Des députés européens payés par un réseau d’influence russe ? 5 minutes pour comprendre le Russiagate
A dix semaines des élections européennes, ingérence russe à Bruxelles ? Les services de renseignement tchèques (BRI) affirment avoir démasqué un réseau d’influence financé par Moscou et dont le but était de diffuser la propagande russe, notamment sur le dossier ukrainien. La BRI affirme que l’influence de ce réseau s’étendait « jusqu’au Parlement européen ». Selon le Premier ministre tchèque Petr Fiala, « ce groupe menait des opérations et des activités sur le territoire de l’UE visant à porter atteinte à l’intégrité territoriale, à la souveraineté et à l’indépendance de l’Ukraine ».
« La Russie a approché les députés européens mais a également payé pour promouvoir la propagande russe, ce sont des parlementaires qui reçoivent de l’argent », a déclaré le Premier ministre belge Alexander De Croo devant la Chambre des représentants belge.
« Cette affaire intervient dans un contexte politique tendu, à la veille des élections européennes et avec une réelle montée du populisme dans de nombreux pays européens », constate Carole Grimaud, chercheuse spécialisée sur la Russie et enseignante à l’université Paul Valéry, à Montpellier.
L’extrême droite dans le viseur
Selon les autorités tchèques, ce réseau d’influence russe aurait agi via Voice of Europe, un site enregistré en République tchèque et dirigé par des proches de Vladimir Poutine. Désormais inaccessible, le site contenait notamment des interviews d’eurodéputés d’extrême droite. On y retrouve une vidéo de l’élue du Rassemblement national (RN) Patricia Chagnon.
Guillaume Pradoura, assistant parlementaire exclu du RN en 2019, est également évoqué par la BRI.
Du côté belge, Filip Dewinter, député du parti d’extrême droite flamand Vlaams Belang, a également accordé une interview à Voice of Europe mais affirme ne pas avoir reçu d’argent russe.
« Le scandale de la « Voix de l’Europe » montre une fois de plus que les patriotes indésirables d’extrême droite constituent une cinquième colonne au service de Poutine », a fustigé l’eurodéputé socialiste Raphaël Glucksmann sur le réseau social X.
Parallèlement au travail fourni par la République tchèque, les services de contre-espionnage polonais (ABW) ont mené ce jeudi une opération visant un réseau d’espionnage russe. « ABW agit dans le cadre d’une enquête sur des activités d’espionnage menées pour le compte de la Russie contre des Etats et des institutions de l’Union européenne », a déclaré sur X Jacek Dorzynski, porte-parole des services spéciaux polonais.
Plusieurs députés réclament l’ouverture d’une enquête
Ce vendredi, le groupe des Verts au Parlement européen a appelé à l’ouverture d’une « enquête rapide et approfondie à l’échelle européenne » sur ce réseau d’influence russe.
Valérie Hayer, présidente de Renew Europe, a de son côté écrit à la présidente du Parlement européen Roberta Metsola pour exiger l’ouverture d’une enquête interne « immédiate et transparente, en coopération avec les autorités nationales ». « Les électeurs doivent savoir si les députés européens ou les candidats travaillent avec le soutien de la Russie ou de ses mandataires, la démocratie en Europe doit être défendue à tout prix contre ces menaces », a poursuivi la tête de liste majoritaire aux élections européennes.
Ce n’est pas la première fois que l’Union européenne se retrouve au cœur de tels bouleversements. En décembre 2022, le Parlement européen a été le théâtre du Qatargate, une affaire dans laquelle plusieurs députés étaient soupçonnés d’avoir reçu de l’argent pour défendre les intérêts du Qatar. « Après le Qatargate, cette affaire russe entache une nouvelle fois les institutions européennes, leur impartialité et leur transparence », regrette Carole Grimaud. « Il faut mener un travail d’encadrement des députés européens, des dons et des revenus qu’ils perçoivent, pour que ces affaires ne voient plus le jour », clame le chercheur.
Pour l’instant, « le Parlement examine (…), en coordination avec ses partenaires institutionnels, les conclusions des autorités tchèques, notamment concernant le média Voice of Europe », a déclaré à l’AFP une porte-parole du Parlement européen.