Surnommée la « pasionaria rouge » ou encore « la grande prêtresse de la chanson française », Catherine Ribeiro est décédée dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 août dans une maison de retraite de Martigues, dans le sud de la France. Elle avait 82 ans.
Sur la « photo du siècle » de « Salut les copains »
Née le 22 septembre 1941 à Lyon, fille d’un chaudronnier portugais, Catherine Ribeiro grandit avec pour seul horizon les hautes cheminées fumantes de l’industrie chimique de Saint-Fons. Elle fait ses valises et part à Paris, où elle suit des cours d’art dramatique qui la mènent au cinéma. Entre 1964 et 1966, elle enregistre également une quinzaine de chansons, créations originales ou reprises de Bob Dylan.
Sa voie semble toute tracée, ses disques se vendent bien. Elle apparaît en avril 1966 en couverture de « Salut les copains », dans la célèbre « photo du siècle », avec toutes les étoiles montantes de la chanson. Mais la jeune femme indisciplinée et tourmentée – elle fait plusieurs tentatives de suicide dont une qui la voit passer mai 68 à l’hôpital – refuse ce destin.
« Je ne veux pas devenir une cover girl. Je n’ai plus envie de chanter tous les jours. J’ai perdu trop de temps », dit-elle.
À mi-chemin entre psychédélisme et rock progressif
Catherine Ribeiro opte alors pour l’avant-garde et s’oriente vers des sonorités à mi-chemin entre psychédélisme et rock progressif, entre musique minimaliste et jazz. « Âme debout », « Paix », « Le Rat débile et l’Homme des champs », « Libertés ? »… Elle réalise au total neuf albums avec Alpes. Ses chansons témoignent de ses multiples engagements : pour la Palestine, pour les réfugiés chiliens, contre la guerre du Vietnam, pour l’écologie, contre le président Valéry Giscard d’Estaing…
Boycotté par les médias mais devant 120 000 personnes à la Fête de l’Huma
Jugée trop frondeuse et à mille lieues des standards commerciaux, elle est boycottée par les médias. « La beauté rebelle de Catherine et sa colère au fond de l’âme étaient une nuisance pour le show-business », estime Léo Ferré. Ce qui ne l’empêche pas de trouver son public, souvent des militants comme elle. Elle se produit dans de grandes salles et fait un carton à Bourges ou à la Fête de l’Humanité où elle chante devant 120 000 personnes.
Un fan nommé François Mitterrand
En 1982, elle remplit Bobino pendant trois semaines. C’est l’apogée de sa carrière. Un soir, elle a un spectateur célèbre qui se glisse incognito : le tout nouveau président socialiste François Mitterrand.
Si elle revendique fièrement ses engagements, Catherine Ribeiro a du mal à se réduire à cela. « J’en ai assez qu’on me fasse porter cette seule étiquette rouge, dit-elle en 1980. Ce n’est pas moi qui me suis marginalisée, c’est moi qui ai été marginalisée ! Je toucherai un public plus large si les radios et les télévisions décident enfin de me considérer comme une chanteuse à part entière. »
« Jusqu’à mon dernier souffle, je lutterai pour les libertés »
Mais on ne verra plus beaucoup Catherine Ribeiro sur scène. Retirée dans les Ardennes dans les années 1980, elle a épousé le maire socialiste de Sedan, Claude Démoulin. Elle a été victime d’un AVC en 2020 et a dû être hospitalisée dans une clinique allemande.
Ces dernières décennies, elle sortait rarement de son silence. Elle se produisait encore au Bataclan et aux Francofolies. Avec la même soif d’engagement : « Jusqu’à mon dernier souffle, je me battrai pour les libertés. » Elle est décédée hier soir, à l’âge de 82 ans.