Les nouvelles les plus importantes de la journée

Décès de Nonce Paolini, ancien patron de TF1

Décès de Nonce Paolini, ancien patron de TF1

A la tête de TF1 entre 2007 et 2016 et ancien directeur de Bouygues Telecom, le Corse est décédé à l’âge de 75 ans.

20 ans après sa privatisation, TF1 ouvre en 2007 une nouvelle page de son histoire. Le tout-puissant tandem Étienne Mougeotte et Patrick Le Lay passe la main au bras droit de Martin Bouygues, propriétaire de la chaîne, Nonce Paolini. Un homme normal dans un monde composé de personnalités hors du commun. Un immense défi pour ce Corse de 58 ans, peu connu du grand public, discret, mais déterminé. Un trait de caractère que les Français ont vite découvert lorsque l’ancien patron de Bouygues Telecom décide de limoger en 2008 la star des stars : Patrick Poivre d’Arvor, présentateur du journal de 20 heures sur TF1 pendant vingt ans. Sa réputation est faite et son mandat lancé. Huit ans après avoir laissé les clés de la tour de la première chaîne européenne, Nonce Paolini décède à 75 ans des suites d’un cancer.

Rodolphe Belmer, actuel PDG du groupe TF1, a déclaré dans un communiqué : « L’audiovisuel français perd un grand dirigeant. Le groupe TF1, un membre de sa famille. Je salue la mémoire d’un homme qui a posé les bases de la transformation de notre Maison. ». Gilles Pelisson, ancien PDG du groupe TF1, a déclaré qu’il était « dévasté par la mort de Nonce qui, au-delà des relations professionnelles que nous avions établies (…) était devenu un ami ».

Nonce Paolini était l’un des Les « Bouygues Boys »ces maillons essentiels du groupe, capables de passer du bâtiment à la télévision, de la télévision aux télécoms, le tout avec agilité et loyauté. Après quinze ans chez EDF, il rejoint en 1988 le groupe BTP, où il fera le reste de sa carrière. Tour à tour directeur du développement des ressources humaines puis directeur de la communication externe, il rejoint TF1 en 1993, comme directeur des ressources humaines, avant d’en devenir le directeur général adjoint. Cet admirateur de John Ford ne mène pas Charge héroïquemais joue plutôt L’homme tranquillefédérateur, mais capable de faire passer des messages, même les plus désagréables. « Un manager ferme mais souriant »définit un proche. Comme en 2001 lorsqu’il a dû gérer le départ d’une première star de la chaîne : Anne Sinclair, en retrait depuis 1997 et la nomination de Dominique Strauss-Kahn au gouvernement.

« Un véritable spécialiste des ressources humaines »

L’aventure TF1 s’arrête brutalement quelques mois plus tard. Lors d’une réunion des dirigeants de la chaîne, l’un de ses assistants ose évoquer l’âge des réalisateurs de la Une. Un crime de lèse-majesté. Étienne Mougeotte demande sa tête. Il l’obtient. Le voilà chez Bouygues Telecom où il lance les premiers forfaits illimités (Néo). « Un véritable spécialiste des ressources humaines »Paolini cultivait plusieurs passions. Fan de Tintin, il collectionnait de nombreuses figurines du reporter d’Hergé – ce qui surprenait tous ses visiteurs lorsqu’ils entraient dans son appartement. Il était également amoureux d’Histoire (il soutiendra de toutes ses forces la chaîne Histoire appartenant au groupe TF1), de Napoléon (chez les Corses…) et du jazz (Nat King Cole, Duke Ellington, Diana Krall… une passion qu’il partageait avec sa femme, l’animatrice et chanteuse Catherine Falgayrac). « Je suis austère, mais parce que mon travail m’oblige à être sérieux, j’aime m’amuser. »il le rappelait en 2017 sur France 3 : on le voit dans un séminaire d’entreprise en nonce apostolique ou en chanteur pailleté sur la scène de l’Olympia devant le comité de direction de l’opérateur.

En 2007, il revient sur TF1. « Avec Martin Bouygues, on écrivait chacun un nom sur un papier. Quand on les dépliait, le même nom apparaissait ! »il a affirmé fièrement dans Le mondePatrick Le Lay. Fidèle de Martin Bouygues, il utilise chez le leader de la télévision la même méthode qu’il utilisait quand il était l’outsider des télécoms : innover sans prendre de risques ; changer sans révolutionner ; s’affirmer sans brusquer. Il écarte Patrick Poivre d’Arvor, dont les audiences sont en baisse. Le journaliste répand sa colère dans la presse, fait de Nonce Paolini son bourreau ; il ne dit rien et attaque l’ancien présentateur vedette en diffamation – il le fera condamner. Laurence Ferrari et Claire Chazal seront également remerciées. « Ses décisions, qui auraient pu être difficiles, étaient toujours bien réfléchies et conformes à ce qu’il pensait être les intérêts des entreprises qu’il dirigeait. »rapporte un ami proche de ce père de trois enfants.

TF1 voit ses parts de marché contestées, mais se développe en numérique, en replay et se relance sur des axes stratégiques comme l’actualité (Gilles Bouleau, c’est lui), l’access prime time (le grand retour des jeux cultes comme « La Roue de la Fortune ») et de divertissement (avec de nouveaux formats tels que « La voix »)… Moins « bling-bling », mais bien gérée, La Une reste la première chaîne privée d’Europe et mise sur l’événement. En 2016, il passe la main à Gilles Pelisson, en lui prodiguant ce conseil qui dit tout de la marque Paolini, petit-fils d’un communiste : « Gilles a rencontré des étoiles et ses yeux brillent encore, mais il va vite se rendre compte qu’il n’est pas toujours facile de côtoyer ces gens-là… »

S’il était retraité depuis le Covid en Provence avec son épouse, l’affaire PPDA l’a fait sortir de sa retraite. Il était DRH lorsque les faits reprochés au journaliste auraient eu lieu : « Je n’ai aucune raison de ne pas croire ces femmes. Il n’y a aucune raison de croire qu’elles se soient liguées contre Patrick Poivre d’Arvor. Quel intérêt auraient-elles à faire cela ? C’est une affaire délicate, triste et révoltante », a-t-il ajouté. il a expliqué dans une émission de Mediapart, excluant toute « système» :« Il y a tout simplement quelqu’un qui s’est comporté de manière odieuse avec des femmes dans différents contextes sans que personne ne puisse le savoir car ces femmes ne s’en sont pas exprimées. »

« Même après sa retraite, Nonce Paolini est toujours resté très proche de la famille Bouygues. Il entretenait avec Martin Bouygues des liens d’amitié profonds et forts. »dit un proche. Un autre souligne que « Huit ans après son départ du groupe, toute une génération de cadres dirigeants lui voue encore une grande admiration ». Une attitude assez rare dans un environnement aussi compétitif, jaloux et ingrat. Comme une récompense pour son mantra : « Il ne peut y avoir de grand succès sans respect des gens. »

Quitter la version mobile