des centaines de virus dangereux ont disparu sans laisser de trace
Lundi 9 décembre 2024, le gouvernement du Queensland, un État australien, a annoncé que des centaines d’échantillons du virus mortel manquaient dans un laboratoire australien. Une enquête a été ouverte sur cet incident, qualifié de violation inacceptable des mesures de sécurité. Cette situation grave, qui est loin d’être un cas isolé, suscite de sérieuses inquiétudes quant à la gestion et au suivi des pathogènes dans ces structures biomédicales qui doivent toujours respecter des normes strictes pour prévenir tout risque de fuite ou d’utilisation malveillante. .
Une disparition inexpliquée des virus
Le gouvernement local a ordonné à Queensland Health, le département australien de la santé publique, d’enquêter sur ce qui est décrit comme un » grave violation historique des protocoles de biosécurité », selon un communiqué publié en ligne. Il a en effet été rapporté que 323 flacons contenant divers virus infectieux avait disparu du laboratoire de virologie de santé publique du Queensland en 2021 (la brèche n’a été découverte qu’en août 2023).
Le laboratoire où ces échantillons ont disparu fournit « services de diagnostic, de surveillance et de recherche sur les virus médicalement importants et les agents pathogènes transmis par les moustiques et les tiques. », selon le communiqué. Nous ne savons toujours pas pour le moment si les échantillons infectieux ont été retirés, volés ou détruits.
Toutefois, une enquête a été ouverte pour déterminer comment ces virus ont disparu et pourquoi la violation n’a pas été découverte depuis près de deux ans. » Face à une violation aussi grave des protocoles de biosécurité et à des échantillons de virus infectieux potentiellement manquants, Queensland Health doit enquêter sur ce qui s’est passé et comment éviter que cela ne se reproduise. », estime le ministre Timothy Nicholls dans le communiqué. L’enquête » veillera à ce que rien n’ait été négligé dans le traitement de cet incident et examinera les politiques et procédures actuelles en vigueur au laboratoire aujourd’hui. « .
Nicholls a ajouté que Queensland Health avait pris « mesures proactives « , notamment en organisant des formations des nouveaux personnels sur la réglementation en vigueur et la réalisation audits pour assurer le bon stockage des matériaux. Cependant, la seule information actuellement disponible sur les virus disparus est que l’incident s’est produit lorsqu’un congélateur contenant les échantillons s’est brisé.
Virus dangereux
Parmi les bouteilles disparues, certains contiennent des virus vraiment dangereux. Près de 100 flacons manquants contiennent le virus mortel Hendra. Deux flacons contiennent du hantavirus, tandis que 223 flacons contiennent des échantillons de lyssavirus (qui comprend le virus de la rage). Ces trois agents pathogènes peuvent provoquer des taux de mortalité très élevés chez les humains ainsi que chez les animaux et le bétail.
Le virus Hendra infecte principalement les chevaux, mais il a la capacité de se transmettre aux humains là où il se présente. un taux de mortalité estimé à 57%. Le hantavirus est un autre virus zoonotique (transmis par les animaux, notamment les rats). Chez l’homme, il provoque le syndrome pulmonaire à hantavirus caractérisé par de la fièvre, des frissons, des nausées, de la diarrhée et un remplissage des poumons de liquide. Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), cette infection est mortel dans 38% des cas symptomatiques. Enfin, une fois que les symptômes d’une infection à lyssavirus apparaissent, il n’existe aucun traitement connu et l’issue est presque toujours mortelle, provoquant environ 59 000 décès humains chaque année dans le monde.
Apparemment aucun risque immédiat
Le communiqué de presse indique qu’il n’y a pas aucune preuve de risque pour le public. Les virus dépendent en effet d’un hôte pour leur survie et la plupart d’entre eux ont une durée de vie limitée dans l’environnement. Pour maintenir des stocks infectieux dans les laboratoires, ils doivent être soit cultivés dans des cellules, soit stockés à des températures ultra-basses. De plus, si ces flacons n’étaient pas dans un congélateur à très basse température (-80°C, alors qu’un congélateur domestique classique atteint -20°C), les virus ne pourrait pas survivre à cette température et se détériorerait rapidementperdent leur caractère contagieux en quelques jours.
En théorie, une personne exposée au contenu d’une bouteille pourrait donc effectivement être infectée, mais seulement immédiatement après la sortie du congélateur. Étant donné la capacité limitée de transmission de ces agents pathogènes d’une personne à l’autre, le risque d’épidémie est également très faible.
Cependant, les autorités ne savent pas ce qu’il est advenu des échantillons. C’est donc il est possible qu’ils soient encore en bon état… quelque part. Heureusement, aucun cas humain de Hendra ou de lyssavirus n’a été signalé dans le Queensland au cours des cinq dernières années et aucune infection à hantavirus n’a jamais été confirmée en Australie. Malgré le faible risque, les autorités espèrent comprendre où ces échantillons ont abouti afin de s’assurer qu’il n’y a véritablement plus de risque d’exposition.
Un incident non isolé
Cet incident en Australie n’est pas pas un cas isolé. Les laboratoires manipulant des agents pathogènes à haut risque infectieux ont également connu d’autres échecs dans le monde, notamment en France. En 2014, l’Institut Pasteur rapportait par exemple la perte de 2 349 tubes contenant des fragments du virus du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS)bien que les autorités aient affirmé que ces échantillons ne présentaient pas de risque infectieux direct.
Ces incidents mettent en évidence le limites des systèmes de biosécuritémême dans les installations les plus réputées qui ne sont pas protégées à 100 % contre les erreurs humaines, les dysfonctionnements techniques et parfois le non-respect des protocoles. Ils rappellent enfin l’importance cruciale du renforcement de la biosécurité et d’une surveillance étroite des pratiques dans les laboratoires concernés.