Et soudain, des lumières viridieuses ont envahi la Ville rose. Lorsqu’il évoque l’anecdote, Michel Coloma laisse transparaître dans son regard, sous ses sourcils blancs broussailleux, une malice enfantine. Le directeur général des Dauphins du Club des Employés du Toulouse Olympique (TOEC) a convaincu sa municipalité d’illuminer la façade du Capitole en vert et blanc, les couleurs emblématiques du club de natation d’Occitanie. Non sans donner quelques sueurs aux services techniques. « Ils portaient du violet en l’honneur du Téfécé (Toulouse FC)rouge et noir pour le Stade Toulousain. Je leur ai fait remarquer, ils m’ont dit : « Mais vous êtes fous ! », dit-il, non sans fierté de son « coup ».
Fin juillet 2023, Toulouse célèbre Léon Marchand. Le toulousain vient de repartir de Fukuoka (Japon) avec trois titres de champion du monde, sur 400 m 4 nages – record du monde en prime –, 200 m 4 nages et 200 m papillon. Ses exploits ont bien valu qu’on remue ciel et terre pour dénicher quelques bulbes verts : « Je leur ai dit : « Gardez-les pour les Jeux olympiques ! »poursuit, avec un sourire entendu, le manager de 58 ans dans son bureau de l’île du Grand-Ramier, où se niche également le Stade du TFC.
« Mon océan est une Garonne »chantait Claude Nougaro. C’est entre les deux bras du fleuve autrefois capricieux que Léon Marchand a pris son premier brevet de natation, à l’âge de 6 ans. Il barbote d’abord dans le petit bassin de la piscine d’hiver Alfred-Nakache, joyau Art déco classé Monument historique. Puis, plus tard, il s’installe dans le bassin olympique du complexe – qui abrite aussi un gigantesque bassin d’été de 150 mètres de long, longtemps le plus grand d’Europe – avant de s’exiler à 19 ans de l’autre côté de l’Atlantique.
Dans le hall du club, la présence de l’enfant prodige est à l’image du plus doué des 1 700 adhérents (pas le plus célèbre : le champion du monde 1998, Fabien Barthez, vient nager presque tous les jours) : discrète. Il y a bien ces deux « unes » de L’équipe au fond d’une modeste vitrine, où trônent casquettes et quelques produits dérivés. Sur le mur au-dessus de la machine à café, son portrait encadré n’impressionne guère plus que ceux des autres nageurs du groupe d’élite, ou que ceux en noir et blanc de leurs lointains prédécesseurs. Sans doute plus pour très longtemps…
« La colère de son père et de son oncle »
Le dimanche 28 juillet, en remportant la médaille d’or dans sa course favorite, le 400 m quatre nages (4 min 02.95), et en battant le record olympique de la légende Michael Phelps (4 min 03.84), le nageur de 22 ans a écrit : un nouveau chapitre à l’encre dorée, dans le sillage de ses glorieux aînés toulousains Alex Jany, Alfred Nakache et Jean Boiteux, premier champion olympique de l’histoire de la natation française (en 1952, à Helsinki). « Il pourrait bien répéter l’histoire de Jean Boiteux, c’est fou. Personne n’aurait pu imaginer un tel destin. »dit au printemps Michel Coloma, qui l’a connu depuis son berceau.
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