Les obélisques sont considérés comme l’une des découvertes de l’année 2024 en biologie ! Il s’agit de fragments d’ARN détectés récemment dans le microbiote buccal et intestinal. Reste à déterminer si leurs effets à long terme sont positifs, négatifs ou neutres pour l’individu qui les héberge.
Le microbiome intestinal humain régule des fonctions clés telles que la digestion, le métabolisme et la réponse immunitaire, tout en jouant un rôle crucial dans la protection contre les agents pathogènes et dans la production de vitamines et autres composés bénéfiques.
Read more:
Des microbes peuvent-ils être utiles ?
Dans cet écosystème microscopique, un déséquilibre (comme la dysbiose) peut contribuer au développement de maladies inflammatoires, métaboliques et auto-immunes, et affecter le bien-être mental.
Les scientifiques qui étudient le microbiome ont mis le doigt sur de nouveaux composants génétiques qui avaient été peu explorés auparavant. Cela leur permet de mieux comprendre comment les bactéries, les virus et des éléments appelés plasmides (de petits fragments d’ADN que les bactéries partagent parfois entre elles) interagissent.
Du matériel génétique sans fonction claire
Depuis peu, l’attention s’est également portée sur ce que l’on appelle les viroïdes, de petits éléments de matériel génétique (ARN circulaire) dépourvus d’enveloppe protéique et de la capacité de coder pour des protéines. La recherche basée sur la cartographie du génome circulaire a également permis de détecter des fragments d’ARN de type viroïde.
Parmi ces derniers, les « obélisques » se distinguent. En fait, leur détection dans les bactéries de la bouche et de l’intestin peut être considérée comme l’une des découvertes de l’année.
Cette découverte a été faite par le groupe de recherche d’Ivan N. Zheludev du département de biochimie de Stanford aux États-Unis, après avoir appliqué un programme bioinformatique appelé Viroid Nominator (VNom) aux données du Integrative Human Microbiome Project (iHMP). Cette nouvelle classe d’agents à ARN forme un groupe phylogénétique distinct et inédit. En outre, ils sont présents dans divers écosystèmes microbiens, comme l’intestin humain.
Les obélisques doivent leur nom à leur structure secondaire composée principalement de régions en forme de bâtonnets ou d’obélisques. Ce sont des ARN circulaires qui codent pour une nouvelle superfamille de protéines, les oblins, dont la fonction est inconnue.
La communauté scientifique fait des pas importants vers la compréhension des obélisques. Ainsi, l’équipe de recherche de Frederico Schmitt Kremer, de l’Université fédérale de Pelotas au Brésil, a développé un nouvel outil bio-informatique – Tormentor – pour les détecter encore plus efficacement que par l’intermédiaire du VNom.
Un autre groupe de recherche de Duke University (USA) a révélé qu’ils sont largement présents dans l’ensemble des molécules d’ARN de Streptococcus sanguinis SK36 – une bactérie commune de la plaque dentaire – bien qu’ils ne soient pas présents dans son génome. Cette découverte est curieuse car elle signifie que les obélisques ont besoin d’une cellule hôte pour se répliquer, en l’occurrence l’espèce Streptococcus que nous venons de mentionner.
Si l’on ajoute à cela le fait que ces entités biologiques peuvent persister dans les individus pendant plus de 300 jours, on peut penser qu’elles ont des effets à long terme sur leurs hôtes, mais on ne sait toujours pas si leur présence est positive, neutre ou négative. Cela ouvre un nouveau champ d’études et soulève même la possibilité de redéfinir des concepts peut-être devenus obsolètes, comme celui de microbiome.
Microbiome ou microgénobiome ?
On estime que le corps humain héberge environ 40 000 milliards de bactéries, réparties entre les systèmes digestif, respiratoire, génito-urinaire et autres. Face à ce chiffre vertigineux, et si on le compare aux quelque 30 000 milliards de cellules qui composent le corps d’un être humain adulte, la découverte des obélisques peut s’avérer capitale.
Read more:
Est-il vrai qu’il y a plus de microbes que de cellules dans le corps humain ?
Jusqu’à présent, le concept de microbiome se limitait aux microorganismes vivants tels que les bactéries, les virus ou les champignons, mais l’émergence des obélisques rend cette définition incomplète, car il s’agit de composants génétiques qui n’ont pas de structure cellulaire propre.
D’ici peu, émergera probablement un concept consensuel qui prendra en compte non seulement les obélisques, mais aussi d’autres fragments génétiques appelés séquences virales endogènes. Il s’agit de restes de virus qui ont été intégrés dans l’ADN humain ou qui sont présents dans les microorganismes du corps, mais qui ne forment pas des virus complets et actifs. Ce changement de paradigme pourrait signifier que ce que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de microbiome pourrait être rebaptisé microgénobiome.
L’écrivain britannique Aldous Huxley a écrit : « Il y a un monde, mais il est dehors .» Peut-être serait-il plus approprié de dire, à la lumière des découvertes récentes, qu’« il y a un monde, mais il est à l’intérieur de nous ».