« Depuis l’intégration de Bombardier, en 2021, nous avons augmenté notre production de trains de 40 % », déclare le PDG d’Alstom
Alstom, le constructeur ferroviaire français, publie ses résultats financiers mercredi 8 mai 2024. En novembre 2023, il a annoncé un plan de désendettement. Quand on regarde le verre à moitié plein, on voit le chiffre d’affaires augmenter pour atteindre 17,6 milliards d’euros, soit près de 19 milliards de nouveaux contrats sur un an. Mais quand on regarde le verre à moitié vide, on constate un bénéfice en baisse à 44 millions d’euros, soit 250 millions de moins que l’année précédente. « Nous sommes satisfaits de nos résultats. Ils témoignent de tous les efforts qui ont été faits au cours de la dernière période pour redresser le groupe. »déclare Henri Poupart-Lafarge.
En 2021, Alstom rachète son concurrent canadien Bombardier. « Depuis l’intégration de Bombardier, nous avons augmenté notre production de trains de 40 % au cours des trois dernières années, par rapport au regroupement des deux groupes »dit Henri Poupart-Lafarge. « Dans cette période qui a été complexe, d’un point de vue géostratégique, d’un point de vue Covid, donc d’un point de vue sanitaire, peu d’industries peuvent dire qu’elles ont augmenté leur capacité de production de 40% durant cette période »il insiste.
franceinfo : Comment expliquez-vous ces résultats financiers ?
Henri Poupart-Lafarge : Tout d’abord, nous sommes satisfaits de nos résultats. Ils démontrent l’engagement de tous nos collaborateurs. Ils témoignent de tous les efforts qui ont été faits dans la dernière période pour redresser le groupe. Et ils sont conformes à nos estimations, comme vous l’avez dit, des ventes en croissance, un résultat opérationnel en hausse de 17 %.
« Un certain nombre de charges liées à l’intégration de Bombardier, au lancement d’un certain nombre de projets industriels, ont poussé les coûts en dessous du rythme opérationnel et ont donc mis à rude épreuve le résultat net. »
Henri Poupart-Lafargefranceinfo
À l’automne 2023, vous avez lancé un plan de désendettement de deux milliards d’euros. Où êtes-vous aujourd’hui?
Nous avions annoncé un plan de désendettement de deux milliards d’euros, prenant en compte les efforts qui seront faits pour générer du cash-flow grâce à nos opérations. Et nous avons annoncé ce plan qui comprend, d’une part, les cessions d’actifs que nous avons réalisées. Nous avons conclu un accord pour la vente de signalétique aux États-Unis. Ce n’est pas complètement fait, mais c’est signé, c’est sûr. Et nous avons donc annoncé l’émission de deux types d’instruments financiers, parmi lesquels des obligations d’une part et des capitaux d’autre part. C’est ce que nous avons annoncé et le montant total est de deux milliards, comme nous l’avions annoncé en novembre dernier.
Cette augmentation de capital que vous annoncez sera de l’ordre de combien ?
Nous avons justement donné le chiffre, il sera de l’ordre d’un milliard d’euros.
Cette restructuration entreprise a également un coût social. Vous avez déjà annoncé 1 500 suppressions de postes administratifs, dont 300 en France. Comptez-vous vous arrêter là ou allez-vous aller plus loin ?
Nous avons donc initié ce plan d’efficacité principalement sur les structures.
« Nous entrons désormais dans une phase d’optimisation industrielle globale où nous allons optimiser la capacité de nos différentes usines à travers le monde. »
Henri Poupart-Lafargefranceinfo
Mais cela va se faire avec le temps et c’est normal à partir du moment où on a une activité qui peut monter ou descendre.
Pouvons-nous imaginer de nouvelles suppressions d’emplois à l’avenir ?
Non, cela signifie que nous ajustons continuellement nos capacités de production partout dans le monde, comme nous l’avons toujours fait et comme nous continuerons de le faire. Aucune suppression d’emploi n’est prévue pour le moment.
