Divertissement

Dans « Rosalie », la barbe de Nadia Tereszkiewicz raconte bien plus que quelques poils sur un menton

Nadia Tereszkiewcz, ici dans « Rosalie » de Stéphanie Di Giusto.
MARIE-CAMILLE ORLANDO – 2023 TRESOR FILMS – GAUMONT – LDRPII – ARTÉMIS PRODUCTIONS Nadia Tereszkiewcz, ici dans « Rosalie » de Stéphanie Di Giusto.

MARIE-CAMILLE ORLANDO – 2023 TRESOR FILMS – GAUMONT – LDRPII – ARTÉMIS PRODUCTIONS

Nadia Tereszkiewcz, ici dans « Rosalie » de Stéphanie Di Giusto.

CINÉMA – Nadia Tereszkiewicz poursuit son voyage dans le temps. Ce mercredi 10 avril, nous ne sommes pas dans les années 30 – comme dans Mon crime d’Ozon – ou à la fin des « années quatre-vingt » (Les amandiers) que l’actrice française de 27 ans nous embarque, mais dans la dernière partie du XIXème siècle avec l’arrivée au cinéma d’un brillant nouveau film d’époque : Rosalie.

Dans ce nouveau long métrage de Stéphanie Di Giusto (Le danceur), l’actrice césarisée n’est pas une jeune femme comme les autres. Élevée dans la plus grande discrétion par son père, Rosalie est née avec plus de poils que les femmes n’en ont habituellement, notamment sur certaines parties du corps, comme le visage, le dos ou la poitrine.

Et tandis qu’elle épouse Abel, le propriétaire d’un café endetté, sans lui confier son secret, la jeune femme décide du jour au lendemain d’arrêter de se raser. Rosalie veut vivre sa vie librement. Peu importe ce que les gens disent d’elle et de sa barbe. Mais voilà, comment assumer cette émancipation dans un monde qui rejette la différence ? Son mari finira-t-il par l’aimer ?

Lynchages et diktats

Nous sommes en 1870 et pourtant cette histoire résonne aujourd’hui.  » Nécessairementnous raconte Nadia Tereszkiewicz, que nous avons rencontrée. Je suis une femme qui vit en 2024. Je regarde l’heure avec les yeux d’aujourd’hui. Mais cette distance nous permet aussi de remettre en question notre propre époque. »

Parmi les tristes points de comparaison, le lynchage dont Rosalie sera victime tient une place importante. Lors du dernier Festival de Cannes, où le film était présenté en avant-première, Anna Biolay peut en témoigner. Venue faire ses débuts en tant qu’actrice, la fille de la chanteuse (également au casting) a été victime d’attaques tellement grossophobes sur les réseaux sociaux qu’elles ont poussé sa mère – une Chiara Mastroianni abasourdie – à prendre la parole.

 » Les impératifs de l’apparence des femmes, tels qu’ils sont dans le film, sont toujours présents aujourd’hui. », déplore Nadia Tereszkiewicz. Avant de nous dire : « Si j’avais 12 ans maintenant, je ne sais pas comment je vivrais mon adolescence. Toutes les jeunes femmes sont sexualisées et standardisées. Il existe une telle recherche de perfection qui n’existe pas dans la vraie vie. »

 » La barbe n’est plus le sujet »

Dans Rosalie, l’objet du scandale est une barbe, la même que celle que possédait Clémentine Delait, la célèbre patronne d’un bar sur lequel s’est inspirée l’héroïne de Stéphanie Di Giusto. Celle de Rosalie est blonde, bouclée, pleine et bien entretenue.

Symbole de masculinité dans certains pays européens, comme en Italie depuis le XVIe siècle, la barbe a d’abord valu à Rosalie la curiosité de certains, mais surtout le dénigrement des hommes, à qui « elle prend leur virilité », analyse son interprète. D’autres l’appellent un animal, un monstre.  » En fait, j’ai l’impression que c’est la liberté d’être soi qui dérange, mais au fait, qui est-ce que ça dérange vraiment ? Ce sont les autres qui projettent sur elle leur propre rapport aux cheveux », observe la comédienne.

Rosalie, quant à elle, s’épanouit sans tenir compte des avis sur sa pilosité, grâce à quoi elle se connecte comme par magie à son intérieur et à ses véritables désirs (charnels ou maternité).  » Je trouve ce clic très beau. C’est beau de comprendre où nous en sommes avec notre féminité, ce que signifie être une femme. Et ce, sans se laisser guider par le regard des hommespoursuit Nadia Tereszkiewicz. La barbe n’est même plus le sujet, c’est ça qu’elle interroge. »

Rosalie, une héroïne « queer » ?

Son personnage fait ses propres choix, remettant ainsi en question les injonctions faites aux femmes, mais aussi plus généralement notre rapport aux autres.  » Pourquoi doit-elle prouver à tout le monde qu’elle est une femme ? Ce que j’aime chez elle, c’est qu’elle casse les codes du genre féminin. C’est pour ça que je trouve ce personnage « pédé » », déclare la comédienne.

Le terme, initialement utilisé pour insulter et dénigrer les personnes gays, lesbiennes ou trans dans les pays anglo-saxons, est désormais utilisé par les personnes LGBT+ pour inverser la stigmatisation. Et parfois même en dehors, pour qualifier ceux qui ne rentrent pas dans certains codes hétéronormatifs de la société. Une ouverture du « queer » qui fait débat au sein du mouvement LGBT+.

 » Pour moi, si ce mot se définit aujourd’hui par la liberté d’être qui on a envie d’être, c’est à dire de s’autodéterminer, de ne pas s’étiqueter et de s’affranchir du regard des autres pour véritablement s’épanouir « , alors oui, Rosalie l’est, dit Nadia Tereszkiewicz. Et ce n’est pas mettre de la modernité dans un film d’époque. Clémentine Delait se posait déjà ces questions à la veille du XXe siècle.

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Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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