Dérapage budgétaire : Bruno Le Maire rejette la faute sur le gouvernement actuel – 11/07/2024 à 10:50
L’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire devant la commission des Finances du Sénat à Paris, le 7 novembre 2024 (AFP / Bertrand GUAY)
À la tête de Bercy depuis sept ans, l’ancien ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a réfuté jeudi toute « faute » ou « dissimulation » face à la dégradation importante des finances publiques françaises, rejetant la responsabilité sur le gouvernement actuel. .
Déplorant les « attaques » et les « mensonges » subis selon lui depuis « des mois », l’ancien grand financier de 55 ans est venu défendre sa « vérité » devant la commission des Finances du Sénat, qui a entamé une série d’auditions dans le cadre d’un mission d’information sur les dérives des comptes publics, devant une commission d’enquête à l’Assemblée nationale.
« Quand on me dit que le déficit en 2024 sera de 6,1%, c’est le choix du gouvernement actuel », a-t-il déclaré. « Si toutes les mesures que nous avions préparées avec Thomas Cazenave (l’ancien ministre des Comptes publics) en juin et juillet avaient été mises en œuvre sans tarder par le nouveau gouvernement, couplées à des mesures de recettes sur les rentes énergétiques et sur les rachats d’actions avec effet rétroactif, elles aurait permis de contenir le déficit pour 2024 à 5,5% sans augmentation d’impôts.
Le déficit public devrait atteindre 6,1% du PIB en 2024. Il était prévu à 4,4% à l’automne 2023 puis a été réévalué à 5,1% au printemps par le gouvernement précédent.
Début janvier, « j’indique clairement (…) que le plus dur est devant nous », tout en maintenant l’objectif de déficit à 4,4%, a expliqué Bruno Le Maire. Aujourd’hui, cette déclaration m’a valu des accusations brutales », contre lesquelles il « est totalement en désaccord ».
– « Imperméabilité totale » –
La mauvaise santé des finances françaises, qui classent la deuxième économie de la zone euro parmi les mauvaises performances européennes, s’explique selon lui par le soutien massif déployé lors des crises successives, et plus récemment par des recettes fiscales bien inférieures aux attentes.
« Il n’y avait aucune faute, aucune dissimulation, aucune volonté de tromper. Il y a eu fondamentalement une grave erreur technique dans l’évaluation des recettes», explique Bruno Le Maire, aujourd’hui parti enseigner à Lausanne, en Suisse. Les revenus sont inférieurs de 41,5 milliards d’euros aux prévisions.
Il a insisté sur le fait que « jamais, à aucun moment, ni le cabinet, ni a fortiori le ministre, ne disent un mot sur l’évaluation des recettes » : il y a une « imperméabilité totale » afin d’éviter un risque de « manipulation ».
Le président de la commission des Finances Claude Raynal (PS) a estimé que le gouvernement avait très tôt des notes internes qui prévoyaient un dérapage plus marqué que prévu, et qu’il tardait à en tenir compte.
Bruno Le Maire a contesté. Face à la dégradation rapide de l’environnement économique et géopolitique début 2024, entraînant un abaissement de la prévision de croissance de 1,4% à 1,1%, Bercy a réagi en annulant 10 milliards d’euros de crédit en février. Mais l’ancien ministre a regretté de n’avoir pas réussi à convaincre au sein de l’exécutif de la nécessité d’un projet de loi de finances rectificative au printemps à 15 milliards, tout en se disant solidaire de cette décision.
– « L’autosatisfaction » –
« Je constate cette espèce de feu d’artifice d’autosatisfaction collective et solidaire sur votre action qui se paie (…) au prix fort (…) d’une dette colossale et abyssale », a rétorqué le rapporteur général du budget. Jean-François Husson (LR), rappelant que Bruno Le Maire était encore ministre début septembre.
Le glissement inattendu du déficit, après celui déjà observé en 2023, à 5,5% du PIB contre 4,9% prévu, a soulevé des questions sur la fiabilité des prévisions de la précédente majorité macroniste.
Les comptes publics de la France (AFP / Bertille LAGORCE)
« Ce n’est plus une +tempête parfaite, exceptionnelle+, c’est plutôt un ouragan de longue durée », a ironisé Jean-François Husson, rappelant des propos tenus par l’ex-ministre avant leur commission lors d’une première partie de la mission effectuée en le printemps.
« Vous avez dit ‘la réduction de la dette de la France, pendant sept ans, était mon obsession. Heureusement vous le dites, car les faits vous contredisent malheureusement fortement’.
Après l’ancien président de Bercy, le Sénat entendra dans l’après-midi Thomas Cazenave, puis l’ancien Premier ministre Gabriel Attal vendredi et sa prédécesseure Elisabeth Borne le 15 novembre, avant d’examiner dans les prochains jours le projet de budget 2025 à la chambre haute, où la majorité sénatoriale, alliance LR-centriste, a basculé vers le « socle commun ».