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« Depuis deux semaines, je fais du sport pour me calmer, mais aussi avec l’idée qu’on entre dans une ère de combat. »

« Je suis triste et je pense beaucoup à mon père, décédé quand j’avais 25 ans. Je me dis qu’il se retournerait dans sa tombe – même si ses cendres reposent dans l’océan… – car il a toujours pensé que les idées d’extrême droite étaient néfastes pour l’humanité. Cela me donne envie de nager dans la baie de Lancieux, dans les Côtes-d’Armor, de me sentir avec lui. C’est peut-être une consolation, même si je ne suis pas très optimiste. J’ai peur, même. L’idée du « grand remplacement », véhiculée par le Rassemblement national et par bien d’autres partis dans le monde, est pour moi la résurgence de ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale. Après la Shoah, il y avait cette formule : « Plus jamais ça ». Mais, une fois qu’un concept, aussi méprisable soit-il, existe, il peut être répété.

C’est devenu une obsession. Je regarde les flux d’actualité, je m’endors à 2 ou 3 heures du matin. Dans la journée, je suis fatiguée. Mon anxiété politique s’ajoute à ma charge de travail, aux tensions familiales avec un ado un peu difficile. Je poste beaucoup sur Facebook en me disant que ça pourrait toucher une ou deux personnes. J’en parle aussi à mes proches, mais je n’ai pas grand monde à convaincre : on pense tous à peu près pareil, on vote Nouveau Front Populaire. Il n’y a que le fils de la meilleure amie de ma mère qui vote ouvertement RN, en Bretagne, depuis longtemps. Il n’a pas de problèmes d’argent, mais il n’est pas très heureux. Il y a chez lui une amertume que je n’ai jamais réussi à combattre. Le dialogue est dur, nous savons tous les deux que nous ne parviendrons pas à nous convaincre, mais je ne peux pas m’empêcher de lui dire qu’il plaisante.

En fait, il faudrait prendre notre petit sac de pèlerin et faire un tour de France pour discuter humainement avec tous ceux qui croient que leurs problèmes viennent des immigrés. Hier, mon conjoint et moi plaisantions en disant que les électeurs RN des zones où l’immigration est très faible devraient faire un stage de deux mois à Paris, pour voir que ce n’est pas l’enfer de vivre ensemble !

« La défaite est déjà là »

Je sais qu’il ne faut pas baisser les bras, mais la défaite est déjà là. En 2002, quand Jean-Marie Le Pen s’est retrouvé au second tour de l’élection présidentielle, il y a eu un raz-de-marée fraternel pour s’unir contre lui. Le 15 juin, quand je me suis rendu à la première manifestation après le résultat des élections européennes, il y avait moins de monde dans les rues. J’ai le sentiment que beaucoup pourraient s’accommoder de l’extrême droite au pouvoir.

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Cammile Bussière

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