Dans une fonderie de la Drôme, le mobilier de Notre-Dame renaît de l’incendie
A la fonderie Barthelemy Arts, dans la Drôme, le tabernacle de Notre-Dame de Paris attend une dernière patine avec le reste du mobilier liturgique avant de retrouver la cathédrale pour sa réouverture en décembre.
Au milieu de l’odeur du métal et du bruit des ponceuses, les bronziers s’affairent quelques semaines avant le départ des pièces conçues par Guillaume Bardet, marquant l’aboutissement de « plus de 7 000 heures de travail ».
« Nous nous souvenons des images où le pont de la cathédrale fond et où le feu le détruit » lors de l’incendie de 2019 qui a touché le monde entier, rappelle le vice-recteur de la cathédrale, Guillaume Normand.
« Et là, on a un feu d’où quelque chose renaît, qui se reconstruit. »il s’enthousiasme en déambulant dans la fonderie.
Le mobilier se compose d’un baptistère massif, dont le couvercle en bronze poli comme un miroir rappelle la surface de l’eau, d’une cathèdre – la chaise de l’évêque -, d’un tabernacle – un petit meuble qui contient les hosties – en forme de chapelle stylisée, et d’un ambon – le lutrin sur lequel la Bible est posée et lue.
De cet ensemble, qui a nécessité « 5 ou 6 tonnes de bronze » – l’autel à lui seul pèse près d’une tonne -, se dégage une harmonie raffinée de volumes imposants et de courbes élégantes.
« Nous voulions que les pièces existent dans Notre-Dame, qu’elles soient vues mais sans leur donner une couleur extravagante, une chromie trop forte, où elles ne feraient que crier »explique Guillaume Bardet entre deux coups de chalumeau.
L’artiste de 52 ans avait été sélectionné via un concours en juin 2023 pour remplacer le vieux mobilier dépareillé et dont l’autel de 1989 avait été gravement endommagé par l’effondrement de la voûte.
– Flammes vertes à 1180° –
D’abord fabriqués en cire, les différents meubles du culte étaient recouverts de plâtre, puis placés dans des cylindres métalliques et cuits dans un immense four. Cette cuisson fait fondre la cire, qui coule pour laisser un vide où viendra se loger le bronze.
Le directeur de la fonderie Guillaume Serre observe un grand cylindre chauffé à 1180°C d’où s’échappent des flammes vertes : « C’est le bronze fondu qui leur donne cette couleur. A l’intérieur, il y a un pot en terre cuite, qui contient 300 kilos de métal » liquide.
Une fois extraite du four par des artisans en costumes d’argent, cette lave orange éblouissante est coulée dans les moules.
« Quand on le verse, il se solidifie très vite, il devient très dur et il forme des petites boules. » si on n’y prend garde, explique le bronzier Florian Belin, 36 ans, derrière sa visière de protection.
Une fois démoulé, le bronze refroidi prend une couleur gris foncé, que Richard Chambron, ciseleur, s’efforce de polir et de faire briller, lui donnant un aspect chatoyant et brillant.
« Travailler sur Notre-Dame est quelque chose d’unique, ça ne se reproduira pas, nous sommes pleinement engagés »assure l’artisan de 60 ans.
Comme un navigateur
« C’est quelque chose d’assez incroyable, je ne m’en suis pas encore rendu compte »acquiesce M. Bardet, impressionné par l’intérêt « universel » que le projet suscite. « C’est comme un navigateur, jusqu’à ce qu’il atteigne le port, il doit terminer son voyage ».
L’étape finale est désormais en cours : la patine, réalisée à la main à l’aide de nitrates de cuivre et de fer et de pigments.
« Il y a une multitude de couches qui vont donner toute l’intensité. Plus on s’approche, plus on voit de nuances. Chaque centimètre carré est un peu différent de l’autre. Un peu comme la peau humaine. »explique M. Bardet.
Cet aspect irrégulier et vivant de la matière est renforcé par des rayures calquées sur le plomb, marque de fabrique de l’artiste.
« En voyant ces objets, là, pour de vrai, je vois que Notre-Dame, c’est ce lieu que l’on va habiter à nouveau, on va s’y retrouver, on va y faire la fête »ajoute Mgr Normand, un peu ému par la » présence « de l’autel massif sur lequel il officiera bientôt.
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