Nouvelles locales

Dans un ancien camp nazi, un stage pour les auteurs d’infractions racistes

Ils sont sept, âgés de 20 à 74 ans, et ont commis des injures, des menaces ou des violences discriminatoires ou racistes. Dans un ancien camp de concentration nazi, en Alsace, ils suivent un cours de citoyenneté pour « reculer ».

Convoqués à 9h00 au camp de concentration du Struthof, ouvert en mai 1941 dans l’Alsace alors annexée, ces hommes de toutes origines sociales ont participé à cette journée de formation dans le cadre d’une condamnation prononcée par le tribunal ou en alternative aux poursuites. .

Parmi eux, Tristan, un apprenti de 21 ans qui a partagé une vidéo « de mauvais goût » sur les réseaux sociaux, Corentin, un mécanicien de 20 ans qui a insulté son professeur, ou encore Patrick, 57 ans, qui s’est disputé avec son voisin haïtien, lui ordonnant de « retourne dans ton pays ».

Dans un ancien camp nazi, un stage pour les auteurs d'infractions racistes

« L’objectif de ce cours est d’informer, de sensibiliser, de prévenir et peut-être de prendre du recul par rapport à certaines idées »leur présente Aurélia Meier, qui anime la journée.

Elle est responsable du Service de contrôle judiciaire et d’enquêtes (SCJE), rattaché au parquet de Saverne (Bas-Rhin).

« Qu’est-ce que la discrimination ? », « Qu’est-ce qu’une circonstance aggravante ? », leur demande-t-elle. Plusieurs participants tentent de répondre, tandis que d’autres restent silencieux, le visage fermé.

« Gérez votre colère »

Les participants évoquent ceux dont ils ont eux-mêmes pu être victimes, liés par exemple à l’âge ou au handicap, comme Patrick, qui dit subir des critiques parce qu’il est handicapé et ne travaille pas. «Ça me déchire intérieurement, ça fait mal», raconte le quinquagénaire.

Ils reviennent également sur les délits qui les ont amenés devant la justice. « J’ai explosé, c’est devenu incontrôlable »reconnaît Patrick. « J’avais l’impression de ne pas avoir le choix »justifie Lucas, 23 ans. « Je n’aurais pas dû réagir rapidement »concède Corentin.

Dans un ancien camp nazi, un stage pour les auteurs d'infractions racistes

« Prendre l’air, respirer, aller voir un psychologue peut aider à gérer sa colère et ses émotions »suggère Mme Meier.

L’auteur d’une discrimination encourt jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

« En huit ans, les victimes sont deux fois plus susceptibles de réagir à une discrimination. Il y a aussi une évolution du cadre juridique : il y a des choses qui sont punies par la loi qui ne l’étaient pas avant »souligne le dirigeant.

La matinée d’échanges laisse place à la visite de l’ancien camp de concentration, construit pour 2 500 détenus et où seront entassées jusqu’à 6 000 personnes.

Des détenus politiques, des résistants, des prisonniers de droit commun, des hommes de plus de 30 nationalités différentes y étaient enfermés, classés selon des catégories et « déshumanisé »rappelle Théo Mertz, médiateur culturel.

Le groupe visite la prison, passe silencieusement devant le « support de cannage » et le crématorium, installé en février 1943. Découvrez ensuite la chambre à gaz où 86 juifs furent assassinés sur ordre d’un médecin nazi afin de constituer une collection anatomique.

 » Semer des graines « 

C’est la première fois que Tristan, qui avait republié une vidéo relayant des préjugés antisémites, se rend sur place. «Ça permet de prendre du recul, de remettre ses idées en place», précise le jeune homme.

Dans un ancien camp nazi, un stage pour les auteurs d'infractions racistes

« Vu ce qu’ont fait les Allemands à l’époque, c’est quand même une gifle »témoigne Lucas.

Ce parcours a été créé par le tribunal de Saverne en collaboration avec le Centre européen des résistants déportés (CERD).

S’il est organisé dans ce « lieu chargé d’histoire »il s’agit de montrer « à quoi peuvent conduire ces différenciations et ces actes d’agression et de violence – qu’ils soient physiques ou verbaux – dirigés contre des personnes différentes de soi », explique Aurélia Meier à l’AFP.

« Mon objectif est de semer quelques petites graines, pour permettre enfin à ces personnes, à la sortie de ce stage, de se dire : +Aujourd’hui je ne voulais pas être là, mais cette journée ‘a peut-être apporté un petit quelque chose’.

Enzo, 25ans, en voit  » positif « lui qui au départ n’était pas très enthousiaste : « Je pensais que la journée allait durer longtemps… Mais j’ai appris des choses ».

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
Bouton retour en haut de la page