La joueuse de para-pong participe à ses septièmes Jeux paralympiques et vise une onzième médaille.
Publié
Temps de lecture : 3 min
« Tu ne me parles pas d’âge. ». Thu Kamkasomphou pourrait faire sienne cette citation de Kylian Mbappé. Joueuse de para-pong de 55 ans, la Française n’aime pas trop qu’on lui rappelle son âge et préfère se concentrer sur ses performances et sa compétitivité, alors qu’elle participe à ses septièmes Jeux paralympiques. Elle s’engage dans la compétition en simple classe 8 (handicap important sur un ou deux membres inférieurs qui gênent les mouvements), mardi 3 septembre, avec pour objectif de décrocher une onzième médaille paralympique.
Un palmarès qui ferait pâlir bien des sportifs. Double championne paralympique (en 2000 et 2008), double vice-championne paralympique (2012 et 2016) et double médaillée de bronze (2004 et 2020) en simple, Thu Kamkasomphou compte également quatre médailles de bronze dans les épreuves par équipes (2000, 2004, 2008 et 2021). Et à Paris ? « J’ai toujours des objectifs élevés », se souvient Thu Kamkasomphou, membre du top 3 mondial et championne du monde en titre.
Cette force de caractère, la pongiste la tient peut-être de son histoire. Née au Laos en 1968, elle a suivi ses parents, qui ont fui la guerre civile, avant d’arriver en France à l’âge de 10 ans. Sa maladie, une périartérite noueuse, a été diagnostiquée à 17 ans.« Ce sont les vaisseaux sanguins qui sont trop fins, donc ça éclate, ça fait des plaies, qui mettent environ six mois à cicatriser. Ça tire, ça pique, et mes jambes ne sont pas suffisamment irriguées et oxygénées. »Elle explique cependant qu’elle continue à concourir parmi les personnes valides et découvre le parasport en même temps, à l’âge de 30 ans.
« C’était une sportive valide de haut niveau, à 16-17 ans, elle était au pôle français, et je pense que cette expérience lui est utile. C’est un atout indéniable pour compenser un petit déclin physique lié à l’âge et à la progression de la maladie »notes Julien Soyer, médaillé d’argent par équipes en para tennis de table aux Jeux paralympiques de Sydney 2000 et d’Athènes 2004 et consultant sport pour franceinfo.
Grâce à cette expérience auprès de personnes valides, « elle a une vision du jeu et des gestes techniques que ses adversaires n’ont pas forcément »ajoute Emmanuelle Lennon, son entraîneur et ancienne coéquipière en deuxième division à Quimper (Finistère).Et en même temps, ce n’est pas toujours facile parce qu’elle n’a plus les mêmes jambes, et il y a une mémoire dans le corps qui pense qu’elle peut encore aller chercher certaines couilles, alors que ce n’est plus le cas. Elle doit utiliser davantage sa main. »elle continue.
Pour assurer son succès à long terme, Thu Kamkasomphou a su s’entourer. « Elle est pionnière dans la capacité à créer une cellule autour d’elle pour atteindre ses objectifs. Elle a su convaincre des partenaires économiques de la soutenir alors que le parasport féminin n’était pas forcément très populaire, pour se donner la possibilité de mettre en place des systèmes de performance. »explique Julien Soyer. Dernier rebondissement : la joueuse de para-pong s’est fait livrer à domicile la même table que celle des Jeux de Paris 2024.Ce n’est pas un échantillon de rigueur qu’elle a, c’est la bouteille entière »rit Julien Soyer.
Cette exigence est aussi l’élément clé de sa longévité, selon Emmanuelle Lennon. « Je l’ai connue quand elle était jeune, j’ai fait des stages avec elle et on se levait tôt le matin pour courir. Elle a toujours eu cette rigueur, qu’elle apportait aux personnes avec qui elle travaille ou s’entraîne. »ajoute la sélectionneuse. Ne laissant rien au hasard pour performer, elle avait également choisi de ne pas postuler pour être porte-drapeau de la délégation française, histoire de ne pas y laisser trop de jus, avec une cérémonie d’ouverture la veille de son entrée en lice en double mixte.
Avec sept participations aux Jeux Paralympiques, Thu Kamkasomphou savoure le chemin parcouru dans la visibilité du parasport : « À Sydney en 2000, on avait un résumé de trois minutes de tous les sports à la télé le soir. Aujourd’hui, c’est 300 heures de direct, c’est incroyable »Après son élimination au deuxième tour en double mixte face à Lucas Didier, ses matchs en simple seront diffusés sur France Télévisions. Avant de prendre sa retraite ? C’est hors de question. « On me pose souvent cette question, mais après Paris, dès le lendemain, c’est Los Angeles. Je suis une compétitrice et tant que mon corps me laisse tranquille, que j’ai l’envie et que je suis sélectionnable, je serai toujours là. »elle promet.
hd1