Joël Robin / AFP
Décédée à l’âge de 82 ans dans la nuit du jeudi 22 août au vendredi 23 août, Catherine Ribeiro était une figure incontournable de la musique expérimentale des années 70.
CULTURE – Une artiste rebelle et mordante. Tels sont les adjectifs qui décrivent le mieux la chanteuse Catherine Ribeiro, décédée dans la nuit de jeudi 22 à vendredi 23 août, dans une maison de retraite de Martigues, à l’âge de 82 ans, selon une annonce de son entourage à l’AFP.
Figure incontournable de la musique expérimentale des années 70, elle a utilisé ses chansons pour soutenir ses multiples engagements, avant d’être marginalisée et de finir sa vie en recluse.
D’un film avec Godard au groupe Alpes
Née le 22 septembre 1941 à Lyon, fille d’un chaudronnier portugais, Catherine Ribeiro grandit avec pour seul horizon les hautes cheminées fumantes des industries chimiques de Saint-Fons.
Elle fait ses valises et part à Paris, où elle suit des cours de théâtre qui la mènent au cinéma. On la voit notamment dans Les Carabiniers (1963) de Jean-Luc Godard, aux côtés de Patrice Moullet, son futur partenaire dans Alpes.
Après un passage au cinéma, cette brune aux yeux sombres et à la voix grave débute sagement sa carrière de chanteuse au milieu des années 60 en tant que star yéyé.
Elle enregistre également, entre 1964 et 1966, une quinzaine de titres, créations originales ou reprises de Bob Dylan. Sa voie semble toute tracée, ses disques se vendent bien. Elle apparaît en avril 1966 sur la pochette de Salut les garssur le célèbre « photo du siècle »avec toutes les étoiles montantes de la chanson.
Mais elle choisit des chemins parallèles en créant le groupe Alpes avec Patrice Moullet en 1969. Elle s’impose alors comme l’héritière de Colette Magny et Léo Ferré et ses chansons engagées lui valent le surnom de « Pasionaria rouge » ou même « la grande prêtresse de la chanson française ».
Engagement pour l’écologie, Palestine, contre VGE…
Elle opte pour l’avant-garde et s’oriente vers des sonorités à mi-chemin entre le psychédélisme et le rock progressif, entre la musique minimaliste et le jazz.
Âme debout, Paix, Le rat stupide et l’homme de la campagne, Des libertés ?… Elle a réalisé au total neuf albums avec Alpes. Ses chansons reflètent ses nombreux engagements : pour la Palestine, pour les réfugiés chiliens, contre la guerre du Vietnam, pour l’écologie, contre le président Valéry Giscard d’Estaing…
La jeune femme, indisciplinée et tourmentée, fera plusieurs tentatives de suicide, dont l’une la verra passer le mois de mai 68 à l’hôpital, refusant ce sort. « Je ne veux pas devenir une cover girl. Je n’ai plus envie de chanter tous les jours. J’ai perdu trop de temps. »elle dit.
Jugé trop rebelle et à mille lieues des standards commerciaux, il a été boycotté par les médias. « La beauté rebelle de Catherine et sa colère profonde sont une nuisance pour le show-business. »a déclaré Léo Ferré.
Cela ne l’empêche pas de trouver son public, souvent des militants comme elle. Elle se produit dans de grandes salles et fait un carton à Bourges ou à la Fête de l’Humanité où elle chante devant 120 000 personnes.
Un fan nommé Mitterrand
En 1982, elle remplit Bobino pendant trois semaines. C’est l’apogée de sa carrière. Un soir, elle a un spectateur célèbre qui se glisse incognito : le tout nouveau président socialiste François Mitterrand.
Même si elle revendique fièrement ses engagements, Catherine Ribeiro a du mal à se réduire à cela. « J’en ai assez de devoir porter cette seule étiquette rouge »elle a dit en 1980. « Ce n’est pas moi qui me suis marginalisée, j’ai été marginalisée ! Je toucherai un public plus large si les radios et les télévisions décident enfin de me considérer comme une chanteuse à part entière. ».
Mais on ne la verra plus beaucoup sur scène. Retirée dans les Ardennes dans les années 1980, elle épouse le maire socialiste de Sedan, Claude Démoulin. Elle est victime d’un AVC en 2020 et doit être hospitalisée dans une clinique allemande.
Ces dernières décennies, elle est rarement sortie de son silence. Elle s’est tout de même produite au Bataclan et aux Francofolies. Avec toujours la même soif d’engagement : « Jusqu’à mon dernier souffle, je lutterai pour les libertés ».
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