour ne pas oublier » que sa mère a enregistré cette terrible expérience. L’agricultrice raconte d’abord comment les soldats ont tiré sur son mari, les balles ont transpercé son béret, puis se sont dirigés d’un air menaçant vers sa fille.

Quatre-vingts ans plus tard, la voix de sa fille se brise lorsqu’elle le lit. « Oh maman, tu as souffert, et j’y pense tous les jours aussi », murmure-t-elle à l’AFP. « Maman s’est sacrifiée pour me protéger. Pendant qu’ils la violaient, nous avons attendu toute la nuit sans savoir si elle reviendrait vivante ou s’ils lui tireraient dessus. »

« Tout le monde était heureux »

En octobre 1944, à la fin de la bataille décisive de Normandie, les autorités militaires américaines jugent 152 soldats pour le viol de Françaises. Un chiffre « largement sous-estimé », estime Mary Louise Roberts, l’une des rares historiennes à s’être penchée sur ce « grand tabou de la Seconde Guerre mondiale ». « Beaucoup de femmes ont préféré garder le silence : outre la honte liée au viol, l’ambiance était à la joie, à la célébration des libérateurs », explique-t-elle.

« Tout le monde était content, la guerre était finie, c’était vraiment de la joie. On avait des bouts d’histoire et des incertitudes. Ma mère, qui avait 17 ans à l’époque, a été violée par un Américain à l’intérieur de la maison », explique à BFMTV, Jeannine Plassard, fille de Catherine Tournellec, elle aussi violée.

Une lettre du ministère de l’Intérieur annonçant l’exécution de William Mack, militaire reconnu coupable du viol d’une femme et du meurtre de son mari, juin 2024 – BFMTV

Au moment des faits, son père a tenté d’intervenir et a été abattu par le militaire. Ce dernier, William Mack, fut traduit en cour martiale et exécuté pour meurtre et tentative de viol.

Pour motiver les GI à combattre si loin de chez eux, « l’armée leur a promis une France peuplée de femmes faciles », souligne Mary Louise Roberts.

Le journal Étoiles et rayurespublié par les forces armées américaines et lu avidement par les milliers de soldats déployés en Europe, regorge de photos de Françaises embrassant les libérateurs.

«Crime noir»

Dans son livre « OK Joe ! », publié en 1976, l’écrivain Louis Guilloux raconte son expérience de traducteur au sein des troupes américaines après le Débarquement.

Il est notamment assigné à des procès pour viols de GI par des tribunaux militaires américains et constate que « les condamnés à mort sont presque tous noirs », souligne Philippe Baron, auteur d’un documentaire éponyme sur ce roman, et d’un livre, La face obscure de la Libération.

Soldats américains en Bretagne après la Libération, en 1944 – BFMTV

Ces GI seront ensuite pendus sur les places publiques des villages français, comme ce fut le cas pour les violeurs d’Aimée Helaudais et Catherine Tournellec. « C’est une histoire compliquée », souligne-t-il. « Derrière le tabou du viol par les libérateurs se cache le secret honteux d’une armée américaine ségrégationniste (…) aidée parfois par des autorités locales racistes. »

« Une fois devant la cour martiale, un soldat noir n’avait quasiment aucune chance d’être acquitté. Il y a quelque chose de terriblement actuel là-dedans car aujourd’hui encore, les hommes noirs sont présumés coupables devant les tribunaux », note-t-il.

Pour Mary Louise Roberts, lorsque le commandement militaire s’est rendu compte que « la situation était hors de contrôle », il « a choisi de faire des soldats noirs les boucs émissaires afin de transformer le viol en un ‘crime noir’ (…) pour entretenir absolument la réputation ». d’Américains blancs, entre 1944 et 1945, sur 29 soldats condamnés à mort pour viol, 25 étaient des GI noirs, pendus par « un bourreau venu expressément du Texas ».

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