Autant le dire tout de suite, le court métrage de Judith Godrèche, Moi aussi, présenté mercredi 15 mai, à Cannes, lors de la soirée d’ouverture de la section Un Certain Regard, vaut plus comme symbole sociétal que comme objet cinématographique. Et en soi, ce n’est pas si grave : en choisissant de programmer ce film de dix-sept minutes, le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, rend avant tout hommage au combat de l’actrice et réalisatrice, qui, en février, a porté plainte. contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, pour « viol sur mineur de 15 ans ». Dans la foulée, d’autres actrices ont accusé les deux cinéastes de violences et de harcèlement sexuel – Isild Le Besco a ainsi dénoncé le«influence destructrice» qu’elle aurait souffert de Benoît Jacquot.
Mercredi soir, Thierry Frémaux a salué le « La révolution #metoo » et exprime son plein soutien à Judith Godrèche : « Votre engagement et votre combat sont les nôtres », lui a-t-il assuré. Le court métrage sera projeté dans des salles art et essai, a-t-il précisé.
Moi aussi donne corps à ce mouvement pour la liberté d’expression qui se manifeste depuis plusieurs mois. Le film est également né d’un appel à témoignage de Judith Godrèche, qui, au lendemain de sa prise de parole, avait créé une adresse email pour permettre aux victimes de s’exprimer. En deux semaines, l’actrice affirme avoir reçu 5 000 lettres. Le film rend visible plusieurs centaines de ces témoins, des femmes mais aussi des hommes. Judith Godrèche les filme comme un corps collectif, des silhouettes tendues et feutrées sur une avenue parisienne, tandis qu’une voix off raconte, sans s’attarder, les traumatismes subis par chacun d’eux.
Moi aussi s’ouvre sur le visage de Tess Barthélemy, la fille de 19 ans de Judith Godrèche – elle a joué dans la série de sa mère, Icône du cinéma français, incarnant la jeune fille qui tombe amoureuse de son professeur de danse plus âgé. Dans sa robe blanche, elle esquisse une chorégraphie, se mêle à la foule et crée des interactions – si on ne connaissait pas le sérieux du sujet, on penserait d’abord à une publicité pour un parfum. Mais le malentendu est vite dissipé. Les gens miment le silence dans lequel ils sont emmurés, les mains jointes sur la bouche. Les visages sont tristes, figés, puis l’ambiance se détend, la bande-son accompagnant la dramaturgie : la guitare folk laisse place aux battements de cœur, puis aux instruments à cordes.
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