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Danser pour faire la fête est-il devenu une habitude chez les baby-boomers ?

Danser pour faire la fête est-il devenu une habitude chez les baby-boomers ?

« Les boîtes de nuit ne sont plus très à la mode. Je préfère sortir chez des amis, on met une enceinte et on danse », confie Shemsi, étudiante à Nice. Elle met le doigt sur une tendance forte. Les boîtes de nuit ont clairement été désertées par les jeunes au profit de rassemblements entre amis dans des appartements ou des lieux hybrides.

Les chiffres ne mentent pas. Depuis les années 1980, 70 % des discothèques ont disparu en France et la tendance s’est intensifiée depuis le Covid-19. Il ne reste plus que 1 100 discothèques, selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH), contre 4 000 il y a quarante ans. Pourquoi la génération Z évite-t-elle la piste de danse ? Faut-il en conclure que se déhancher sur les pistes de danse est une pratique courante dans les clubs de nuit ? piste de danse est démodé ?

« J’ai l’impression de me forcer à faire la fête »

« Les gens aiment danser, mais ils ont aussi envie de discuter. A Paris, beaucoup de gens fument, ils enchaînent les pauses cigarettes », décrit Camille, étudiante ingénieure qui privilégie les soirées organisées par son école où tout le monde se connaît. « J’aime passer un moment convivial avec mes amis. J’aime aussi qu’on se retrouve pour discuter », confirme Jeanne, 22 ans, étudiante en école de commerce, pour qui aller en boîte entre en conflit avec sa réalité économique.

« Je n’aime pas forcément être coincée à danser, je préfère mélanger les deux », poursuit la jeune femme. « Et en boîte de nuit, il faut rester longtemps. » Car il faut rentabiliser au maximum le prix de la soirée. « N’oublions pas que beaucoup de jeunes sont en situation de précarité et que le coût d’entrée dans les clubs est élevé », souligne Luc Gwiazdzinski, géographe et professeur à l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse.

« Il y a le coût du transport, que ce soit sa voiture personnelle en zone périurbaine et rurale, ou un taxi pour rentrer en zone urbaine. L’entrée et la consommation coûtent cher », explique Jérémie Peltier, codirecteur de la Fondation Jean Jaurès et auteur de La fête est finie (L’Observatoire, 2021). « Si la soirée ne me plaît pas, j’aime avoir la liberté de partir sans culpabiliser d’avoir dépensé « x » euros. J’ai l’impression de me forcer à faire la fête alors que je n’en ai pas forcément envie », poursuit Jeanne.

« Les garçons viennent vers toi toutes les 30 secondes »

Certes, les boîtes de nuit font brûler les cartes de crédit et pâlir nos conseillers bancaires, mais « elles restent des pôles centraux de sociabilité et de rencontres dans des zones pavillonnaires et rurales déjà désertées par d’autres services. Leur préservation est essentielle », prévient Luc Gwiazdzinski. Sauf que la crise sanitaire a accéléré leur agonie. Et comme si cela ne suffisait pas, elles souffrent aussi d’une très mauvaise réputation auprès d’une génération élevée au féminisme post-MeToo.

Les jeunes filles sont lorgnées, draguées, voire agressées. « Ce n’est pas très sûr« Si on sort en groupe avec des filles, il y en a au moins une qui va se faire aborder. « C’est de plus en plus lassant. Des garçons viennent te parler toutes les 30 secondes, les gens sont saouls et il y a même des piqûres (sauvages) », confirme Shemsi qui préfère contrôler la liste des invités.

« Dès 2015, des enquêtes menées en Grande-Bretagne montraient que les jeunes Britanniques ne fréquentaient plus les boîtes de nuit par peur de faire une mauvaise rencontre », souligne Jérémie Peltier. Après le Covid-19, la vague de morsures sauvages a laissé des traces. En 2022, plus de 800 plaintes et 1 098 victimes ont été touchées par des morsures aux bras, aux fesses et au dos, dans les boîtes de nuit, les bars et les festivals de tout le pays.

De quoi vous démotiver d’aller vous mêler à une foule d’inconnus pour vous déhancher. La peur d’être agressé a renforcé la tendance à se poser et à se recroqueviller chez soi. Chez soi, on a le contrôle sur la soirée, la liste des invités et la musique. « Je peux être mon propre DJ. Dans une époque habituée à contrôler en permanence ce qu’il y a dans ses oreilles, il est difficile d’accepter que quelqu’un d’autre ait le contrôle sur la musique », analyse Jérémie Peltier.

Danser pour les réseaux sociaux

Twerk, zouk et autres se déplace L’électro est toujours là, mais les lieux de fête s’hybrident. « La dimension physique est centrale dans ces moments festifs où tous les sens sont sollicités », insiste Luc Gwiazdzinski. « Quand on propose à des individus de danser librement dans un lieu public par exemple, ils s’y adonnent assez facilement », observe Jérémie Peltier. La fête ne se cantonne plus à un espace clos, elle se transforme. Une forme de nomadisme nocturne s’impose. « L’été, la « fête » se déplace sur les lieux publics, dans les parcs, au bord des rivières, la mode est à l’esthétique des palettes plus qu’à l’esthétique des paillettes », précise Luc Gwiazdzinski.

L’ingrédient danse dans sa dimension collective reste un élément clé de la fête. « À l’ère des réseaux sociaux, on se met en scène en dansant seul dans nos chambres, constate Jérémie Peltier. La danse, qui supposait quelque chose de collectif, a été quelque peu mise à mal au profit de la danse individuelle, qui ne sert qu’à mettre en valeur sa performance. » La danse n’est pas en voie de disparition, mais « il y a sans doute moins d’exutoires et de moments de fête que par le passé, nuance-t-il. Une société qui parle de fête tout le temps fait que la fête n’est probablement nulle part. » Tout comme l’insouciance.

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