« ÔNous avons été surpris, nous pensions qu’ils attendraient au moins les vacances de fin d’année pour voir si nous redressions les chiffres. »explique, abasourdi, Alain Virgona, délégué syndical CFDT chez Auchan Grasse. Comme tous les représentants du personnel du groupe, il est convoqué, ce mercredi 6 novembre, à un CSE extraordinaire dans son établissement, au cours duquel les annonces faites ce mardi au CSE central du groupe détenu par la famille Mulliez, dans son fief de Lille . Et comme la plupart de ses confrères syndicalistes de tous bords, son téléphone ne cesse de sonner depuis plusieurs heures.
Car même si selon les premiers éléments communiqués en marge du CSE central aucune fermeture d’hypermarchés n’est prévue dans le Sud, le Var ou les Alpes-Maritimes, aucun magasin ne sera épargné par la réorganisation de l’enseigne, qui cherche à endiguer la chute de ses revenus, de 2,26 milliards d’euros depuis 2012, et de ses parts de marché qui ont chuté de 12 à 8% sur la même période.
2 400 suppressions d’emplois
Le plan de « reconquête » annoncé par Guillaume Darrasse, nouveau PDG du groupe depuis fin août, entraînerait près de 2.400 suppressions d’emplois pour 319 créations, en plaçant l’hypermarché, longtemps pointé du doigt comme source de coûts, au centre du jeu, mais avec de gros ajustements. A commencer par la disparition de certains métiers, comme celui de conseiller commercial matériel, ou encore de responsable sécurité.
Et c’est ce qui inquiète les salariés. « Je suis commercial – conseiller commercial – depuis 23 ans, et si on me propose aujourd’hui un reclassement dans un autre poste, ce sera compliqué. Mais j’ai une hypothèque et je ne peux pas me permettre de perdre mon emploi. « détaille Greg Bartolomei, délégué syndical et élu CFDT au CSE de l’hypermarché de La Seyne.
Le magasin de 10 000 m² verra sa surface réduite de 2 000 m² pour intégrer le drive voisin, mesure annoncée de longue date et qui s’inscrit dans l’autre axe de développement envisagé par le groupe : les équipes drive prendront en charge la livraison à domicile. , qui prend de l’ampleur, avec 114 postes créés, mais aussi la fermeture des trois entrepôts auparavant dédiés à cette activité de livraison. Les surfaces affectées au non-alimentaire, dans l’hypermarché de La Seyne, subiraient le poids de cette réorganisation. « Si l’électronique grand public (EGP) passe de 1 000 à 300 m², on se doute qu’on ne gardera pas sept postes commerciaux ! poursuit Greg Bartolomei.
«Depuis des années, nous alertons»
Son camarade CGT Jean-Paul Barbier constate depuis 10 ans une érosion des effectifs du magasin, passant de près de 500 à moins de 300 salariés. « On nous a dit que la référence était l’établissement de Fréjus ; 168 salariés pour 8 300 m²… » s’inquiète le délégué syndical qui a également été convoqué à un CSE extraordinaire ce mercredi à La Seyne. Pour les deux représentants du personnel, « Ce sont les salariés qui paient alors que depuis des années nous alertons sur les mauvaises décisions stratégiques. »
Comme le déploiement des caisses automatiques « Les démarques inconnues, c’est-à-dire les vols, représentaient 74 M€ en 2021 et aujourd’hui c’est le triple »précise Greg Bartolomei. Surtout, l’émergence de ce vaste projet, quelques mois seulement après l’absorption de près d’une centaine de Casinos. « L’expert économique de la CGT nous a dit qu’Auchan était très malade et reprenait un groupe qui avait un cancer. Aujourd’hui on se retrouve dans une situation proche du Casino” poursuit Jean-Paul Barbier.
Outre la réorganisation, la mutualisation des fonctions support d’Auchan France, Auchan International et la direction produit internationale impactera 784 postes, et trois fermetures d’hypermarchés (Clermont-Ferrand Nord, Woippy, Bar-le-Duc) ont déjà été annoncés, ainsi que six magasins d’hyper-proximité dont les implantations ne sont pas encore connues, ce qui représente près de 500 postes. Les représentants du personnel devraient avoir plus de précisions lors d’un nouveau CSE central prévu les 13, 14 et 15 novembre. Débutera alors la difficile période de négociation des conditions de ce vaste PSE, avec notamment une phase de départs volontaires.