de la dissolution au Nouveau Front Populaire, on vous raconte la semaine qui a bouleversé la vie politique française
La décision surprise d’Emmanuel Macron a dynamité les équilibres partisans à gauche, à droite et à l’extrême droite.
Les analystes qui prédisaient un statu quo après les élections européennes risquent d’être perdus. Le scrutin à un tour organisé dimanche a déclenché de puissants séismes, à commencer par la dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée par Emmanuel Macron au soir des résultats. Constitution d’un Nouveau Front populaire à gauche, crise majeure au sein de LR et Reconquête, profonds doutes au sein de la majorité… Franceinfo revient, bloc par bloc, sur une semaine qui a profondément remodelé le paysage politique français avant les élections législatives du dimanche 30 juin. et le 7 juillet.
Dans la majorité, Gabriel Attal et Emmanuel Macron sont aux commandes d’une campagne à très haut risque
« J’ai cru aux 20% jusqu’au bout. » Lundi midi, un leader de la majorité a la gueule de bois. La liste conduite par Valérie Hayer pour les élections européennes culmine à 14,6%, soit même moins la moitié du score du Rassemblement national (31,37%). Au lendemain des résultats, Emmanuel Macron a annoncé, dimanche soir à 20h58, sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, plongeant son camp dans l’inconnu. Certaines voix se font entendre pour critiquer une décision « brutal »comme l’a concédé Gabriel Attal devant les désormais ex-députés de la majorité, mardi matin. « Il y avait une autre voie, qui était la voie d’une coalition, d’un pacte de gouvernement »a déclaré lundi la présidente sortante de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.
De nombreux députés sortants partent immédiatement en campagne, « étourdi ». Avec un changement notable par rapport à 2022 et surtout 2017 : le visage du chef de l’Etat est souvent absent des tracts. « Je ne veux absolument pas être lié à lui pendant cette campagne »lance l’un d’entre eux, mardi, sur un marché d’Ile-de-France. « Le président voulait sa gueule partout, certains lui ont fait comprendre que c’était peut-être mieux sans lui »glisse un conseiller ministériel à franceinfo.
Pour tenter de reprendre la main, Emmanuel Macron tient une longue conférence de presse, d’abord prévue mardi puis reportée à mercredi matin. Il revient longuement sur la situation politique du pays, confronte les extrêmes et met en avant sa « désir sincère et humble de construire un consensus et de tisser des compromis » grâce à l’aide de « sociaux-démocrates » d’un côté, de la droite républicaine de l’autre.
Le président de la République confie à Gabriel Attal, son Premier ministre depuis janvier, la tâche de mener une campagne courte et défensive. Le chef du gouvernement part jeudi dans le Pas-de-Calais, où il confirme que la réforme de l’assurance chômage, contestée à gauche, fera bien l’objet d’un décret. « avant le 1er juillet ». Le soir, sur le plateau de l’émission « Tous les jours »il s’en prend aux deux autres blocs qui cherchent à faire tomber son gouvernement, plus menacé que jamais.
Comme en 2022, la gauche fait bloc malgré les divisions
Au soir des élections européennes, la gauche est battue et arrive en troisième position. Raphaël Glucksmann (liste PS-Place publique) et les socialistes n’ont dépassé ni Valérie Hayer (Renaissance et alliés) ni les 15 %. Manon Aubry et les Insoumis sont restés sous la barre des 10 %, tandis que Les Écologistes-EELV ont conservé de peu leurs sièges en dépassant la barre fatidique des 5 %. Dès l’annonce de la dissolution, les appels à l’union de la gauche se multiplient. Amiens François Ruffin ouvre le bal : « Je dis à Marine Tondelier, Fabien Roussel, Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon : ‘Voulons-nous gagner ensemble ou perdre séparément ?' »
Sur le principe, tout le monde est d’accord pour construire un syndicat face à l’extrême droite et à la possibilité de voir le RN arriver au pouvoir. Mais dans quelles conditions ? Faut-il conserver les bilans électoraux des Nupes de 2022, favorables à La France insoumise, ou prendre davantage en compte la première place du PS aux élections européennes ? Malgré des désaccords, la première pierre a été posée lundi soir, lorsque le PS, le PCF, Les Ecologistes-EELV et LFI ont déclaré vouloir « la constitution d’un Nouveau Front Populaire » via « candidatures uniques dès le premier tour » élections législatives.
Tout, ou presque, reste à décider : le programme, l’incarnation, les circonscriptions. C’est sur ce dernier point que les négociations sont les plus tendues. « Ils ne se soucient pas de nous », peste jeudi matin un socialiste qui trouve LFI trop gourmande sur le nombre de circonscriptions. Les chefs du parti sont intervenus, les discussions ont repris et le Nouveau Front Populaire a annoncé dans la soirée qu’il avait « scellé » UN « programme gouvernemental » et une distribution des candidatures.
