Les deux nouveaux ministres chargés de l’économie et du budget ont été entendus hier par la commission des finances de l’Assemblée nationale. Ils ont une nouvelle fois brandi les chiffres des dépenses communautaires et annoncé – sans dire un mot – un budget strict.
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En quelques jours, les mots ont changé : alors que jusqu’à présent, Bercy indiquait que le déficit public risquait d’approcher les 6% du PIB en 2024, Laurent Saint-Martin, ministre chargé du Budget et des Comptes publics, a déclaré hier devant les députés du Commission des Finances que le déficit public sera probablement » dépasser » les 6%.
Mais où sont les « 16 milliards » ?
Si le ministre a souligné « Des recettes fiscales inférieures aux prévisions « , pour expliquer en partie ce grave dérapage du déficit, il a ensuite, sans plus attendre, repris le discours de ses prédécesseurs Bruno Le Maire et Thomas Cazenave : « Les dépenses des collectivités locales ont été supérieures à la trajectoire prévue, de l’ordre de 16 milliards d’euros. De quel acte. » Nouvelle preuve que le gouvernement Barnier est en parfaite continuité avec le gouvernement Attal, les mêmes arguments ressortent, à peine quatre jours après sa nomination : les collectivités locales sont responsables, ou du moins co-responsables, de la dérive des comptes publics.
Le rapporteur du budget, Charles de Courson, s’en est ému lors de l’audience, demandant au ministre de donner enfin des chiffres précis et documentés. Un peu plus tard, le député macroniste du Gers Jean-René Cazeneuve s’est montré un peu plus précis que les ministres : « Je voudrais revenir sur la méconnaissance de cet Etat sur le rôle des collectivités locales dans le déficit. Ce ne sont pas les communautés qui sont responsables du déficit. (…) Mais ils ont une part de responsabilité importante dans l’écart en 2024 entre ce qui était prévu et le déficit constaté « .
Mais qu’est-ce que c’est écart » ? D’où vient le chiffre de « 16 milliards » brandi depuis juillet par Bercy ?
Il apparaît en effet que le gouvernement s’est appuyé sur les comptes provisoires des administrations publiques locales (Apul) au 31 juillet pour établir ce chiffre. Rappelons que les Apul vont au-delà des seules communautés locales. Il avait établi que l’augmentation des dépenses de fonctionnement d’Apul, en 2024, ne devrait pas dépasser 1,8% et que celle des dépenses d’investissement devrait être limitée à 7%. Or, au 31 juillet, ces deux chiffres se situeraient autour de 6% pour le premier et de plus de 10% pour le second. Le gouvernement a tiré, par extrapolation, le chiffre d’un excédent de 16 milliards.
A noter qu’extrapoler les chiffres du mois de juillet sur l’ensemble de l’année, de manière linéaire, n’a pas beaucoup de sens, explique l’AMF. Par ailleurs, contrairement au budget de l’État, il faut encore rappeler que les budgets des collectivités locales ne sont jamais déséquilibrés, et ne le seront pas davantage en 2024.
Mais pour le gouvernement, cela a de l’intérêt : il a prévu une ponction de 16 milliards d’euros sur le budget de l’Etat 2024. Comme par hasard, c’est le même chiffre que le « dérapage » des communautés. Les ponctions sur le budget de l’Etat sont donc la faute des collectivités… CQFD !
Laurent Saint-Martin a fait hier une étrange comparaison : « L’État a été présent aux côtés des collectivités pendant la crise pandémique. Aujourd’hui, nous avons besoin de communautés. » Comme s’il s’agissait pour ces derniers de restituer à l’État l’aide qu’il leur avait apportée pendant la crise du covid.
Le ministre a annoncé qu’il « recevoir les élus locaux dans les prochains jours pour évoquer la trajectoire financière des collectivités à l’horizon 2025 « .
Plafonds « entretenus »
Plus généralement, Laurent Saint-Martin a fait hier une autre annonce importante : « Les plafonds adressés aux ministères pour 2024 seront maintenus. » On parle ici des fameuses lettres de plafond obtenues avec beaucoup de difficulté par la commission des finances (lire Infos du maire du 20 septembre) et qui listait, pour chaque ministère, les réductions de crédits prévues. Quant aux collectivités directement, il y a eu une combinaison d’une poursuite du gel de la DGF (soit une réduction, en euros constants), une baisse du Fonds vert, une réduction drastique des crédits d’intervention de l’Agence nationale de cohésion territoriale…
C’est donc – sans grande surprise – sur cette base que le nouveau gouvernement construira son projet de budget. Ce qui sera sans doute un projet rigoureux, même si le mot n’a pas été dit. Mais les ministres ont parlé un budget de vérité et d’effort « , et disent qu’ils sont prêts à faire » des choix courageux », qui est la formule établie pour dire qu’ils vont prendre des mesures impopulaires.
Antoine Armand, le ministre de l’Économie, a également reporté la question d’une éventuelle hausse des impôts pour les entreprises ou les Français les plus aisés : « Il faut avant tout faire un effort sur les dépenses publiques. (…) Ce n’est qu’en faisant d’abord un effort sur les dépenses publiques qu’on pourra ensuite ouvrir le débat sur l’augmentation des recettes. »
L’examen du volet recettes du projet de loi de finances intervenant avant celui des dépenses, laisse penser que la question d’une éventuelle contribution des entreprises pourrait être reportée à l’année prochaine.
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