Votre carnet de commandes est bien rempli, avec un record de 92 milliards d’euros, mais vous peinez à l’honorer. Les TGV devaient être livrés avant les JO, cela ne le sera pas avant le second semestre 2025. Les RER nouvelle génération ont commencé à être livrés à l’automne 2023, avec deux ans de retard. Ce qui s’est passé ?
Tout d’abord, je tiens à souligner que nous mettons évidemment tout en œuvre pour livrer nos trains le plus rapidement possible.
« Nous sommes à l’heure des Jeux Olympiques, nous avons livré beaucoup de métros, notamment pour permettre le prolongement de la ligne 14. »
Henri Poupart-Lafargefranceinfo
Nous avons livré, comme vous venez de le rappeler, le RER E et pour permettre l’ouverture du prolongement de la ligne, également des tramways, de sorte que la ligne 3 a également été prolongée.
Nous sommes en retard. Ce sont des projets éminemment complexes. Vous savez que la dernière fois qu’on a développé un nouveau TGV, d’ailleurs conjointement avec la SNCF, c’était des projets de co-développement avec la RATP ou avec la SNCF, la dernière fois qu’on l’a fait, c’était dans les années 90. Cela montre l’effort d’innovation qui appartient à ce train. Alors avec la SNCF, bien sûr, nous souhaitons faire le train le plus innovant, le plus économique, le plus technologique possible. C’est une génération qui durera les 50 prochaines années.
Et ces dernières années ont été un peu complexes, Covid, supply chains, action, inflation… Mais au-delà, encore une fois, c’est un co-développement entre l’Etat et nous. Ce TGV est un TGV fantastique, il aura 15% de consommation d’énergie en moins que la génération précédente et 15% de sièges en plus. Au lieu de cela, il consommera 30 % d’énergie en moins et c’est le principal. Toutes ces innovations technologiques qui permettront un confort amélioré pour les passagers et une meilleure efficacité pour la SNCF.
Vos yeux n’ont-ils pas été plus gros que votre ventre avec ce carnet de commandes que vous peinez à honorer à temps ?
Non, nous avons une politique de stabilisation des livres. Par ailleurs, comme nous l’avons annoncé, nous souhaitons être de plus en plus sélectifs pour être sûrs de pouvoir livrer correctement nos trains. Je crois que l’ensemble du secteur ferroviaire a connu une très forte croissance.
Je crois qu’il y a assez peu d’industries qui peuvent se vanter, dans cette période qui a été encore une fois complexe, d’un point de vue géostratégique, d’un point de vue Covid, donc d’un point de vue sanitaire, peu d’industries peuvent dire qu’elles ont augmenté leur capacité de production de 40% au cours de cette période.
L’intégration de Bombardier est terminée, elle a été longue et difficile. Vous avez atteint la taille critique, qui est aujourd’hui votre principal concurrent ? L’allemand Siemens qui a remporté la première ligne TGV aux Etats-Unis (Las Vegas, Los Angeles) ou le chinois CRRC qui remporte de plus en plus de contrats en Europe et casse les prix.
Nous sommes le seul acteur mondial. C’est-à-dire que justement, tel était l’intérêt stratégique de la question de Bombardier, c’est d’avoir une taille critique sur chacun des marchés. Nous n’avons donc pas de concurrents principaux. Partout où nous sommes, nous rencontrons de nouveaux concurrents, des concurrents différents. Nous sommes le seul acteur à être présent sur tous les continents, en Europe, dans tous les pays.
Êtes-vous meilleur que les Chinois ou les Allemands ?
Nous avons une position unique sur le marché qui est celle d’être un acteur que l’on pourrait qualifier de multilocal, c’est-à-dire présent sur tous les continents et sur tous les principaux marchés. Nos concurrents ne sont présents que sur certains marchés et nous rencontrons donc des concurrents différents sur chacun des marchés sur lesquels nous opérons. Ils nous rencontrent constamment.
L’intégration de Bombardier a été réussie, était-ce une bonne opération ?
Ce fut une excellente opération confirmée par le marché ferroviaire qui est extrêmement porteur et confirmé par cette tendance justement à avoir des marchés locaux extrêmement importants, ce besoin d’être proche des clients. Alors oui, une intégration et un fonctionnement très stratégique et confirmé.