Le projet est approuvé par l’ancien président socialiste François Hollande, opposé au Nupes en 2022. Pour Raphaël Glucksmann aussi, « L’unité est la seule voie » pour bloquer l’extrême droite. Unie, la gauche promet de « qui change la vie, vraiment », résume l’écologiste Marine Tondelier lors d’une conférence de presse commune organisée vendredi à midi. Le Nouveau Front populaire présente son programme, donne des engagements dans la lutte contre l’antisémitisme notamment, mais refuse toujours de donner le nom de son Premier ministre en cas de victoire.
Les Républicains implosent après l’arrivée d’Eric Ciotti au Rassemblement National
De rebondissements en rebondissements, la droite a vécu l’une des semaines les plus mouvementées de son histoire. Tout commence dimanche soir avec le faible score de 7,25% obtenu par François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains aux élections européennes. «La macronie, c’est fini maintenant», lâche Eric Ciotti sur TF1, les yeux rivés sur la partition de Valérie Hayer. Le président des Républicains ne le sait sans doute pas encore, mais les prochains jours feront de lui l’homme politique le plus scruté de France. Courtisé, d’abord, quand Jordan Bardella « tends la main » aux Républicains, lundi soir sur RTL, affirmant avoir eu « discussions » avec certains de leurs dirigeants. Le RN est prêt à ne pas présenter de candidats face aux LR « rassembler »ajoute Marine Le Pen sur TF1.
Mardi est décisif pour LR. Sur TF1, Eric Ciotti surprend tout le monde en annonçant son souhait d’une alliance avec le parti de Marine Le Pen pour les législatives. Dans la foulée, la quasi-totalité des dirigeants du parti de droite condamnent cette position individuelle. « Personne ne le savait, il nous a marché sur toutes les têtes », s’exclame Emilie Bonnivard, députée sortante de Savoie. Plusieurs cadres exiger son départ du chef du partitandis que certains élus claquent la porte de la formation politique.
Un bureau politique des Républicains décide, mercredi, à l’unanimité et en son absence, d’exclure le député des Alpes-Maritimes. L’ancienne députée Annie Genevard et le député européen François-Xavier Bellamy assurent l’intérim. Mais Eric Ciotti ne l’entend pas ainsi : « Je suis et reste le président de notre parti politique, élu par les adhérents »il réagit sur le réseau social « conséquences pénales ».
La jeudi n’a pas été moins intense à droite : Eric Ciotti a repris possession de son bureau au siège du parti, a publié une vidéo de ce retour devenue virale sur les réseaux sociaux et a annoncé qu’il contesterait sa destitution en justice. Vendredi, un nouveau bureau politique LR valide cette exclusion, annulée par la justice, tandis que Jordan Bardella annonce sur BFMTV que « dans 70 circonscriptions en France, il y aura un candidat RN-LR commun »y compris les députés sortants.
Regard vers Matignon, Jordan Bardella et le RN fracture Reconquête
Le Rassemblement national n’a pas le temps de savourer son score aux élections européennes, le meilleur de son histoire. Après avoir obtenu, à sa grande surprise, la dissolution qu’il réclamait, le parti repart aussitôt en campagne. Sur sa lancée, il a annoncé dimanche soir son objectif pour les élections législatives anticipées : obtenir une majorité à l’Assemblée nationale pour que Jordan Bardella soit nommé Premier ministre, une ambition révélée lundi. sur une affiche.
Depuis, les réunions se sont succédées pour élaborer le programme et trancher la question des investitures. Le RN comptait déjà 577 noms, toutes circonscriptions confondues, grâce à un « plan Matignon » qu’il élaborait depuis mars 2023. Mais l’annonce surprise d’Eric Ciotti, mardi, en faveur d’une alliance entre LR et le RN, remanie la liste. cartes. Jordan Bardella accepte la proposition du président dissident de LR. Mercredi, le RN a reçu un nouveau soutien, celui de Marion Maréchal, une transfuge passée à la Reconquête. Fraîchement élue eurodéputée après avoir été tête de liste du parti fondé par Eric Zemmour, elle appelle voter pour les candidats de l’alliance entre le RN et LR plutôt que pour ceux investis par Reconquête.
Quelques heures plus tard, Eric Zemmour dénonce « trahison » et annonce l’exclusion de Marion Maréchal, ainsi que celle des députés européens Guillaume Peltier, Nicolas Bay et Laurence Trochu. Il n’y aura pas d’accord électoral entre Reconquête et le RN, mais au moins quatre proches de Marion Maréchal auront l’investiture RN, dont Agnès Marion et Thibaut Monnier.
Jeudi, le RN révèle sa profession de foi. Un dépliant avec huit mesures, d’abord pour le pouvoir d’achat, la fin de « laxisme judiciaire » et certaines « submersion migratoire ». Le parti doit compléter sa liste de 577 candidats « Pendant le week-end »avant la date limite de dépôt des listes dimanche à 18 heures. Il prépare également un programme détaillé, pour présenter les mesures qu’il mettrait en œuvre « urgence » s’il gagnait les élections législatives, et les réformes qui auraient lieu par la suite.
La semaine du RN a cependant été marquée par un accroc, avec la bourde du porte-parole du parti Sébastien Chenu, qui a défendu jeudi soir sur le plateau de « Touche pas à mon poste » la suppression de la double nationalité, mesure abandonnée par Marine Le Pen en 2022.