Des associations contestent un algorithme antifraude de la CNAF devant le Conseil d’Etat
Utilisé depuis 2011, l’outil statistique vise à identifier parmi les 13,5 millions de bénéficiaires les plus susceptibles de commettre des erreurs dans leur déclaration.
Quinze associations ont annoncé mercredi saisir le Conseil d’Etat pour obtenir la suppression d’un algorithme utilisé par la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) pour mieux détecter les fraudes et les indus parmi ses allocataires. Le recours, déposé mardi soir auprès de l’autorité, « concerne à la fois l’étendue de la surveillance au travail et la discrimination opérée par cet algorithme envers des bénéficiaires déjà vulnérables dans leur parcours de vie »écrivent dans un communiqué Amnesty International, la Quadrature du Net, la Fondation Abbé Pierre et les autres associations requérantes.
« Cet algorithme attribue à chaque bénéficiaire un score de suspicion dont la valeur permet de sélectionner les personnes soumises au contrôle. Plus il est élevé, plus la probabilité d’être contrôlé est grande.soulignent-ils, précisant que cet outil « analyse les données personnelles de plus de 32 millions de personnes vivant dans un foyer bénéficiaire d’une prestation de la CAF ». Après avoir eu accès au « code source » d’une version de cet algorithme, utilisée entre 2014 et 2018, les associations affirment que « parmi les facteurs qui augmentent un score de suspicion, on retrouve notamment le fait d’avoir de faibles revenus, d’être au chômage, de bénéficier du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’allocation adulte handicapé (AAH) ». « En contrepartie, les personnes en difficulté se retrouvent surcontrôlées par rapport au reste de la population »ils dénoncent.
Arrêtez d’utiliser l’algorithme
En juillet, les associations ont demandé à la CNAF de cesser d’utiliser cet algorithme : « Dans la mesure où, au bout de deux mois, nous n’avons reçu aucune réponse de la CNAF, cela a donné lieu à une décision implicite de refus »Katia Roux, chargée de défense des technologies et des droits de l’homme à Amnesty, explique à l’AFP. Utilisé depuis 2011, l’outil statistique vise à identifier parmi les 13,5 millions d’allocataires les plus susceptibles de commettre des erreurs dans leur déclaration, avait indiqué à l’AFP le directeur général de la CNAF, Nicolas Grivel, en novembre 2023.
Les bénéficiaires de certains minima sociaux, comme le RSA ou la prime d’activité, dont les revenus varient souvent, doivent remplir des déclarations fiscales trimestrielles aux formulaires complexes et risquent davantage de commettre des erreurs. Selon la CNAF, cet algorithme vise à identifier ces bénéficiaires pour effectuer des contrôles rapidement et rectifier les erreurs. « Notre objectif est de limiter au maximum les erreurs déclaratives et leurs conséquences en termes de retard de génération »déclarait alors M. Grivel, affirmant qu’il ne s’agissait pas « pas discriminatoire » et ne cible pas « pas forcément les plus pauvres mais ceux dont les revenus varient ».