Deadpool et Wolverine : la critique finale de Marvel
Test converti ?
Sous couvert de sa déconstruction des codes du super-héros et de son budget réduit, on oublie souvent ce qui a fait le succès du premier. Dead Pool. Tout Hollywood s’est jeté sur ses clins d’œil méta et ses moqueries complices, quitte à omettre le contraste qui donnait un sens dramatique à cette histoire d’origine. Entre l’annonce de son cancer et son désir de sauver la femme qu’il aime de son déclin, Wade Wilson est un super-héros qui « essaie »Il lui manque beaucoup de choses et, comme la plupart des modèles masculins actuels de la culture pop, il enterre ses insécurités derrière ses blagues, tout comme son alter ego Ryan Reynolds.
Mais la sincérité finit toujours par montrer son visage, attaché à la profonde imperfection de sa figure héroïque. Deadpool 3 est un film qui « essaie »qui veut retrouver un petit cœur qui bat derrière les contraintes inhérentes à l’arrivée du personnage dans le giron du MCU. C’est même, d’une manière étrange, l’aveu d’échec qu’il choisit initialement de mettre en scène.
Si Deadpool gagne de l’argent en brisant le quatrième mur, c’est peut-être parce que le cinéma populaire américain n’a rien d’autre à proposer : des rejetons de franchises, où la connaissance des ayants droit, des coulisses et du calendrier de sortie importe plus que l’histoire elle-même.
L’existence même du « Mercenaire à la gueule » au cinéma, après des années de réticence de la Fox, était à l’époque du premier volet l’un de ses arguments de vente. Deadpool et Wolverine est trop content de son crossover, mais aussi deayant réussi à garder son ton de gosse adolescent au sein de la marque Disneyqu’il affirme dès la première séquence du film (de loin la meilleure), sous la forme d’une désacralisation brillante et sarcastique.
Marvel est mort. Vive Marvel !
A partir de là, personne n’est dupe quant à la nature du long métrage. Ce qui compte, c’est que la TVA de Loki sert de béquille pour relier les univers (et pousser Wade à sauver le sien d’une destruction certaine), Deadpool et Wolverine sutures à la truelle les licences de 20th Century Fox aux studios Marvel dans un dernier hourra. L’occasion sans surprise d’assister une foire aux saucisses de caméos gratuits et de fan servicesauf que le film en fait son véritable sujet.
Alors que Deadpool lui-même a tenté de survivre au milieu de rachats multinationaux et de décisions économiques qui vont bien au-delà de son acteur principal, le long-métrage de Shawn Levy (toujours l’un des yes-men les plus impersonnels mais efficaces d’Hollywood) ne parle fondamentalement que de cela. Avec une certaine tendresse, il iconise ceux « qui ont essayé », depuis plus de vingt ans, de trouver leur place sur grand écran, de rendre justice aux comics et à leur transposition malgré les souhaits des costards-cravates des studios. Il retrace un parcours fait d’erreurs de goût, de mauvaises décisions, d’œuvres oubliées.revenant toujours à la dimension humaine, à l’investissement de ceux qui ont voulu faire de leur mieux, même si cela signifiait devoir lutter pour une formule désormais contrôlée, voire trop.
Bien sûr, le procédé est parfait pour reproduire les surprises calculées de Spider-Man : No Way Home (Pas de chemin à la maison)Et Il faut admettre que certaines apparitions ont leur petit effetet touchent au-delà de leur simple potentiel nostalgique. Pour une fois, Deadpool raconte quelque chose de cette intertextualité envahissante, qui vient désormais se dévorer elle-même (les piques à l’état du MCU sont plutôt savoureuses).
On pourrait même dire que le choix de Shawn Levy pour réaliser prend un sens nouveau à la lumière de cette approche. Ryan Reynolds s’est peut-être tourné vers lui suite à leur collaboration sur Homme libre Et Adam à travers le tempsle cinéaste ne se contente pas de se montrer méchant avec du sang et des gros mots après des années de cinéma familial (Nuit au musée, Du vrai acier, Choses étranges…). Le petit coeur de Deadpool et Wolverinec’est peut-être son parallèle avec Toy Story 3 (oui oui…), et sa façon de jeter ses super-héros dans le Vortex, une sorte de dépotoir du Multivers où ils ont plus que jamais on dirait des figurines avec lesquelles on ne veut plus jouer.
Les amis d’abord
L’approche est étonnamment pertinente, même si l’exécution de ses idées s’avère beaucoup plus inégaleà commencer par ses scènes d’action. Tantôt inspiré (le crescendo d’une bagarre exiguë dans une voiture), tantôt brouillon (la bataille générale qui conclut le deuxième acte), le long métrage révèle la pauvreté de sa direction artistique, encore plus aride et grisâtre que l’aéroport de Guerre civilesans parler de son apogée réduite à une ruelle de studio et un sous-sol pauvre.
En même temps, il est difficile de ne pas y voir une illustration de son discours sur la fin d’une époque et le début incertain d’une autre dans une franchise surchargée. Face à la mort de la Fox, Deadpool 3 dépouille la marque Marvel de ses plus beaux atours autant que possibleet transforme son terrain vague en un bac à sable où ne subsistent que les symboles poussiéreux du passé et ses jouets qui s’entrechoquent.
Par la force des choses (et surtout par sa réflexivité), Le film ne tarde pas à abandonner ses enjeux et ses liens forcés avec le MCU.. On peut y voir une déception, notamment du côté de l’antagoniste Cassandra Nova (Emma Corrin), sœur jumelle maléfique de Charles Xavier que les fans attendaient au tournant. Pas de chance, elle n’est qu’un outil narratif de plus, sacrifié assez vite.
Cependant, la lassitude à l’égard de l’intertextualité marvélienne, qui a depuis dépassé sa date de péremption, Fin du jeunous amène à apprécier Deadpool et Wolverine plus que raisonnable compte tenu de son approche sarcastique de la saga. En fait, le film n’essaie même pas de feindre l’intérêt pour l’étendue de son monde et son futur potentiel (Wade suppose que son univers se réduit aux neuf personnes qu’il aime).
La caméra n’a d’yeux que pour le rythme comique de Ryan Reynolds et le charisme de Hugh Jackman.Deadpool a aussi le mérite de s’effacer pour laisser ce Wolverine déchu devenir l’ancrage émotionnel logique du long-métrage. Il « tente » aussi de forger une forme de rédemption, de corriger les ratés du passé. Dans cette dynamique de buddy-movie fantasmé, le film trouve un équilibre vraiment amusant entre une grivoise facile (mais souvent drôle) et une ampleur dramatique insoupçonnée. Ça ne marche pas toujours, mais au moins ils « essaient ».