Une tête monumentale en marbre vieille de 2 000 ans a été découverte lors de fouilles sur le site antique de Laodicée. Il appartient à une statue représentant la déesse de la santé Hygieia. ©Wikimedia Commons / Carole Raddato
En fouillant les vestiges de l’ancienne ville de Laodicée en Anatolie, des archéologues turcs ont découvert une tête monumentale d’Hygie, la déesse grecque de la santé. Cet impressionnant fragment de statue était coincé entre deux rochers, ce qui a permis de le conserver pendant près de 2 100 ans.
Dans un post publié le 20 mai 2024 sur le réseau social X, l’archéologue Celal Şimşek dévoile les premières photographies d’une magnifique tête en marbre mise au jour sur le site de Laodicée en Turquie. Nichée entre deux rochers dans le quartier du Théâtre occidental de la ville, cette statue monumentale de la déesse grecque Hygie aurait été sculptée entre la fin de la période hellénistique et le début de l’Empire romain. Le directeur des fouilles ne peut cacher son enthousiasme face à cette découverte exceptionnelle. Cet artefact revêt en effet une importance particulière pour la communauté archéologique. Il apporte un éclairage nouveau sur les pratiques religieuses et artistiques de cette époque, tout en documentant l’histoire fascinante de Laodicée de Lycus.
Laodicée de Lycus : l’une des villes antiques les plus impressionnantes d’Anatolie
Laodicée est une ancienne ville située sur la rive sud de la rivière Lycus, à environ 6 km au nord de l’actuelle Denizli, en Turquie. Cette ville anatolienne a été fondée au milieu du IIIe siècle avant JC. J.-C. par le roi séleucide Antiochos II (entre 261 et 253 av. J.-C.). Idéalement située au carrefour de plusieurs routes commerciales, elle fut l’une des villes les plus importantes de Phrygie, ancien royaume d’Asie Mineure.
Laodicée de Lycos a été explorée dans les années 1960 par l’archéologue canadien Jean des Gagniers. Les fouilles ne reprendront qu’en 2003, sous la direction du professeur Celal Şimşek de l’université de Pamukkale en collaboration avec le musée de Denizli. Grâce aux travaux des chercheurs, de nombreuses structures architecturales ont été mises au jour puis restaurées. Le site, inscrit sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2013, abrite le plus grand stade jamais découvert en Anatolie. Il comprend également deux théâtres, cinq agoras, quatre bains, cinq fontaines (nymphées), des temples monumentaux, des églises et des basiliques.
Une tête monumentale en marbre coincée entre deux rochers
Le Théâtre occidental de Laodicée, construit au IIe siècle avant JC. BC, est un imposant bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 8 000 personnes. Lors de fouilles dans le bâtiment de scène en 2024, des archéologues turcs de l’université de Pamukkale ont découvert de nombreuses sculptures. Parmi eux, une tête monumentale d’Hygie, la déesse grecque de la santé, a été retrouvée coincée entre deux rochers. Daté d’il y a près de 2 100 ans, ce fragment de statue en marbre blanc est un artefact véritablement unique.
Le professeur Celal Şimşek a en effet déclaré que cette tête présentait « dimensions plus grandes que la normale « . Il s’agit d’une » œuvre d’une très belle facture qui fait revivre ce que l’on appelle l’art hellénistique tardif « . Cette découverte » montre l’importance de la médecine dans cette région et les problèmes liés à la santé « . La statue d’Hygie de Laodicée a été minutieusement retirée de son emplacement par les archéologues. L’équipe continue de fouiller cette zone et espère retrouver la partie inférieure de cette sculpture monumentale.
Focus sur Hygie, la déesse grecque de la santé
Hygie est une divinité qui occupe une place prépondérante dans la mythologie grecque dès le VIe siècle avant JC. Fille d’Asclépios, dieu de la médecine, elle est souvent représentée comme une jeune femme portant ou nourrissant un serpent. Cette déesse personnifiait les concepts de santé, de propreté et d’hygiène. Elle guérissait les maladies et veillait au bien-être des hommes en leur montrant les remèdes et les aliments adaptés. Hygie recevait un culte dans les sanctuaires d’Asclépios, fréquemment visités par les malades. De nombreuses statues la représentant ont été découvertes dans les temples du dieu de la médecine à Épidaure, Pergame, Corinthe et sur l’île de Kos. Du IIe siècle avant JC. J.-C., son culte fut adopté par les Romains qui la vénérèrent sous le nom de Valétudo, puis de Salus.
Une découverte exceptionnelle mettant en lumière la vie artistique et religieuse de Laodicée
Ce fragment de statue de la déesse Hygie est exceptionnel à bien des égards. Outre son excellent état de conservation et son caractère monumental, il apporte un éclairage nouveau sur la vie artistique et religieuse de l’ancienne cité de Laodicée. La découverte de cette sculpture a eu lieu peu de temps après celle d’une grande statue du dieu Asclépios. Ces œuvres, réalisées entre la fin de la période hellénistique et le début de la période augustéenne, présentent des finitions soignées et sont liées au style classique du IVe siècle avant JC. J.-C. Ils témoignent de la sensibilité artistique et du savoir-faire des sculpteurs qui travaillèrent à Laodicée.
Selon l’archéologue Celal Şimşek, de nombreuses sources écrites mentionnent l’existence d’une école de médecine dans cette ville anatolienne. Strabon (Géographie XII, 8, 20) cite un important médecin de ville : Alexandre Philalèthe. Dans la Bible (Apocalypse 3 :18), la lettre envoyée à l’église de Laodicée mentionne l’achat de gouttes pour les yeux à appliquer sur les yeux. Laodicée de Lycus était donc probablement réputée dans le domaine de la santé. La mise au jour des statues d’Hygie et d’Asclépios confirme cette affirmation. Elle permet également aux chercheurs de mieux comprendre la place des divinités gréco-romaines de la santé dans les villes antiques de Turquie.