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Depuis l’effondrement de la monnaie locale, « les affaires tournent au ralenti »

La scène s’est répétée ces dernières semaines dans la petite boutique de Medanit Woldegebriel. « Combien coûte cette robe ? »demande un client. « 4.500 birr » (environ 35 euros), répond le propriétaire. Un prix qui a presque doublé et qui fait immédiatement fuir les gens.

Les vêtements féminins que cette vendeuse d’Addis-Abeba importe de l’étranger sont devenus inaccessibles depuis que l’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, a procédé en juillet à une douloureuse libéralisation de sa monnaie.

En moins de deux mois, le birr s’est effondré.

« Il n’y a plus de clients et l’activité tourne au ralenti »se plaint auprès de l’AFP Mme Woldegebriel, 36 ans, propriétaire d’une boutique dans le vaste marché Merkato.

Comme de nombreux pays, notamment africains, l’Ethiopie est déjà confrontée ces dernières années à une inflation très élevée (jusqu’à 30% en 2022 par rapport à 2021), conséquence cumulative de la crise du Covid, de la guerre en Ukraine, mais aussi d’une grave sécheresse et de la guerre au Tigré.

Et pour les 120 millions d’Ethiopiens, la situation s’est aggravée depuis le 30 juillet, lorsque les autorités de cette économie encore largement contrôlée ont annoncé une réforme du birr.

Jusqu’ici ultra-contrôlé, son taux peut désormais être fixé librement par les banques commerciales.

Immédiatement, la Banque commerciale d’Éthiopie (CBE), la principale institution financière publique du pays, a abaissé la valeur du birr de 30 % par rapport aux principales devises.

Depuis, la valeur de la monnaie éthiopienne n’a cessé de baisser (de 1 dollar pour 55 birr avant la libéralisation, à 112 aujourd’hui à la CBE) et s’est rapprochée du taux du marché noir, très dynamique dans le pays d’Afrique de l’Est.

« Difficile à avaler »

Les effets ont été rapidement ressentis par Medanit Woldegebriel, qui importe principalement ses vêtements de Turquie ou des Émirats arabes unis. « Cette robe qui coûtait 2 500 birrs vaut aujourd’hui 4 500 birrs. Ces chemises qui étaient vendues 1 500 birrs valent aujourd’hui 2 500 birrs. »elle énumère.

Des prix prohibitifs dans un pays où 34,6% de la population vit sous le seuil de pauvreté (moins de 2,15 dollars par jour), selon la Banque mondiale.

Ethiopie : depuis l’effondrement de la monnaie locale,

Tewodros Makonnen Gebrewolde, économiste spécialiste de l’Éthiopie pour le Centre international de croissance (IGC) basé à Londres, reconnaît que « La pilule est difficile à avaler à court terme »

« Les autorités ont promis un meilleur accès aux devises étrangères pour les entreprises, ce qui leur permettra d’augmenter leur productivité et ainsi de pouvoir produire davantage. »il note.

Pendant des années, l’Éthiopie a sévèrement restreint l’accès des entreprises aux devises étrangères, en raison d’une pénurie structurelle liée à sa forte dépendance aux importations.

Ces derniers (carburants, produits manufacturés, etc.) s’élevaient à 23 milliards de dollars en 2023, contre 11 milliards de recettes d’exportation (fleurs, thé, café, etc.), selon les données de la Banque mondiale.

En conséquence, de nombreuses entreprises n’ont pas fonctionné à pleine capacité ces dernières années en raison d’un manque de matières premières ou de machines importées.

Réforme  » essentiel « 

Décrivant cette réforme comme  » essentiel «  Lors de son annonce, le Premier ministre Abiy Ahmed a insisté sur l’effet d’attractivité attendu pour l’économie éthiopienne, en augmentant « contraintes à l’investissement et à la croissance du secteur privé ».

Une autre conséquence attendue devrait être une augmentation des exportations, grâce à une monnaie plus compétitive.

Ethiopie : depuis l’effondrement de la monnaie locale,

En outre, en raison des restrictions, certaines exportations ont été détournées vers des réseaux de contrebande ces dernières années, selon Tewodros Makonnen Gebrewolde.

« La libéralisation devrait les ramener aux canaux formels, ce qui signifie des revenus accrus. »dit l’économiste.

La réforme du taux de change était attendue depuis de nombreuses années par les institutions internationales, FMI et Banque mondiale en tête, alors que les autorités éthiopiennes avaient longtemps refusé de la mettre en œuvre.

Quelques jours après cette annonce, le FMI a accordé un programme d’aide de 3,4 milliards de dollars sur quatre ans, suivi par la Banque mondiale (plan de financement de 1,5 milliard).

Mais les Éthiopiens sont encore loin de voir les fruits de ces réformes.

Abrish (nom modifié) termine ses courses dans les ruelles de Merkato : « Tous les produits sont plus chers qu’il y a quelques semaines. »déplore ce responsable.

« Sans notre famille vivant à l’étranger qui peut nous envoyer des devises étrangères, nous ne pourrions pas survivre »il a dit.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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