« Le goût métallique de la victoire est loin d’être suffisant pour moi. » Cette phrase résume à elle seule ce qu’était Didier Roustan, décédé subitement à l’âge de 66 ans, mercredi soir à Paris. Rencontré il y a moins d’un an, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), pour la sortie de son livre PuzzleDans son bar préféré, Le Bleu, le journaliste sportif qu’il fut pendant cinquante ans affichait ce jour-là, au fond de la salle, toute la mélancolie qui l’habitait. Cette « sodade » de Cesaria Evora, comme il aimait définir son état d’esprit lorsqu’il parlait de sentiments envers son football.
Le souvenir d’un jeu offensif, loin des préceptes aseptisés qui le régissent aujourd’hui, où la victoire importe plus que la manière dont elle a été obtenue, était son seul fil conducteur. C’est dans ce bar caché dans une petite rue à deux pas de Roland-Garros qu’il rejouait non seulement les matchs, mais qu’il étalait aussi, sur les tables d’un autre âge, ses souvenirs de rencontres toutes aussi magiques les unes que les autres. Il était un journaliste sportif loin de ceux qui occupent les plateaux de télévision d’aujourd’hui.
Un romantique du beau jeu
Avec ses cheveux longs et ébouriffés, parfois cachés par un chapeau ou un autre couvre-chef, ses chemises colorées et ses innombrables maillots de football – dédicace spéciale à l’Argentine ou au Brésil – les statistiques et autres données ne faisaient pas partie de son champ de vision. Aux chiffres, il préférait revenir à une action de jeu pouvant expliquer une victoire ou une défaite.
C’était un romantique, un amoureux du jeu, de la beauté, du geste et, plus que tout, des hommes qui le façonnent, le peaufinent. Donc, de l’humain. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été, dès son plus jeune âge, un lecteur assidu de Miroir de football – le magazine phare de la presse communiste – ou de le rencontrer, plus tard, à la Fête de l’Humanité, au stand des Amis de l’Huma, toujours prêt à partager un moment avec celui qui l’a entrepris.
Il n’est pas surprenant qu’il soit à l’origine de la création du premier syndicat mondial de footballeurs. En 1995, il s’associe à Eric Cantona et Diego Maradona pour créer l’Association internationale des joueurs professionnels (IAPP). « Cela a duré quatre ans ! A l’époque de sa création, il fallait être sacrément courageux comme Diego Maradona pour prendre position contre les autorités du football mondial. Les joueurs avaient encore un peu peur de s’exprimer. Ce syndicat aurait pu perdurer si nous n’avions pas été trahis par les syndicats nationaux des joueurs. »il nous a expliqué.
En 2003, c’est aussi Didier Roustan qui s’élève contre le racisme et la violence dans le football avec la création de l’association Foot Citoyen, aux côtés d’Arsène Wenger.
Un révolutionnaire dans le journalisme
Un parcours d’homme, mais revenons au beau jeu ! Mélancolique un jour, mélancolique toujours. Didier Roustan, ce vagabond du métier (TF1, Antenne 2 devenue France 2, Europe 1, RTL et Canal Plus, l’Équipe TV et tant d’autres), arrivé en 1976 pour un stage post-bac à TF1, aimait les rencontres, celles qui font grandir.
Pelé, qu’il avait accueilli dans les années 1980 dans l’émission TéléfootC’est en devenant rédacteur en chef qu’il a commencé cette passion qui ne l’a plus jamais quitté : « Il est intimement lié à ma jeunesse. Il m’a fait découvrir des choses que je ne pouvais même pas imaginer. Il m’a ouvert l’esprit au football. J’ai été marqué à vie par cette équipe brésilienne, par sa façon de jouer et par ce chef d’orchestre ultime, capable de tout faire. »il nous a confié après la mort du roi.
Et puis il y avait Cruyff, Socrates, Maradona bien sûr, tous partis, tous des hommes et des joueurs de conviction : « J’en parle toujours au présent. En Argentine, on dit : « Maradona, né en 1960, plus l’éternité.« « Ils sont éternels. Ils m’accompagnent tous les jours et ce sera ainsi jusqu’à la fin. »il a expliqué dans Ouest-Franceil y a un an.
L’enfant de Brazzaville, où il a passé ses trois premières années avant de rejoindre la Côte d’Azur et plus particulièrement Cannes – où il a fait ses débuts en tant que jeune footballeur prometteur au poste de libéro – est donc parti rejoindre ses héros. Il laissera derrière lui ce parfum de nostalgie qui nous enveloppe aujourd’hui. Michel Platini, dont il avait commenté le titre européen avec l’équipe de France en 1984, a évoqué « un révolutionnaire dans le journalisme. » Pas faux !
Luis Fernandez, l’ancien milieu de terrain des Blues et du PSG, a fait part de sa grande tristesse : « Quelle douleur ! Mon ami de quarante ans, Didier Roustan, nous a quittés hier soir. Un vrai personnage, un passionné de foot, un vrai homme. Je t’ai toujours aimé, mon Didier, tu vas terriblement me manquer… » À nous aussi.
Avant de partir, une dernière chose…
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