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Derrière l’affaire Volkswagen, la peur de la désindustrialisation

Coup de tonnerre en Allemagne. Lundi 2 septembre, le groupe automobile Volkswagen (VW) a brisé deux tabous d’affilée. Pour la première fois depuis trente ans, la direction du premier constructeur européen a évoqué la nécessité de passer à des licenciements secs en Allemagne. Et même, potentiellement, à des fermetures de sites de production dans le pays. Cette dernière option n’a jamais été mise en pratique en quatre-vingt-dix ans d’existence.

Ce double scénario a été énoncé par le PDG du groupe lui-même, Oliver Blume, lors d’une réunion interne et confirmé dans un document écrit. « situation exigeante et sérieuse » du marché automobile européen, où de nouveaux concurrents émergent.

« À cela s’ajoute le fait que le site de production allemand perd de plus en plus de terrain en termes de compétitivité », Le juge Oliver Blume, pour qui VW doit « agir de manière cohérente ». « Des fermetures d’usines de production de véhicules et de composants ne peuvent plus être exclues », il confirme.

Moins d’un an après un plan de restructuration

Ces annonces interviennent moins d’un an après que Volkswagen a décidé de lancer un vaste plan de restructuration visant à économiser 10 milliards d’euros. Mais pour la direction, ces mesures ne suffisent plus, notamment pour maintenir à flot VW, l’une des 12 marques du groupe du même nom.

Selon la presse allemande, c’est bien l’entreprise qui pose problème, ne parvenant pas à atteindre les objectifs fixés par la direction. Au premier semestre, la marque Volkswagen n’a réalisé qu’une marge bénéficiaire de 2,3 %, contre 6,5 % attendus. Loin des résultats des autres marques Skoda, Seat et Audi. Résultat, VW pourrait devoir économiser 4 milliards d’euros de plus que prévu.

« Ces problèmes sont en partie dus à l’entreprise elle-même, commente l’expert automobile indépendant Matthias Schmidt. Depuis plus de vingt ans, Volkswagen tente de réduire le nombre de ses salariés, mais les structures syndicales y sont si fortes que cela n’a jamais été possible. Avec la faiblesse actuelle de la demande européenne et mondiale, Volkswagen ne peut plus se permettre d’avoir autant de salariés et de maintenir ses capacités de production au niveau d’avant la pandémie.

SSur le terrain, en effet, certains sites allemands fonctionnent à un tiers, voire à un quart de leurs capacités. « Volkswagen est une entreprise beaucoup trop grande et sa structure est trop lourde et trop inhabituelle pour entreprendre des réformes fondamentales », a-t-il ajouté. L’expert Ferdinand Duddenhöffer note, entre autres, le poids de laLa région de Basse-Saxe détient 20% des actions du groupe.

Une stratégie « tout électrique » critiquée

A ces défis internes s’ajoute un contexte économique difficile avec un ralentissement des ventes de voitures en Europe et aux Etats-Unis et une concurrence accrue, notamment chinoise, sur le marché de l’électrique. Or, dans la foulée du scandale du « dieselgate » en 2015 – dont le procès se poursuivait hier avec la comparution de l’ancien patron Martin Winterkorn -, VW avait mis en place une stratégie « tout électrique » qui a suscité des critiques.

Lundi, devant la presse, la présidente du puissant comité des travailleurs, Daniela Cavallo, a estimé que Volkswagen n’avait pas assez misé sur les modèles hybrides et n’offrait pas assez de modèles électriques bon marché. Un problème d’autant plus fondamental que le gouvernement fédéral a supprimé en janvier les primes à l’achat.

« Le tout électrique est une bonne stratégie à long terme, mais cela entraîne des pertes d’emplois », note l’expert indépendant Matthias Schmidt. On sait depuis longtemps que la fabrication de voitures électriques nécessite moins de main-d’œuvre que celle des modèles thermiques. Mais ce processus normal se déroule à un rythme plus rapide que prévu.

