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Dans « Un petit truc en plus », le film d’Artus, la représentation du handicap divise ces associations

David Koskas Le film d’Artus « Un petit quelque chose d’extra » laisse les associations d’aide aux personnes handicapées très mitigées.

David Koskas

Le film d’Artus « Un petit quelque chose d’extra » laisse les associations d’aide aux personnes handicapées très mitigées.

CINEMA – C’est le hit de l’année 2024 pour le cinéma français. Le long métrage d’Artus, Un petit quelque chose en plus, a franchi le cap des trois millions d’entrées ce dimanche 19 mai, et toute l’équipe du film est attendue sur le tapis rouge de Cannes cette semaine. Un succès inattendu pour cette comédie feel good qui raconte l’histoire de deux braqueurs qui débarquent dans une colonie de vacances pour personnes handicapées mentales.

Mais qu’en pensent les associations d’aide aux personnes handicapées ? Quatre d’entre eux livrés à HuffPost leur avis sur le film. Et c’est très mitigé. Si pour la vice-présidente de l’APF France Handicap, Hélène Vallantin-Dulac, ce film est un « tremplin vers le vivre ensemble », d’autres associations y voient au contraire une œuvre capacitaire. « Tant que les films et les scénarios sur les personnes handicapées seront réalisés par des personnes valides, cela ne nous plaira pas »estimé Céline Extenso, militante des Dévalideuses, un collectif féministe qui lutte contre le sexisme et le validisme.

Une vision idyllique de la vie en institution

Dans le film, les deux braqueurs se font passer pour une personne handicapée et son éducateur spécialisé, avant d’être démasqués par la suite. D’abord réticents, ils vont faire connaissance avec le petit groupe qui les accompagne et nouer des liens forts dans le refuge où se déroule la majeure partie du film. Et c’est là que réside le problème pour certaines associations : le long-métrage donne l’image d’une vie rêvée dans une institution, où il y a très peu de diversité avec des personnes valides.

« Ils sont isolés, avec des éducateurs si gentils et dévoués. Chaque personne a la possibilité de s’épanouir avec ses propres besoins et différences. Et ils en sont tellement heureux », observe Céline Extenso. Selon elle, il s’agit d’une vision idyllique très éloignée de la réalité de la vie en institution, « qui sont des lieux de ségrégation et de violence ». Odile Maurin, la présidente de Handi-social, une association de défense des droits des personnes handicapées qui lutte contre le capacitisme, rappelle que «Mettre ces personnes en institution est un choix politique». Et pour elle, Un petit quelque chose en plus banaliser ça  » ségrégation « .

Le directeur social et inclusion de Handicap International, Hervé Bernard, estime néanmoins que le film montre des passages « des institutions extérieures intéressantes ». « Nous n’avons pas l’habitude de voir des personnes handicapées avec leur spontanéité, dans la vraie vie, comme dans la scène du supermarché. Et ça nous fait du bien »il assure.

Une question de représentation

Certaines manières de représenter les personnes handicapées posent problème aux militantes Dévalideuses et Handi-sociales. Céline Extenso considère ainsi que le film met en lumière « De la peinture rose sur les questions de handicap »les présentant comme « des êtres mignons qui n’ont pas de soucis ». Quant à Odile Maurin, elle constate que les personnes handicapées sont présentées comme « enfants éternels ».

Plus indulgent, Hervé Bernard estime que le film « ne met pas l’accent sur la perspective misérabiliste et les difficultés des gens, mais plutôt sur leur créativité ». Pour lui comme pour Hélène Vallantin-Dulac de l’APF France Handicap, l’humour deUn petit quelque chose en plus fonctionne également très bien. Le premier reconnaît qu’il y avait un risque de tomber dans la moquerie, mais considère qu’on ne se moque pas des personnes handicapées, mais avec elles. Le second ajoute : « Il n’y a aucun problème à faire de l’humour sur le handicap tant que la personne est à l’aise avec cela. »

Un film réalisé par une personne valide

Si l’humour du film ne semble pas poser de problème, le fait qu’il soit réalisé par une personne valide – Artus en l’occurrence, et que ce dernier occupe l’espace médiatique plutôt que ses acteurs, soulève plusieurs questions. Pour la présidente de Handi-social, Odile Maurin, rien que le titre du film, Un petit quelque chose en plusse cache une idée capacitiste : celle selon laquelle les personnes handicapées n’ont d’intérêt que si elles apportent quelque chose à la personne valide. « C’est un système de valeurs qui veut toujours attribuer des valeurs supplémentaires aux personnes handicapées pour permettre leur inclusion dans la société »elle explique.

De son côté, la militante des Dévalideuses Céline Extenso reconnaît la bonne volonté chez Artus, mais déplore que son film utilise l’image des personnes handicapées pour mettre en valeur les personnes valides. « Les personnes handicapées sont de jolis figurants. Ils n’ont pas vraiment de sens en eux-mêmes et ne rendent pas les personnes valides meilleures. », elle explique. Mais pour Hervé Bernard, le film met aussi en avant le métier d’éducateur spécialisé : « À l’heure où les gens cherchent du sens à leur métier, il est intéressant de montrer le sens du travail auprès des personnes handicapées. »

Si les associations n’ont pas le même ressenti à l’égard du film, elles sont toutes ravies de voir des comédiens handicapés jouer ces rôles. Avec un regret néanmoins pour Céline Extenso : que leurs personnages ne soient pas fictifs mais basés sur leur propre personnalité. « Pourquoi ne sont-ils pas considérés comme capables de jouer un rôle ? elle se demande. Ces personnes peuvent également être acteur ou actrice. »

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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