Un maigre lot de consolation. Six tirailleurs sénégalais, ivoiriens et burkinabés, exécutés avec des dizaines d’autres sur ordre d’officiers de l’armée française en 1944 à Thiaroye, au Sénégal, ont été reconnus à titre posthume comme « morts pour la France », a annoncé dimanche le secrétaire d’Etat français chargé des anciens combattants et de la mémoire.
Cette mention a été attribuée par décision en date du 18 juin à ces six tirailleurs par l’Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG). Il s’agit de « quatre tirailleurs du Sénégal, un de Côte d’Ivoire et un de Haute-Volta » (actuel Burkina Faso).
Soldes impayés
« Ce geste s’inscrit dans le cadre des commémorations du 80e anniversaire de la Libération de la France ainsi que dans la perspective du 80e anniversaire des événements de Thiaroye, en cohérence avec la mémoire du président de la République (Emmanuel Macron, NDLR) qui veut que nous regardions notre histoire ‘en face' », a souligné le secrétaire d’Etat.
Le 1er décembre 1944 au matin, au camp militaire de Thiaroye (ville située non loin de la capitale sénégalaise Dakar), des troupes coloniales et des gendarmes français avaient tiré sur ordre d’officiers de l’armée française sur des tirailleurs rapatriés qui réclamaient leur solde rétroactive. Une histoire peu connue car honteuse pour l’armée française.
Selon le bilan établi par les autorités françaises de l’époque, au moins 35 tirailleurs seraient morts, sur le coup ou des suites de leurs blessures. Un chiffre qui reste controversé, les historiens l’estimant plus élevé.
Vivre un traumatisme
Le traumatisme et la mémoire de ce massacre sont encore vivaces au Sénégal et sur le continent africain. Le corps français des « tirailleurs sénégalais » – créé sous le Second Empire (1852-1870) et dissous dans les années 1960 – regroupait des soldats des anciennes colonies françaises d’Afrique, notamment des Sénégalais, des Soudanais (aujourd’hui Maliens), des Voltaïques (aujourd’hui Burkinabés) et des Ivoiriens.
Le terme de « tirailleurs sénégalais » a fini par désigner tous les soldats d’Afrique qui combattirent sous le drapeau français. Ils participèrent aux deux guerres mondiales et aux guerres de décolonisation. Les quelque 1 300 tirailleurs rassemblés au camp de Thiaroye – anciens prisonniers de guerre des Allemands ayant participé aux combats de 1940 – avaient embarqué en France début novembre 1944 pour être renvoyés par bateau à Dakar.
Après leur arrivée au camp, plus de deux semaines plus tard, ils se sont révoltés contre le retard dans le paiement de leurs arriérés de solde, beaucoup refusant de retourner dans leur pays et chez eux sans avoir été payés.