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Démission du Premier ministre, affrontements meurtriers… Que se passe-t-il au Bangladesh, où les manifestations tournent à l’insurrection ?

Des milliers de manifestants anti-gouvernementaux ont pris d’assaut lundi le palais du Premier ministre à Dhaka, dans un climat d’insurrection sans précédent dans le pays.

Après les émeutes sanglantes, changement à la tête de l’Etat. Le chef de l’armée bangladaise a annoncé lundi 5 août la formation d’un gouvernement intérimaire, après la démission du Premier ministre. Le départ de Sheikh Hasina fait suite à un mois de manifestations et de violences, qui ont fait au moins 300 morts en un mois, selon un comptage de l’AFP basé sur des données de la police, des fonctionnaires et des médecins des hôpitaux.

Franceinfo fait le point sur la situation au Bangladesh, pays d’Asie du Sud en proie à un mouvement de contestation sans précédent.

Le mouvement étudiant à l’origine d’une crise politique majeure

Les manifestations au Bangladesh, initialement pacifiques, ont commencé début juillet, menées par des étudiants et des jeunes diplômés qui protestaient contre les quotas pour les emplois gouvernementaux. Le système réserve 30 % de ces emplois aux enfants de « combattants de la liberté »qui ont pris part à la guerre de libération du Bangladesh contre le Pakistan en 1971. Une manière détournée d’attribuer des emplois publics aux loyalistes de la Ligue Awami, le parti au pouvoir, selon les manifestants.

Partiellement aboli en 2018, ce système a été rétabli en juin par la justice. Alors que 18 millions de jeunes sont au chômage au Bangladesh, selon les chiffres du gouvernement, cette décision a fait couler beaucoup d’encre. Face à une importante mobilisation étudiante, la Cour suprême du Bangladesh a finalement décidé le 21 juillet de suspendre temporairement la plupart des quotas. Insuffisant pour les étudiants, qui réclament une abrogation totale du texte.

« Pour certains, la fonction publique représente un eldorado, garantissant un emploi à vie et offrant la possibilité de s’exiler. expliquait fin juillet le politologue et spécialiste du Bangladesh Jérémie Codron, interrogé par France Culture. « Tout le système politique basé sur le népotisme et la corruption est remis en question » par ces manifestations, selon l’expert.

La crise sociale s’est progressivement transformée en crise politique à partir du 16 juillet, lorsque la répression a fait ses premiers morts. Les manifestants ont alors exigé la démission de la Première ministre Sheikh Hasina, 76 ans et de nouvelles élections. « La fête (du chef du gouvernement) « Il en est à son quatrième mandat de cinq ans, il est au pouvoir sans interruption depuis 2008, à la suite d’élections qui ne sont pas considérées comme des élections libres », Philippe Benoît, chercheur à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales ((Inalco).

La Première ministre bangladaise Sheikh Hasina lors d'une visite à Tokyo, au Japon, le 26 avril 2023. (KIMIMASA MAYAMA / AFP)

Au cours des trois dernières semaines, les manifestants ont également incendié de nombreux bâtiments gouvernementaux et commissariats de police. Le siège de la télévision publique du Bangladesh (BTV) a également été pris pour cible, et des incendies criminels ont rendu le réseau ferroviaire métropolitain de Dhaka inutilisable, a déclaré le ministre de l’Intérieur du Bangladesh le 21 juillet. Dimanche 4 août, le Premier ministre a accusé les manifestants d’être illégaux. « Ce ne sont pas des étudiants, mais des terroristes qui cherchent à déstabiliser la nation »rapporte la BBC.

Couvre-feu imposé et accès à Internet coupé

Pour tenter de rétablir l’ordre, le gouvernement a restreint la navigation sur Internet depuis la mi-juillet. L’accès au Web a ainsi été coupé de manière générale lundi 5 août, selon les fournisseurs et les organismes de surveillance. Un responsable d’une société spécialisée dans la vente de bande passante aux fournisseurs d’accès explique que « L’internet haut débit et l’internet mobile ont été coupés. » Pour sa part, NetBlocks, une organisation de surveillance de réseau, a signalé une « impact important sur les réseaux mobiles ».

Pour réprimer la protestation, le porte-parole du ministère de l’Éducation a également annoncé le 16 juillet, « la fermeture jusqu’à nouvel ordre de tous les lycées, collèges, séminaires islamiques et instituts polytechniques. » Officiellement, la décision a été prise « « de prendre en compte la sécurité des étudiants. » La mesure a ensuite été étendue aux universités, au cœur du mouvement de contestation.

