Olesia Bolhunovska a une maîtrise très approximative de la langue française. Mais, quand on demande à cette Ukrainienne de 41 ans ce qu’elle a ressenti lorsqu’elle a reçu, le 7 octobre, une lettre lui demandant de restituer le logement, loué par une association, qu’elle occupe à Thionville (Moselle), les mots fusent : «C’était un choc, une panique. » Originaire de Kharkiv, elle a fui l’Ukraine en mars 2022 avec sa mère, âgée de 63 ans, et son fils de 11 ans : « Des bénévoles nous ont amenés de la frontière polonaise au Luxembourg. De là, nous sommes allés à Thionville, où j’avais un ami. Au début, je n’ai pas trop essayé. Je pensais que le conflit ne durerait pas. Mais cela s’éternise et la situation est chaque jour plus difficile à Kharkiv. »
Depuis fin septembre, dans la région Grand-Est, des dizaines de déplacés comme elle ont été sommés de restituer les logements qui avaient été mis à leur disposition par les associations, le plus souvent avant le 31 octobre, veille des vacances d’hiver. Les associations ukrainiennes admettent que dans d’autres régions, « le passage vers un autre logement a été géré en amont, en douceur, sans tensions majeures »mais notez qu’à l’Est, « L’accompagnement par l’intégration n’est pas allé jusqu’au bout ».
Les associations locales d’hébergement, à l’origine des lettres d’expulsion, affirment agir à la demande des services de l’Etat. Certaines lettres reçues par les déplacés détaillent les raisons de cette décision : « Toutes les démarches nécessaires à l’insertion professionnelle et à l’autonomisation n’ont pas été suffisamment réalisées pour vous inscrire dans un parcours d’intégration globale sur le territoire »indique un courrier signé par l’Association d’accueil et de réinsertion sociale de Meurthe-et-Moselle. Elle invite ensuite les concernés à trouver une solution personnelle de relogement : « À défaut, une orientation vers un hébergement d’urgence pourrait être proposée, sous réserve de places disponibles. »
Les personnes déplacées ukrainiennes bénéficient d’un statut particulier au sein de l’Union européenne : un permis de séjour temporaire. En France, leur hébergement repose sur l’intermédiation locative : grâce aux subventions de l’État, des associations louent des appartements qu’elles mettent à disposition des personnes déplacées. « Cette mesure transitoire s’accompagne d’un engagement à tout mettre en œuvre pour évoluer vers une solution durable en matière de logement, l’Etat n’ayant pas vocation à assurer la prise en charge définitive des personnes »rappelle la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Sur les 1 600 personnes déplacées accueillies dans le département, seules 591, réparties dans 228 logements, en bénéficient.
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