Le nouveau président des États-Unis s’est emparé du hit disco de la fin des années 1970, autrefois symbole de la communauté homosexuelle. Une réappropriation surprenante, à laquelle le groupe n’a rien trouvé à redire.
Publié le 14 janvier 2025 à 17h13
Mis à jour le 15 janvier 2025 à 13h28
TRaison ou pur opportunisme ? L’annonce de la participation des Village People en tant qu’invités vedettes – aux côtés de la chanteuse country pop Carrie Underwood (dont le hit Avant qu’il triche fustigée infidélité) – lors de la cérémonie d’investiture de Donald Trump, il en a indigné plus d’un. Comment ? Le groupe, célèbre avant tout pour l’hymne disco YMCA, n’est-elle pas, depuis plus de quarante-cinq ans, l’un des symboles, ne serait-ce qu’à travers les regards stéréotypés revendiqués par ses membres, de la culture homosexuelle ?
Le groupe américain, créé par les producteurs français Henri Belolo et Jacques Morali en 1977, a même été nommé en référence à Greenwich Village, haut lieu new-yorkais de la communauté gay. Et YMCA, avant d’être suivi par le non moins fédérateur et facilement connotable Dans la Marine Ou Allez à l’ouest, a toujours été interprété comme une ode aux auberges de jeunesse exclusivement réservées aux hommes, lieu de rencontre idéal pour les hommes en quête de compagnie. Le disco, ce n’est un secret, a pris son essor bien avant l’explosion universelle et hétéronormative du La fièvre du samedi soir, dans les clubs et discothèques gays. Ce public était donc ciblé en priorité par la plupart des producteurs du genre. Et Morali et Belolo, plus encore que d’autres.
Un joli retournement de couverture
Mais… si les cinq autres membres vêtus de costumes emblématiques inspirés des dessins de Tom de Finlande (l’Indien, le motard en cuir, le cow-boy, l’ouvrier du bâtiment et le soldat…) avaient effectivement été enrôlés dans la communauté gay , Victor Willis (le capitaine), le chanteur et parolier, était un « pur hétéro ». Qui prétend aujourd’hui que sa chanson n’avait pas la moindre connotation homo. Il menace désormais de poursuivre en justice quiconque prétendrait le contraire. On est juste surpris qu’il ait mis autant de temps à réagir de la sorte, heureux jusque-là de profiter de l’image et du message lucratif associés au titre et au groupe en général.
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Mais voilà, Donald Trump s’est emparé de la chanson, devenue depuis le plus consensuel et agaçant des tubes disco, pour ses meetings et meetings. Et contrairement à tant d’autres artistes gênés, voire indignés, par cette réappropriation, le groupe, qui affirmait pourtant avoir eu une préférence pour Kamala Harris, n’a rien trouvé à redire. Et a même vu l’opportunité d’une belle tournure sur la couverture sous la forme d’un revers qui sort. Un revirement très dans l’air du temps, où l’anti-wokisme a le vent en poupe, dans le sillage d’Elon Musk. L’homme le plus riche du monde a été un partisan de Joe Biden en 2019, avant de se déclarer un partisan très actif de l’actuel « président élu », au point de devenir son âme damnée (à moins que ce ne soit le contraire). Autrement dit, un geste marqué par un formidable opportunisme de la part de Willis. Donc tout à fait cohérent avec le cynisme et le manque de moralité actuellement au pouvoir.