Dans quelques mois, le couvercle défectueux de l’EPR de Flamanville deviendra le déchet nucléaire le plus volumineux et le plus lourd
Dans quelques jours, l’EPR de Flamanville franchira une nouvelle étape cruciale de sa phase de démarrage, celle de l’initiation du processus de réaction nucléaire en chaîne : la « divergence » dans le jargon atomique. Très concrètement, il s’agira de projeter un neutron sur un atome d’uranium très lourd, qui explosera alors et libérera de l’énergie, mais aussi d’autres neutrons qui briseront à leur tour d’autres noyaux, et ainsi de suite, de sorte que la réaction sera auto-entretenue.
Lorsque ces noyaux d’uranium se brisent, ils deviennent radioactifs et contaminent les matériaux environnants, notamment les parois de la cuve du réacteur, sorte de grande cocotte-minute où se déroule cette réaction. Son couvercle, qui prend la forme d’un dôme métallique hémisphérique, n’échappe pas à ce phénomène, même s’il reste éloigné du cœur du réacteur où se trouvent les fameux crayons combustibles. Du fait de cet éloignement, il deviendra, en fin de vie, ce que l’on appelle un déchet de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VA). Cela signifie que la grande majorité de sa radioactivité aura disparu d’ici 300 ans environ. Il devra donc être entreposé dans le centre de stockage de l’Aube (CSA) de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) avec tous les autres déchets FMA-VA.
Durée de vie extrêmement courte
Jusqu’ici, rien d’anormal… A un détail près : sa durée de vie sera extrêmement courte. En effet, le couvercle de l’EPR de Flamanville ne servira que pour un seul cycle de fonctionnement, soit environ 15 à 18 mois, contre plusieurs décennies pour la plupart des autres couvercles de cuve de réacteur nucléaire. Cela est dû à une anomalie de fabrication de l’acier du couvercle, détectée par Areva NP il y a maintenant près de dix ans. Initialement, le couvercle devait être changé avant le 31 décembre 2024. Mais en mai dernier, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a accepté qu’EDF puisse reporter ce changement à 2025, l’ASN précisant que le remplacement du couvercle « avant la mise en service du réacteur, cela conduirait à retarder sa mise en service d’environ un an ». Un scénario inconcevable pour l’électricien, dont les travaux ont accumulé douze ans de retard…
Ce n’est pas le premier couvercle de cuve de réacteur à être stocké. Nous en avons déjà reçu 56 entre 2005 et 2019 « , explique Eric Lanes, responsable du service spécifications et contrôles des colis, au sein de la direction industrielle de l’Andra. Les capots des réacteurs de 900 mégawatts (MW) et 1 300 MW ont, en effet, déjà été remplacés, sur décision d’EDF et à titre préventif, suite à l’identification, en 1994, de défauts sur certaines traversées (sorte de manchon relié au capot, qui permettent de contrôler le réacteur).
Passez en revue presque tous les équipements
Selon la puissance du réacteur, le poids des colis de couvercles déjà entreposés varie entre 100 et 120 tonnes ! Des pièces hors normes, qui obligent l’Andra à faire des demandes d’autorisation spécifiques auprès de l’ASN pour procéder à leur entreposage. Dans cette optique, l’agence en charge des déchets radioactifs a entamé il y a deux ans des discussions avec EDF pour concevoir et réaliser un colis et un entreposage ad hoc pour accueillir le couvercle de l’EPR de Flamanville. Le 57e, donc. Avec ses six mètres de diamètre et ses 130 tonnes, celui-ci » seront les déchets les plus volumineux et les plus lourds à être stockés dans le CSA « , dit Eric Lanes. » Nous devrons reconcevoir presque tout le matériel que nous avons utilisé pour les autres couvertures. Seul le pont roulant pourra être réutilisé. « , poursuit-il, évoquant » des milliers d’heures d’ingénierie » et des investissements s’élevant à plusieurs » des millions d’euros « .
Pour l’heure, l’Andra n’a pas encore annoncé de date pour déposer une demande d’autorisation auprès de l’ASN. Cela peut prendre plusieurs années « , commente Eric Lanes. Une fois remplacée, la housse défectueuse sera donc » conditionné et stocké dans un bâtiment prévu à cet effet sur le site de Flamanville « , détaille EDF dans un mail adressé à La galerieCe n’est que dans un second temps qu’il sera transféré vers le centre de stockage de l’Aube, situé à l’est de Troyes. Après un long périple de quelque 600 kilomètres en convoi exceptionnel escorté par la gendarmerie, les équipes de l’Andra seront chargées de le descendre dans une structure sur mesure, puis d’injecter un béton spécifique à l’intérieur et à l’extérieur du colis. « Au final, on se retrouve avec un couvercle de réservoir entièrement recouvert de béton. »précise Eric Lanes.
Aucun avertissement sur la capacité d’accueil
Aucun avertissement quant à la capacité d’accueil du CSA en termes d’espace. Le site dispose d’une capacité autorisée d’un million de mètres cubes et nous en sommes désormais à environ un tiers de cette capacité. « , rassure Éric Lanes. Quant aux couvercles de cuves déjà stockés, même si chacun d’entre eux est très volumineux, ils ne représentent ensemble que 0,7 % du volume total de déchets stockés sur le site, soit 2 643 mètres cubes, sur un volume total de 378 500 mètres cubes à fin 2023. Le nouveau couvercle de Flamanville 3 sera livré prochainement sur le site, indique EDF, sans toutefois donner plus de détails sur le calendrier. En mai dernier, l’ASN évoquait une livraison prévue à la fin de l’été. Framatome, en charge de sa fabrication, n’a pas donné suite à nos sollicitations.