« Dès 75 ans, il faut anticiper sa perte d’autonomie »
Le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus triplera d’ici 2050. Faudra-t-il construire trois fois plus d’Ehpad (1) ? Les seniors pourront-ils rester à la maison, avec de l’aide ? Responsable du pôle vieillissement au CHRU de Tours, le professeur Bertrand Fougère, également responsable de l’équipe régionale vieillissement et maintien de l’autonomie (ERVMA) du Centre-Val de Loire, insiste sur l’importance de l’anticipation.
A quel âge faut-il commencer à penser à sa perte d’autonomie ?
Professeur Bertrand Fougère : « Il faut l’anticiper le plus possible, se demander « Qu’est-ce que je souhaite pour mon vieillissement ? » Il est particulièrement important de le faire avant que des problèmes ne surviennent. L’âge idéal se situe entre 75 et 80 ans ; 75 ans est un âge charnière en matière de vieillissement, c’est là qu’apparaissent les premières pertes d’autonomie et les premières difficultés de santé.
« Les gens préparent leurs funérailles, se demandent s’ils veulent être enterrés, incinérés, concluent des contrats funéraires, écrivent même leur feuille de messe avec les chansons, en se disant : « les enfants n’auront pas à le faire ». Il devrait en être de même pour la perte d’autonomie. Plus nous l’anticipons, mieux les choses iront. Surtout si vous souhaitez protéger vos proches : il est moins difficile pour les soignants de gérer des obsèques que de gérer la perte d’autonomie d’un parent. »
Cependant, l’anticipation n’est pas la norme…
« On n’entend pas trop ce discours parce qu’il fait peur. Penser que demain nous ne pourrons plus marcher ni nous laver fait peur. Mais cela arrivera inévitablement : 30 % des personnes après 80 ans perdent leur autonomie. Nous devons passer de vieillir c’est mourir à vieillir c’est réussir. »
« Pleurer » la vieille maison
Quelles sont les bonnes questions à poser ?
« 80 % des personnes interrogées déclarent vouloir vieillir chez elles ; cela ne signifie pas nécessairement sa maison. Si vous avez trois enfants et vivez depuis quarante ans dans une maison à trois étages avec cinq chambres, vous devrez déménager pour vivre dans un appartement dans une résidence avec ascenseur ou dans une maison de plain-pied. Il faut se préparer à ce « deuil » de la vieille maison, plutôt que de le subir. »
Quel est le risque si nous ne le faisons pas à temps ?
« Si une personne se casse le col du fémur et vit dans une maison à la campagne avec la salle de bain à l’étage, elle ne pourra pas rentrer chez elle, ou alors on devra mettre le lit dans le salon, il faudra que les gens viennent l’aider. lui. A l’inverse, si la personne a planifié son séjour et habite dans un appartement avec ascenseur au pied des commerces, elle pourra rentrer chez elle et conservera son autonomie. »
Quand faut-il penser à la maison de retraite ?
« Plus de 80 % des personnes vivant en Ehpad souffrent de troubles cognitifs. Ils ne peuvent plus rester chez eux pour des raisons de sécurité : ils se lèvent en pleine nuit, allument le gaz… Adapter le logement ne suffit plus. Mais là encore, il faut essayer d’anticiper le plus possible, avant que les problèmes ne surviennent. Dans quel type de maison de retraite dois-je aller, combien ça coûte ? N’hésitez pas à aller visiter… »
Les choix ne sont pas les mêmes selon les seniors ?
« Le choix de l’habitat doit être personnalisé. Mon désir ne sera pas forcément le vôtre, car nous n’avons pas tous eu la même vie. A celui qui a été agriculteur dans ses champs toute sa vie, on ne va pas lui proposer la possibilité d’emménager dans une maison de retraite en plein Paris, ça va être compliqué. Même si nous souhaitons la société la plus inclusive possible, chacun vit dans son propre environnement : urbain ou rural. Vous devez respecter votre milieu de vie, même en vieillissant. »
(1) Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
Perte d’autonomie et de logement : l’état des lieux en Indre-et-Loire
Consulter pour des soins efficaces
Le service de consultation du centre de vieillissement du CHRU de Tours accueille 3 000 patients par an. « Notre mission principale est la santé, mais aussi la prévention. » Pour évaluer l’autonomie des patients, les équipes réalisent des tests cliniques autour de la mémoire, des performances physiques, de l’alimentation, de la vision, de l’audition, de l’état psychologique… « Toutes ces fonctions sont essentielles pour vieillir en bonne santé. Il existe un programme, appelé Icope, qui vous permet de vous auto-tester. » Si les équipes identifient une altération d’une de ces fonctions, une évaluation plus approfondie sera réalisée et un plan de soins personnalisé sera proposé au patient.