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« Derrière l’absence de gouvernement et la menace de destitution, le délabrement de la politique française »

FIGAROVOX/TRIBUNE – Plus d’un mois après la démission du gouvernement Attal, Emmanuel Macron n’a toujours pas nommé de Premier ministre et le pays semble résigné. Une situation qui en dit long sur le nihilisme dans lequel s’est enfoncée la vie publique nationale, analyse l’essayiste Maxime Tandonnet.

Maxime Tandonnet est essayiste et historien. Il a publié notamment André Tardieu. L’incompris (Perrin, 2019), récemment réédité dans la collection « Tempus » (livre de poche).


Le 16 juillet 2024, Gabriel Attal présente la démission de son gouvernement au chef de l’État, suite à la dissolution et aux élections législatives perdues pour la majorité présidentielle. Plus d’un mois plus tard, le 19 août, la France n’a toujours pas de gouvernement.

Certes, sous la IVe République, la France pouvait rester un certain temps sans Premier ministre ni ministres. Ce fut le cas par exemple en octobre 1949, lorsque pendant trois semaines, le président Auriol s’arracha les cheveux pour tenter de former un cabinet de coalition avant de faire appel au centriste Georges Bidault. Mais, à l’époque, cette situation fut perçue comme dramatique. Par le plus grand des paradoxes, alors que la Ve République était précisément conçue pour mettre fin à ce genre de situation, l’absence prolongée de gouvernement, inédite sous le régime actuel, ne semble gêner personne. Le pays semble résigné, comme indifférent…

Cette absence en dit pourtant long sur le nihilisme dans lequel s’est enfoncée la vie publique nationale, et sa transformation en un grand spectacle dérisoire. Les Jeux olympiques sont terminés. Le suspense entretenu autour de la personnalité du futur premier ministre est une manière d’occuper, quelques semaines encore, l’attention médiatique. Cette attente nourrit l’influence de l’Elysée, en montrant un chef d’Etat seul au sommet, qui ne cède pas aux pressions et se présente comme le maître des horloges. Le mythe de la toute-puissance de l’Elysée, exclusive de toute autre source d’autorité, atteint son paroxysme.

En fait, un gouvernement sert en principe à gouverner. Or, l’objectif essentiel de toute vie politique n’est plus de gouverner ou de diriger, mais de répandre des illusions, de faire croire aux réformes et à l’autorité, de paraître et de se pavaner. Dès lors, la France peut aisément se passer de gouvernement. Telle sera la grande leçon de l’histoire.


Dissoudre une Assemblée nationale (la briser) est beaucoup plus facile que fonder une solution politique (la construire).

Maxime Tandonnet

Cette période marque l’apothéose de la cour. Les contorsions de la classe politique pour placer un Premier ministre – qui n’aura aucune marge de manœuvre dans le contexte d’une Assemblée nationale chaotique – sont révélatrices de l’obsession des prébendes qui domine les esprits. Même les plus réticents à la présidence Macron depuis 2017 se révèlent désormais prêts à prêter allégeance… au fromage de Matignon.

Cette attente est sans doute aussi révélatrice d’une hésitation sincère de la part de l’occupant de l’Élysée. Son choix d’un Premier ministre, sans grande incidence sur la politique du pays en l’absence de majorité possible, sera emblématique d’un penchant à droite ou à gauche ou de celui de la continuité. Dissoudre une Assemblée nationale (briser) est bien plus facile que fonder une solution politique (construire). Au fond, ce dilemme est bien à l’image de notre époque, plus encline à « déconstruire » les hommes, la nation ou l’histoire qu’à préparer résolument l’avenir.

La conférence des chefs de file des groupes politiques à l’Élysée, le 23 août, préalable à la nomination d’un gouvernement, s’inscrit dans la lignée d’un mode d’exercice du pouvoir fondé sur des opérations de communication. Après le « Grand débat », les « conventions citoyennes », «le jour d’après« , le « Conseil National pour la Refondation », les « Cent Jours » « L’initiative à grande échelle« , LE « grande rencontre avec la nation« Cette nouvelle cérémonie, à laquelle tous les partis se prêtent volontiers, leur permettra de porter le chapeau pour l’inévitable chaos politique à venir. Quant au psychodrame de la France Insoumise et de la gauche autour de la destitution du chef de l’Etat, parfaitement illusoire comme chacun le sait, il vient aussi de ce climat de déliquescence et de fuite dans une communication stérile.

Et pendant ce temps, derrière l’écran du cirque politiqueLes difficultés de la France continuent de s’accumuler : crise scolaire, dette publique, chômage (5,4 millions de personnes), pauvreté, violence et insécurité, contrôle de l’immigration, logement et hôpitaux. Les Français se sont mobilisés comme jamais lors des élections législatives, qui ont battu des records de participation. Leur déception, à la mesure de cet espoir, risque de nourrir le dégoût, le découragement ou la révolte.

Cammile Bussière

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