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De la terreur des talibans à l’émancipation du vélo : l’incroyable odyssée de Masomah Ali Zada


Julien Moreau / Crédit photo : MAJA HITIJ / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES VIA AFP

Masomah Ali Zada ​​est un exemple de vie. Elle résonne avec l’élégance des esprits libres. La cycliste est née en 1996 en Afghanistan, dans une communauté conservatrice où la présence d’une femme sur un vélo n’était pas recommandée, voire interdite. De fait, la première fois qu’elle en a enfourché un, c’était à plusieurs centaines de kilomètres de son pays de naissance. Un parcours tortueux qui lui ouvrira les portes d’une carrière improbable et d’un rôle de leader de l’équipe olympique des réfugiés. Vendredi, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Paris 2024, elle défilera sur scène, à la tête de cette sélection de 37 athlètes de 11 pays différents pour qui il est impossible de défendre les couleurs de leur pays d’origine. Pour Europe 1, elle revient sur son parcours hors du commun.

« J’ai appris à faire du vélo en Iran parce que mon père et mes oncles ont combattu les talibans quand j’étais très jeune. Nous avons dû quitter le pays une première fois pour nous réfugier en Iran. En Iran, il était normal pour une femme de faire du vélo », raconte Masomah Ali Zada ​​à Europe1.fr. Alors qu’elle vivait avec ses proches dans un quartier pauvre de Téhéran, la jeune Afghane a découvert sur les écrans de télévision que les femmes pouvaient rivaliser avec les hommes dans le sport. Malheureusement pour elle, sa famille n’a pas pu obtenir le statut de réfugiée en Iran.

Les talibans toujours omniprésents

Elle se retrouve donc obligée de retourner dans son pays natal. Les talibans sont partis après la chute de leur régime en 2007, mais l’ombre de leurs pensées règne toujours dans un climat de terreur. « Il y a une partie du peuple afghan qui était encore sous l’influence des talibans. Ils ont toujours convenu que les femmes ne pouvaient pas travailler et même faire du sport », se souvient Masomah Ali Zada. Pourtant, la native de Kaboul s’est remise à la pratique de nombreuses disciplines.

« J’ai intégré l’équipe sportive de l’école. J’ai pratiqué plusieurs sports, mais à chaque fois, c’était en salle. Un jour, quand j’avais 16 ans, le président de la fédération cycliste est venu dans notre école pour nous inviter à concourir. Il cherchait des talents pour trouver des cyclistes qui pourraient être intéressés à intégrer l’équipe nationale », raconte Masomah Ali Zada.

Normaliser la pratique

Dès la première course, c’est le coup de foudre. La jeune Afghane décide de prendre le cyclisme le plus au sérieux possible. « Pour la plupart des gens, c’était la première fois de leur vie qu’ils voyaient une fille en tenue de sport. Nous devions porter la burqa. Pour la première fois, ils voyaient des filles en tenues colorées sur un vélo », explique-t-elle.

« J’ai été insultée, battue quand j’étais débutante. Je m’en souviens très bien, nous étions sur une route de montagne et il y avait des virages très serrés. Un homme dans une voiture s’est approché de moi et m’a frappée. Et les hommes dans la voiture ont ri en voyant les hommes me frapper. Chaque fois que je faisais du vélo, j’avais peur des talibans », ajoute-t-elle. Après ce jour-là, son objectif n’était plus simplement de signer un contrat professionnel, mais plutôt de normaliser le cyclisme pour les femmes en Afghanistan. Dans sa vie quotidienne, on lui fait de multiples reproches, disant qu’elle n’est pas un bon exemple pour les petites filles.

« La voix de 120 millions de personnes déplacées dans le monde »

Sa vie a basculé lorsque la chaîne Arte a décidé, en 2016, de diffuser un documentaire sur les cyclistes en Afghanistan pour comprendre la difficulté pour ces femmes de pratiquer leur sport. « Après la diffusion en France, l’ambassade de France nous a invitées à participer à une compétition à Albi. J’ai terminé 2e et ma sœur 3e. Pendant la compétition, nous avons rencontré une famille française et nous avons tissé des liens avec eux » se souvient Masomah Ali Zada.

Un an plus tard, grâce aux efforts de cette famille dont elle préfère taire le nom, elle et sa famille parviennent à obtenir le statut de réfugié. « J’ai été la première réfugiée en France à recevoir la bourse olympique pour participer aux Jeux au sein de l’équipe des réfugiés », explique-t-elle. Elle arrive 25e aux Jeux de Tokyo. Trois ans plus tard, avec l’équipe des réfugiés, Masomah, 28 ans, raccroche son vélo pour devenir « la voix de 120 millions de personnes déplacées à travers le monde ». Elle aspire à travailler dans le sport, forte de son expérience de haut niveau et aguerrie par sa carrière.

europe1

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