Nouvelles locales

Décès d’Alberto Fujimori, ancien président du Pérou et génocidaire condamné pour crimes contre l’humanité

L’ancien président péruvien Alberto Fujimori (1990-2000), premier de l’histoire de l’Amérique latine à être condamné pour « crimes contre l’humanité », est décédé mercredi à l’âge de 86 ans à son domicile de Lima, où il se remettait d’un traitement contre le cancer.

«Merci pour tout papa !« , ont annoncé ses quatre enfants, dont son héritière politique, Keiko, déjà candidate trois fois malheureuse à l’élection présidentielle ; « Nous demandons à ceux qui l’ont aimé de nous accompagner d’une prière pour le repos éternel de son âme.« S’il est vrai qu’après l’annonce de la mort de celui surnommé « El Chino » (le Chinois ; Fujimori était en réalité d’origine japonaise) des partisans ont défilé devant sa résidence pour lui rendre hommage, l’activité sur les réseaux sociaux a révélé le peu d’amour qu’une grande partie de la population lui portait.

«Génocide« , « despote« , « le tyran le plus corrompu de l’histoire du Pérou« … Sur X, il y a beaucoup de messages célébrant la mort d’un »assassin d’extrême droite qui a soumis le peuple péruvien à une dictature criminelle« . «Nous espérons que son héritage sera enterré avec lui. » a exprimé Anahi Durand, ancienne ministre de la Femme et des Populations vulnérables dans le gouvernement de Pedro Castillo (2021-2022), un message accompagné du hashtag #fujimorinuncamas (« plus de Fujimori« ).

Escadrons de la mort, exécutions, disparitions et stérilisations forcées

Un « plus jamais » qui sonne comme un appel à ne pas oublier les atrocités commises durant ses dix années de mandat ultralibéral, mené d’une main de fer et sous la tutelle du FMI. Escadrons de la mort issus des rangs de l’armée, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, stérilisations forcées de femmes indigènes, massacres de Canto Grande, Barrios Altos et La Cantuta… Des crimes qui ne sont pas sans rappeler les récentes violations des droits humains commises par l’actuelle présidente Dina Boluarte, qui a décrété un deuil national de trois jours.

Proche du « clan Fujimori », ce dernier avait approuvé, en 2023, la décision du tribunal constitutionnel de libérer Alberto Fujimori qui purgeait une peine de 25 ans de prison pour des meurtres commis dans le cadre de la lutte contre le Sentier Lumineux (le hasard a voulu qu’el Chino soit mort trois ans jour pour jour, et au même âge, après Abimael Guzmán, le chef de la guérilla maoïste).

Fujimori a été libéré en décembre dernier, « pour des raisons humanitaires » et malgré l’opposition de la justice interaméricaine et de l’ONU, après avoir purgé seulement 16 ans de sa peine, dans une prison de l’est de Lima.Il a dû payer pour ce qu’il a fait, mais maintenant qu’il est mort, que pouvons-nous faire… « , a réagi Juana Carrion, présidente de l’Association des familles de personnes kidnappées, détenues et disparues du Pérou (AFP, 11/09/2024).

L’un des dix présidents les plus corrompus du monde

Malgré son passé – il figurait notamment parmi les dix présidents les plus corrompus du monde selon l’organisation Transparency International –, l’ancien président-dictateur (un terme gagné après l’auto-coup d’État organisé par Fujimori en 1992) n’avait pas hésité à s’imaginer revenir au pouvoir. L’annonce de sa possible candidature à l’élection présidentielle avait été annoncée en juillet dernier par sa fille Keiko. Une manœuvre claire de la part de l’actuel numéro un du parti Force populaire (droite), elle-même soupçonnée d’avoir blanchi des millions de dollars pour financer ses campagnes passées (elle encourt jusqu’à trente ans de prison).

Qu’il soit détesté ou idolâtré (pour de nombreux Péruviens, il reste l’homme qui a stimulé la croissance économique du pays et combattu avec succès la guérilla d’extrême gauche), c’est un euphémisme de dire qu’Alberto Fujimori laissera une image mitigée dans le pays.

S’il est certain que les Péruviens n’oublieront pas de sitôt l’outsider qui a fait irruption sur la scène publique avec sa victoire électorale inattendue face au futur prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa (1990), puis a mis fin à son mandat en fuyant au Japon en novembre 2000, d’où il a envoyé sa démission par fax, il n’y a aucun doute sur le souvenir qu’il laissera parmi les militants progressistes. Gestionnaire néolibéral d’une décennie sanglante marquée par les violations des droits de l’homme, Fujimori restera celui qui a quitté ce monde sans demander pardon, sans le moindre geste envers ses victimes.

Pas de condoléances internationales à son égard, mais un silence diplomatique qui contraste avec le cri digne et révolté de ceux qui n’oublient ni ne pardonnent.Un meurtrier et l’un des dictateurs les plus corrompus du monde est mort. Il a été condamné par la lutte de millions de Péruviens qui ont provoqué sa chute, puis libéré de prison grâce à la mafia qui règne aujourd’hui. » posté sur X Indira Huilca, une ancienne députée dont le père – un dirigeant syndical – a été tué en 1992 par un groupe paramilitaire lié au gouvernement.Pas une minute de silence, répudiation générale« , a-t-elle conclu. Une belle épitaphe qui scelle avec déshonneur la tombe de Fujimori, tout en étant un slogan pour continuer la lutte contre les héritiers politiques du président génocidaire.

Face à l’extrême droite, ne baissez pas les bras !

C’est pas à pas, argument contre argument, que nous devons combattre l’extrême droite. C’est ce que nous essayons de faire chaque jour dans l’Humanité.

Face aux attaques incessantes des racistes et des semeurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, faisons entendre une autre voix dans ce débat public de plus en plus nauséabond.
Je veux en savoir plus.

New Grb1

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page