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De la « fraîcheur » à la « gestion flasque », la désillusion Justin Trudeau

Le parallèle est presque trop évident, malgré les 17 années qui les séparent. Depuis mercredi soir, Justin Trudeau accueille Gabriel Attal, son homologue français et son reflet. À son arrivée à la tête du gouvernement canadien il y a neuf ans, le chef du Parti libéral portait partout son image de « beau mec » moniteur de snowboard. «Il incarnait au départ une idée de beauté, de fraîcheur», estime Yannick Dufresne, professeur agrégé de sciences politiques à l’Université Laval, qui fait aussi un parallèle avec les attentes générées par l’élection d’Emmanuel Macron.

Mais déjà à la tête d’un gouvernement minoritaire depuis 2019, Justin Trudeau est en difficulté dans les sondages à l’approche d’un nouveau scrutin. «On l’associe de plus en plus à une gestion flasque», résume Yannick Dufresne, notamment dans le domaine économique. Justin Trudeau pouvait toutefois se targuer d’un premier bilan plus qu’acceptable. En 2019, le taux de chômage du pays était tombé à 5 %. Il avait également, fidèle à ses promesses, augmenté le niveau des allocations familiales et baissé les impôts des classes moyennes. Tout cela au détriment du solde budgétaire.

La « justinflation », l’envers d’une politique ouverte

Le chef du gouvernement canadien multiplie les promesses et les dépenses, au point que « les journalistes font des paris sur le niveau de la dette », sourit le professeur agrégé de sciences politiques. Mais les politiques de Trudeau ne font pas rire tout le monde. D’abord, à droite, ces dépenses sont l’occasion idéale pour s’attaquer à l’inflation, ironiquement rebaptisée « justeinflation ». Du côté provincial, c’est aussi le bordel. Le Québec n’apprécie pas que le gouvernement fédéral « s’immisce dans les compétences provinciales comme la santé, et qu’il y ait des tensions sur la migration », note Yannick Dufresne. A l’Ouest, la nationalisation du pétrole par Trudeau père, au pouvoir dans les années 1970 et 1980, n’a pas été oubliée.

De plus, Justin Trudeau mise beaucoup sur le multiculturalisme au Canada, la marque de fabrique de son parti. « Personne ne remet en cause son engagement sur la question autochtone », illustre Yannick Dufresne, alors que des tombes d’enfants à proximité d’anciens internats ont été découvertes. Mais là aussi, le curseur est parfois poussé trop loin. Derrière l’asile accordé à la Pakistanaise Asia Bibi, le Canada a ouvert ses frontières à des dizaines de milliers de réfugiés ou migrants syriens refoulés par Donald Trump. Dans l’opinion publique, « on commence à faire un lien entre cette immigration massive et la hausse des prix de l’immobilier dans les grandes villes », explique le chercheur en sciences politiques, tout en soulignant qu’il « ne s’agit pas d’un tournant xénophobe », mais de « questions de politique économique ».

Le « cynisme » a pris le pas sur les idéaux

Autre sujet majeur et encore plus parlant : l’environnement. « Justin Trudeau a fait un grand pas en recrutant Steven Guilbeault comme ministre de l’Environnement et du Changement climatique », reconnaît Yannick Dufresne. Mais l’ancien directeur de campagne de Greenpeace Québec a les mains liées. « Personne ne remet en cause les valeurs environnementales du gouvernement, mais dès qu’on arrive à quelque chose de concret, ça coince. » En 2018, le gouvernement fédéral a acheté un oléoduc à la société Kinder Morgan pour permettre son expansion, aux dépens des communautés autochtones et de l’opposition locale.

Tout en promettant d’investir « chaque dollar généré dans la transition énergétique », comme le rappelle Reporterre. Polluer maintenant pour retarder la transition, à contre-courant de l’urgence écologique. Dans un pays dont l’économie repose en grande partie sur l’exploitation du pétrole mais qui souffre énormément du réchauffement climatique, entre fonte des glaces et incendies de forêts, le sujet est avant tout une « source de cynisme ».

« Après neuf ans, son gouvernement est usé », résume Yannick Dufresne. Justin Trudeau a gardé l’image d’un « beau parleur, idéaliste », qui « entretient étonnamment son image de jeune » mais « on a l’impression qu’il n’est pas aux commandes ». « Il y a un manque de leadership, un côté flasque », insiste le professeur de sciences politiques. Même au sein de son parti, Justin Trudeau est également contesté. Mais nous sommes désormais « trop proches des élections pour changer ». Jusqu’au bout, le Premier ministre canadien semble donc condamné à souffrir.

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