Défi, « vidéo YouTube », vocation… L’ascension de l’influenceur crée des polémiques et des débats
« Qu’il s’agisse d’un échec ou d’un succès, quoi qu’il arrive, rendez-vous en 2024, au pied de l’Everest. » Le 24 février 2023, Inoxtag – de son vrai nom Inès Benazzouz – annonçait à ses près de 7,5 millions d’abonnés sur YouTube vouloir réaliser « quelque chose dont (il) se sentait incapable » et dont il « rêvait depuis longtemps ».
Ce 10 avril, le jeune homme de 22 ans qui ne connaissait rien à l’alpinisme s’apprête à s’envoler pour le Népal et à gravir « le toit du monde », à 8 848 m d’altitude, avec « seulement » de la préparation. une année. Il admet lui-même que ce défi représente « l’entraînement d’une vie » et qu’il peut paraître « inconscient ».
Son projet a effectivement « divisé » le monde de la montagne, entre polémiques autour de l’écologie, de la sécurité, et cette « mode » des créateurs de contenus de vouloir « toujours plus ». Malgré les critiques, le joueur est « prêt », selon Mathis Dumas, alpiniste et guide de haute montagne, qui l’accompagne depuis le début de cette aventure.
« « Youtubeur + Everest » ? Mauvaise idée «
« Au départ, je n’étais pas favorable à cette proposition, confie le professionnel. Je me suis dit « youtuber + Everest », c’est une mauvaise idée. Ensuite, je l’ai rencontré et j’ai vu qu’il avait surtout envie de découvrir la montagne et pas seulement de faire sa vidéo « escalade ». C’était aussi un défi pour moi à l’époque. »
Car pour Mathis Dumas, l’Everest n’était pas « un objectif personnel ou professionnel » et pour plusieurs raisons. « Déjà, parce qu’il faut un budget énorme pour se le permettre (le permis coûte à lui seul 15 000 dollars – Inoxtag confie que son projet coûte entre 600 000 et 1,2 million d’euros) mais aussi parce que ce n’est pas l’ascension la plus éthique », reconnaît-il.
Ils redescendront avec leurs excréments
Depuis plusieurs années, l’Everest souffre d’une popularité croissante et d’une pollution exaspérante. Pendant un an, le guide lui a proposé un programme spécial, privilégiant le « local », avec des expéditions dans les Alpes, au lieu d’« aller brûler la planète ». L’alpiniste précise que les bouchons médiatisés en 2019 correspondent à des intempéries sur plusieurs jours qui entraînent un « stand-by ». « Comme le périphérique de 8 heures du matin pour se rendre au travail, tout le monde partait en même temps vers le même objectif », raconte-t-il.
Concernant les déchets, il assure qu’ils n’en généreront que très peu et qu’ils « repartiront forcément avec ». Même chose pour les excréments. « Comme nous mangeons et buvons très peu, nous ne produirons pas beaucoup mais ils descendront évidemment avec nous », confirme-t-il. Il explique que cette règle n’est pas propre à l’Everest. « Depuis plusieurs années, toutes les montagnes, et particulièrement celles où se trouvent des glaciers, imposent cette règle car elle pollue. »
Et les dangers ?
Mais alors, comment préparer un amateur en si peu de temps ? Comme 20 minutes Rappelé en juin 2023, la saison d’ascension de l’Everest avait été la plus meurtrière pour les étrangers en raison d’un nombre croissant de personnes, de moins en moins expérimentées.
«J’ai conscience d’avoir sa vie entre mes mains», confie Mathis Dumas. Mais je l’ai préparé comme si je préparais n’importe quel client sauf qu’on se voyait beaucoup plus. » Ainsi, en un an, ils effectuèrent des expéditions de plusieurs jours chaque mois, gravissant le Mont Blanc, deux sommets de l’Himalaya pour « découvrir si son corps était capable de supporter l’altitude et les conditions des montagnes d’Asie », souligne le professionnel. Mais aussi parce que le permis pour l’Everest n’est délivré qu’à condition d’avoir atteint un sommet de plus de 7 000 m d’altitude.
« Inès se connaît désormais, raconte le guide. Aujourd’hui, je peux dire qu’il est prêt. Il m’a vraiment surpris dans sa préparation. Le plus dur maintenant est de bien se reposer, de ne pas tomber malade avant l’expédition et d’avoir un peu de chance avec la météo. »
Plus « anecdotique » qu’un « défi sportif »
« Inoxtag peut réussir, oui. Il est bien accompagné, avec quelqu’un qui s’y connaît. Evidemment, ça reste la montagne, ça reste dangereux et il y a évidemment des risques, affirme Charles Dubouloz, alpiniste et habitué des grands exploits. Le parcours normal de l’Everest, dans ces conditions (bien entouré, en suivant les cordes et avec de l’oxygène), est en effet plus anecdotique que ce que l’on considère comme un exploit sportif. On parle de défi quand il faut s’entraîner à chaque minute de son quotidien, quand les alpinistes y mettent leur vie depuis vingt ans et risquent de mourir à chaque ascension. La plupart des gens ne connaissent pas la différence même si ce n’est absolument pas la même chose. » Pour lui, la montagne est « un voyage constant » qui ne se réduit pas à « une vidéo YouTube ».
Il reconnaît néanmoins que son projet permettra aux jeunes de voir des images de montagnes. « Plutôt que de voir des vidéos de jeux ou de divertissement, son public va découvrir un tout autre domaine et être sensibilisé à ses enjeux. Parce que l’écologie commence par la prise de conscience de son environnement. Et les gens comme moi, qui utilisent principalement l’écriture, ont du mal à capter l’attention de ce public sur ces sujets. C’est intéressant sur ce point car, qui sait, peut-être fera-t-il rêver et fera naître des vocations de guide de haute montagne grâce à son projet ? ! »
Envoyer des messages
C’est justement pour cela que Mathis Dumas a accepté de l’accompagner. Il a vu dans la proposition d’Inès Benazzouz l’opportunité de « toucher beaucoup de gens d’horizons différents » en montrant une belle image de la montagne. « En un an, je l’ai vraiment vu mûrir. Il a été sensibilisé tout en étant un vecteur d’apprentissage envers sa communauté. C’était un joueur coincé derrière les écrans avec une vie à 100 à l’heure à Paris, se souvient son entraîneur. Il fallait avant tout le reconnecter à la nature et l’emmener vers l’émerveillement qu’elle peut produire. Le premier grand défi pour lui a été de tout couper, d’arrêter de penser aux projets futurs et de vivre le moment présent. »
Mathis Dumas, devenu une sorte de « confident » après cette année d’aventures, assure qu’Inoxtag aura ainsi, « dans tous les cas, réussi ». Il ajoute : « Qu’il réussisse ou non, qu’il y ait mauvais buzz ou pas, son projet permet d’envoyer des messages forts et nous avons veillé à ce qu’il soit réalisé dans les règles de l’art avec une belle approche derrière. » Il conclut : « La morale de toute cette histoire est : ‘Même si cela vous semble inaccessible, l’essentiel est de faire un pas vers votre rêve.’ »