Craintes de désindustrialisation

La crise chez Volkswagen confirme également les craintes d’une désindustrialisation de la première économie européenne. « C’est un fait que la désindustrialisation est en marche. Elle concerne l’industrie automobile mais aussi les industries à forte intensité énergétique comme la chimie », note Oliver Falck, de l’institut IFO de Munich.

Les causes de ce phénomène longtemps tabou sont nombreuses : l’explosion des coûts de l’énergie depuis que l’Allemagne n’a plus accès au gaz russe bon marché, le coût élevé de la main d’œuvre, le poids des impôts et de la bureaucratie. Les coûts de l’énergie constituent un problème central pour l’industrie automobile, reconnaît Matthias Schmidt, « Parce que construire des voitures électriques est très énergivore. »

Oliver Falck de l’Institut IFO de Munich se souvient de « Les années 2000, quand les impôts étaient bas ». « Aujourd’hui, nous sommes parmi les plus taxés d’Europe, il souligne. Quant à la bureaucratie, elle nous bloque complètement. La transformation énergétique du pays entraîne de plus en plus de règles. Des pays comme la France ont réussi à réduire le poids de la bureaucratie. Pas nous.

Ces problèmes fondamentaux touchent presque tous les secteurs. Parmi les équipementiers automobiles, des géants comme Bosch, Continental et ZF ont mis en œuvre des plans de restructuration et annoncé des réductions d’effectifs. Le fabricant de scies électriques Stihl a récemment évoqué un éventuel déménagement en Suisse, où, malgré des salaires plus élevés, les coûts de production globaux sont inférieurs à ceux de l’Allemagne.

De plus en plus d’opérations d’externalisation

La liste des entreprises transférant leurs investissements à l’étranger s’allonge : le groupe d’électroménager Miele délocalise une partie de sa production en Pologne et Kärcher, spécialisé dans les technologies de nettoyage, en Lettonie.

Le lundi 2 septembre, le chef de l’opposition chrétienne-démocrate, Friedrich Merz, a jugé que « L’Allemagne n’est plus assez compétitive ». «  Les conditions politiques en sont les principales responsables, il a souligné. L’affaire Volkswagen montre au gouvernement fédéral où nous en sommes réellement. Il ne s’agit pas seulement d’une question de situation mondiale.

Au sein du gouvernement allemand, la situation est prise au sérieux par le ministre vert de l’Economie, Robert Habeck, et son collègue libéral des Finances, Christian Lindner, qui osent parler de désindustrialisation. Leurs réponses tardent cependant à venir, faute d’accord sur les instruments à mettre en œuvre. Mais le temps presse. L’industrie représente 21% du PIB et a un impact sur la croissance, qui stagne depuis plus d’un an et ne devrait pas se redresser immédiatement, selon les experts.

« L’industrie allemande a les ressources pour se transformer. La croissance se trouve ailleurs que dans les secteurs traditionnels, note Oliver Falck de l’institut IFO. Les changements structurels sont en cours et le pire serait de les entraver, notamment en essayant à tout prix de maintenir des structures de production inutiles. Dans un processus de transformation, il faut laisser une marge de manœuvre aux acteurs. Mais pour nous, Allemands, c’est particulièrement difficile.. »

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L’économie allemande ralentit

Pour la première fois depuis la crise du Covid-19 en 2020, l’économie allemande a été en récession l’an dernier, avec un PIB en baisse de 0,2 % en moyenne. Le début de l’année 2024 ne montre aucun signe de reprise : le gouvernement a abaissé sa prévision de croissance à +0,2 % (contre +1,3 % dans ses prévisions d’octobre).

La production manufacturière a repris en début d’année mais reste lente, notamment dans le secteur automobile, avec une production en janvier presque 10% inférieure à son niveau de novembre.

Le marché du travail, en revanche, fait preuve de résilience avec un niveau d’emploi record, 45,9 millions en 2023, et un faible taux de chômage, à 3%.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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