derrière la lourde défaite de l’AKP, l’échec de la politique économique d’Erdogan
En Turquie, le parti du président Erdogan a essuyé une lourde défaite aux élections municipales. Les résultats, presque définitifs, donnent au principal parti d’opposition le grand vainqueur de l’élection. Le Parti républicain du peuple (CHP) social-démocrate revient à Istanbul et Ankara, les deux plus grandes villes de Turquie, et en reprend bien d’autres, comme Bursa, grande ville industrielle du nord-ouest, pourtant acquise depuis par l’AKP. 2004.
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- Quelles sont les raisons de ce déclin de l’AKP ? ?
Les électeurs semblent avoir d’abord sanctionné le gouvernement pour des raisons économiques et sociales : les prix des produits ne cessent d’augmenter, de nombreux Turcs voient leur pouvoir d’achat diminuer inexorablement, avec une inflation de 67 % sur un an, selon les statistiques officielles. À cela s’ajoute la dévaluation de la livre turque. Dans ce contexte, les électeurs traditionnels de l’AKP, sans voter pour l’opposition, auraient préféré s’abstenir.
Enfin, le nouveau parti islamiste, Yeniden Refah, a fait une percée, s’imposant comme la troisième force politique lors de ces élections municipales, avec 6,2% des voix au niveau national, selon des résultats quasi définitifs. Les candidats de ce parti ont été élus à Sanliurfa (sud-est) et Yozgat (centre), deux capitales provinciales dirigées par des maires de l’AKP. C’est une conséquence indirecte de la guerre à Gaza, estime le président Erdogan étant accusé d’entretenir des relations commerciales avec Israël.
- Peut-on parler de défaite pour Recep Tayyip Erdogan ?
C’est sans doute un coup dur pour le président qui a pris une part active à la campagne électorale, en tenant deux à trois réunions publiques par jour. La défaite est d’autant plus cinglante à Istanbul, sa ville natale, qu’il avait promis de reconquérir. C’est ici qu’il débute sa carrière politique, étant maire de 1994 à 1998. Pour ces élections municipales, le chef de l’Etat turc est venu en personne et a également envoyé la quasi-totalité de ses ministres soutenir le candidat de l’AKP.
Istanbul est la plus grande ville du pays, sa capitale économique et culturelle, elle représente un tiers de l’économie et 18% de la population turque, une sorte de microcosme de pays. Pourtant, une victoire à Istanbul, place économique et financière, aurait pu donner à Recep Tayyip Erdogan l’élan politique et les ressources économiques nécessaires pour aller de l’avant.
- Quels défis attendent l’opposition ?
Cette victoire du Parti républicain du peuple (CHP) est un résultat prometteur pour l’opposition en vue de l’élection présidentielle prévue en 2028. D’autant que cette fois, le CHP avait fait cavalier seul, contrairement à l’élection présidentielle, où les partis d’opposition ont fait bloc. Le charismatique maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, serait en bonne position s’il décidait de se lancer dans la course à la présidentielle. Mais 2028 est encore une perspective lointaine, d’autant que l’AKP, fort de plus de deux décennies au pouvoir, conserve la main sur tous les rouages de l’administration et de l’État.
L’opposition subit également une forte pression pour ne pas décevoir ses électeurs. Le président du CHP, Ozgur Ozel, les a félicités d’avoir décidé de changer le visage de la Turquie : « Ils veulent ouvrir la porte à un nouveau climat politique dans notre pays « . Mais le Parti républicain du peuple est également très fracturé, notamment depuis sa défaite aux élections présidentielle et législatives de l’année dernière. La formation social-démocrate reste désunie, traversée de courants divers, comme le montrent les querelles lors de la désignation de certains candidats, comme à Izmir. Enfin, le maire d’Istanbul fait face à des ennuis judiciaires. Poursuivi pour insulte au Haut Conseil électoral turc, il a été condamné à plus de deux ans et demi de prison, mais a fait appel. En attendant, il continue d’exercer ses fonctions , mais avec cette menace qui pourrait stopper net ses ambitions politiques.
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