Au 19e jour des manifestations, le vendredi 19 juillet, un couvre-feu a également été imposé au Bangladesh. Il était toujours en vigueur lundi 5 août.

Au moins 300 personnes tuées en un mois

Face à la contestation, l’armée a été déployée pour maintenir l’ordre vendredi 19 juillet. Mais des milliers de manifestants sont à nouveau descendus dans la rue le lendemain. La répression, qui avait déjà fait plusieurs dizaines de morts, s’est encore intensifiée et la police a tiré à balles réelles sur les militants.

Dimanche 4 août, de nouveaux affrontements entre opposants au Premier ministre, forces de sécurité et partisans du parti au pouvoir ont fait 94 morts dans tout le pays. Parmi les morts figurent au moins 14 policiers, selon le porte-parole des forces de sécurité. Les camps rivaux se sont affrontés à coups de matraque et de couteau, et les forces de sécurité ont tiré à balles réelles. Lundi, au moins 44 personnes ont été transportées à l’hôpital universitaire de Dacca, a rapporté un correspondant de l’AFP. La police a indiqué que 11 autres personnes avaient été tuées dans la capitale et une dans la ville portuaire de Chittagong.

Au total, Au moins 300 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations, selon un bilan de l’AFP basé sur des données provenant de sources policières, officielles et hospitalières.

À la mi-juillet, Amnesty International a dénoncé l’utilisation « illégal » force par les autorités bangladaises « contre les étudiants qui manifestent ». L’ONU a également condamné « Violences choquantes au Bangladesh »Dimanche 4 août. « Le gouvernement doit cesser de cibler ceux qui participent pacifiquement au mouvement de protestation, libérer immédiatement les personnes détenues arbitrairement, rétablir l’accès complet à Internet et créer les conditions d’un dialogue constructif. »a déclaré Volker Türk, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, dans un communiqué publié dans la soirée.

Déjà à la mi-juillet, Volker Türk s’était dit :« très concerné » par des rapports selon lesquels les autorités bangladaises déployaient des unités paramilitaires telles que les gardes-frontières et le bataillon d’action rapide« qui ont un long historique de violations » droits de l’homme. L’ONU avait donc demandé à Dhaka, le 25 juillet, « révéler d’urgence tous les détails de la répression des manifestations »appelant à un « enquête impartiale, indépendante et transparente » sur les violations présumées des droits de l’homme.

Contraint à la démission, le Premier ministre prend la fuite

Le mouvement de contestation a atteint un nouveau palier lundi 5 août, lorsque des milliers de manifestants anti-gouvernementaux ont pris d’assaut le palais du Premier ministre, selon des images diffusées à la télévision bangladaise. Les manifestants avaient été appelés à marcher en masse sur la capitale, Dacca. « Le temps est venu pour la manifestation finale », Asif Mahmud, l’un des leaders du collectif, avait ainsi affirmé : « Les étudiants contre la discrimination », mouvement étudiant à l’origine de la contestation.

Des milliers de manifestants défilent dans les rues de Dhaka, au Bangladesh, le 5 août 2024. (NAJMUS SAKIB / ANADOLU / AFP)

La veille, il avait déjà Il avait appelé à la désobéissance civile : ne plus payer les impôts ni les factures liées aux services publics, ou, pour les fonctionnaires, ne pas aller travailler. Il avait également demandé aux ouvriers des usines de confection, un secteur important de l’industrie nationale, de faire grève.

Le fils de la Première ministre Sheikh Hasina a exhorté lundi les forces de sécurité à empêcher toute prise de contrôle du pays de 170 millions d’habitants. Mais la cheffe du gouvernement a été contrainte de quitter sa résidence de Dhaka pour un « Endroit sûr »par hélicoptère, a indiqué à l’AFP une source proche du dirigeant. Cette information n’a pas été confirmée de source officielle.

Le chef de l’armée a cependant annoncé dans un discours télévisé à la nation à midi que Sheikh Hasina avait démissionné. « Le pays a beaucoup souffert, l’économie a été touchée, de nombreuses personnes ont été tuées. Il est temps de mettre fin à la violence »a déclaré le général Waker-Uz-Zaman, ajoutant qu’il formerait un gouvernement intérimaire. « Si la situation s’améliore, il n’est pas nécessaire de recourir à l’état d’urgence »il a assuré.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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