« Derrière la complaisance envers le Hezbollah, la haine d’Israël… et de soi-même »
FIGAROVOX/CHRONIQUE – Les explosions de bippeurs, puis de talkies-walkies visant des membres du Hezbollah, ont une fois de plus mis en évidence le silence coupable de la classe politique et d’une partie des médias sur les actions de l’organisation terroriste.
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox. Il a publié Journal de guerre. C’est l’Occident qui est assassiné (Fayard, 2024). Il est également président d’Avocats sans frontières.
La semaine dernière a marqué une très lourde défaite morale et militaire pour le Hezbollah. Mercredi, les bipeurs de ses milices ont explosé. Jeudi, les talkies-walkies de leurs supérieurs. Vendredi, les principaux dirigeants de son unité d’élite ont été éliminés.
Il ne s’agit pas d’une chronique militaire, mais d’une chronique sur l’indulgence qu’inspire une organisation classée terroriste à une partie du monde médiatique et politique. A plusieurs reprises déjà, et même avant cette dernière séquence, j’avais cru devoir souligner que jamais le très sentencieux Le monde Je n’avais pas jugé bon de consacrer un seul de ses éditoriaux critiques au Parti de Dieu depuis le 7 octobre. En revanche, je ne peux pas compter ceux consacrés au seul État démocratique, si critiquable soit-il, du Moyen-Orient.
Mais les événements récents permettent de mieux mesurer l’injustice aberrante du phénomène qui dépasse largement la question de l’Orient. Il ne devrait pas être nécessaire de rappeler la nocivité d’une organisation terroriste créée par la République islamique des mollahs d’Iran. Cette dernière a juré la destruction de « l’État islamique ».l’entité cancéreuse sioniste« Elle est responsable, en lien avec des Iraniens recherchés par la justice, de plusieurs attentats antisémites en Argentine, notamment contre l’AMIA le 18 juillet 1994, une organisation caritative juive de ce pays, qui a causé la mort de 85 civils.
L’un de ses plus hauts responsables éliminé vendredi, Ibrahim Aqil, ancien membre du Jihad islamique, était recherché par la justice américaine pour sa participation à l’attaque de l’ambassade des Etats-Unis ayant causé la mort de 241 soldats américains. Il était également l’organisateur de l’attaque du camp du Drakkar à Beyrouth le 23 octobre 1983, qui avait entraîné la mort de 58 parachutistes français.
Triste époque en effet, où l’Occident n’est pas seulement haï de l’extérieur mais aussi de l’intérieur. Et si, à notre époque, il s’agissait d’une grande confusion morale et mentale de haine de soi ?
Gilles-William Goldnadel
A la suite du conflit armé avec Israël en 2006, le Hezbollah, en vertu de la résolution 1701 contraignante des Nations unies, a été contraint de retirer ses troupes du Sud-Liban. Cet accord a été foulé aux pieds, sans que cette violation n’émette beaucoup l’organisation et l’opinion internationales habituellement plus méticuleuses. Le 8 octobre, le Hezbollah a décidé d’attaquer Israël en bombardant son territoire, forçant près de cent mille civils vivant dans sa région nord à chercher refuge plus au sud. C’est donc dans ce cadre moral et militaire plutôt unilatéral qu’il faut désormais évaluer certaines réactions en France.
Il faudrait en effet se passer de la réaction de l’ONU, qui condamne Israël de manière pavlovienne et automatique. Son secrétaire général, Antonio Guterres, considère le fait d’attaquer des biens civils (les bipeurs) comme un crime de guerre. Il s’est cependant gardé de condamner comme criminel le fait par le Hezbollah d’avoir attaqué auparavant des civils en chair et en os.
Un esprit simple pourrait au contraire considérer que l’Etat attaqué, à moins d’abdiquer son obligation première et sacrée de défendre la vie de ses citoyens, pourrait difficilement utiliser des moyens plus ciblés et sophistiqués pour mettre les terroristes hors d’état de nuire tout en essayant, autant que possible, d’épargner les civils voisins. C’est là en effet que réside la différence essentielle entre les adversaires : le terroriste islamiste ne vise que le civil juif et se protège derrière son propre peuple tandis que l’Etat juif attaqué ne vise que le terroriste tout en essayant d’épargner les civils trop souvent touchés. Mais il s’avère que le raisonnement onusien précité qu’un esprit mécontent pourrait accuser de pervers a été repris sans hésitation en France.
C’est le journal Le monde le 19 septembre, qui écrivait dans son éditorial : «Les responsables de l’opération n’avaient aucune garantie que les explosions qu’ils allaient déclencher toucheraient effectivement les propriétaires des engins piégés, ou qu’elles ne toucheraient pas également des personnes se trouvant à proximité et n’ayant aucun lien avec eux. N’est-ce pas là une forme de terrorisme qu’ils prétendent combattre ?« Il se trouve que le lecteur ne trouvera pas dans cet éditorial la moindre critique à l’encontre de ce Hezbollah terroriste…
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Jean-Michel Apathie a repris le même raisonnement fabriqué sur RTL. La station BFM, habituellement objective, a cru devoir diffuser le 20 septembre, de manière anodine, l’interview d’un » journaliste « .Entraîneur du département des sports du Hezbollah« Je ne me souviens pas que beaucoup de gens aient interrogé les membres d’Al-Qaïda après le 11 septembre, même s’ils étaient par ailleurs d’excellents éducateurs.
Sur le plan politique, la même confusion politique règne dans certains esprits. J’épargnerai à mon lecteur les positions sans surprise des députés de La France insoumise, désormais acquis à la cause des ennemis les plus fanatiques et antisémites de l’Etat juif. Mais c’est la position du président de la République qui est tristement la plus symbolique de la confusion des esprits. Le voilà, au lendemain de l’affaire du bipeur mais aussi au lendemain d’un déluge de roquettes sur le territoire israélien, croyant devoir s’adresser ainsi à lui-même :Libanaises et Libanais, dans la douleur, l’espoir est une denrée rare. Dans cette confusion, dans cette douleur, la France est à vos côtés.« .
Confusion est bien le mot qui me vient à l’esprit. A aucun moment le président n’a eu un mot pour les civils israéliens. Surtout, en protecteur traditionnel du Liban, il n’a pas eu un mot critique à l’égard du Hezbollah, responsable du calvaire de ce pays en lambeaux et à la souveraineté perdue. J’en arrive ainsi à ma conclusion. Dans une France encore éprise du bonheur et de la sécurité de ses enfants, ayant conservé le souvenir reconnaissant de ses soldats suppliciés, le jour du châtiment du principal responsable de la mort de cinquante-huit d’entre eux aurait dû être un jour de sentiment que justice avait enfin été rendue.
Ne pas écrire de gratitude. Il n’en fut rien. Une exception notable qui confirme la triste règle, seul le maire de Béziers Robert Ménard a osé la formuler sans ambiguïté sur Europe 1 dimanche matin. J’y vois la sombre preuve que l’indulgence pour le terroriste Hezbollah n’a pas pour seule cause un anti-israélisme devenu pathologique. Elle a aussi pour cause associée la haine de l’Occident. Triste époque en effet où l’Occident n’est pas seulement haï de l’extérieur mais aussi de l’intérieur. Et si à notre époque il s’agissait d’une grande confusion morale et mentale de haine de soi ?