Dans les Pyrénées-Orientales, Francisco, 60 ans, atteint d’Alzheimer depuis 4 ans, et sa femme, Geneviève, aide-soignante : « Nous vivons au rythme de ses absences et de ses accès de mélancolie »
Francisco Gallego, 60 ans, ancien cariste, souffre depuis 4 ans d’une maladie d’Alzheimer de désorientation spatiotemporelle. Il ne sait plus ni lire ni écrire, et encore moins se concentrer. La seule chose qui puisse le sortir de son confinement, c’est la télévision – et encore à dose homéopathique. Son épouse Geneviève, 64 ans, semi-salariée, est devenue aide-soignante. Les Gallego, qui habitent Corneilla-del-Vercol, ont accepté de parler de leur quotidien dans le cadre de la Journée mondiale Alzheimer dans la P.-O. Bouleversante.
Il a du mal à se repérer dans le temps et dans l’espace. Il a du mal à trouver l’usage d’un objet, ne sait plus ni lire ni écrire, encore moins conduire – la dernière fois qu’il s’est mis au volant, il a confondu la route avec le trottoir – et c’est au prix d’efforts surhumains qu’il retrouve une date, un lieu, un nom ou un événement. Francisco Gallego, grand et émacié, est à 60 ans à peine un jeune malade d’Alzheimer. A ses côtés, attentive à chacun de ses gestes et à ses paroles prononcées, trébuchant parfois sur les mots, Geneviève son épouse, s’efforce de ne pas le corriger systématiquement ou de le corriger. « C’est bien qu’il exerce sa mémoire et sa concentration, elle confie, Cela peut l’aider à retarder la progression de sa maladie, à ne pas perdre complètement contact avec la réalité, à ne pas se détacher de son entourage. »
Le jour où…
On sent que ce couple, remarié depuis 13 ans, trois enfants et petits-enfants, est plus qu’uni : solidaire. « Ce qui a encore renforcé notre amour et notre lien, c’est bien sûr cette m… maladie, et toutes les conséquences qui en découlent. Elle nous est tombée dessus comme une bombe à fragmentation. Et ça dure depuis quatre ans maintenant… » Francisco, soutenu par sa moitié, tente de rassembler ses souvenirs confus : « Je revenais d’une visite médicale au travail – j’étais cariste dans une grande entreprise de Perpignan – et au moment de quitter les lieux, alors que j’étais dans ma voiture, je me suis sentie perdue, ne sachant plus où j’allais. Finalement, j’ai réussi à traverser Perpignan, mais je me suis arrêtée à un moment pour demander de l’aide. J’ai hélé une conductrice, très aimable, je lui ai expliqué la situation et je lui ai demandé de me guider jusqu’à l’hôpital. De là, connaissant la route par cœur, j’ai roulé « à la boussole » jusqu’à Corneilla-del-Vercol où Geneviève, morte d’inquiétude, se rongeait les sangs. Imaginez, j’avais quitté le cabinet du médecin à 16 heures, elle n’avait pas eu de ses nouvelles et il était 21 heures. Il faisait nuit noire quand je suis revenue. » Suivront IRM, scanner, PET scan, puis le verdict. La douche froide.
Geneviève baisse la tête. Quand elle la relève, ses yeux sont humides. L’évocation de cette journée cauchemardesque fait remonter de vieilles douleurs. À 64 ans, aidante de son mari depuis 2020, elle est toujours active semi-professionnellement. « Je nettoie la mairie tous les matins du lundi au vendredi », elle respire. « Nous bénéficions bien sûr d’une assistance personnelle et d’une infirmière qui vient trois fois par semaine. Tous les 6 mois, il voit son neurologue. Le samedi, j’emmène Francisco au centre de jour du Grand Platane Pôle Alzheimer 66 pour assister aux ateliers pour jeunes patients. Il suit l’éducation thérapeutique « Vivre avec la maladie » et participe depuis 2023 aux sorties du groupe de parole qui, me dit-il, lui font beaucoup de bien.
Mais qu’en est-il lorsqu’ils reviennent dans leur petite « douce maison » où trônent partout les petites sculptures réalisées par Francisco ? Qu’en est-il lorsque le silence retombe sur eux comme une chape de plomb, malgré le bruit de la télé en fond sonore ? Geneviève résume sobrement ce quotidien pesant à bien des égards, « Avec Francisco, nous vivons au rythme de ses absences de plus en plus fréquentes, et de ses accès de mélancolie qui l’accompagnent du matin au soir. »
Temps forts de la Journée mondiale Alzheimer à Perpignan
Vendredi 20 septembre : un ciné-débat au Castillet à 18h30 autour du film « La mémoire éternelle » (entrées de cinéma à 7 euros).
Samedi 21 septembre, L’association France Alzheimer 66 organise deux événements (entrée gratuite) : Déjeuners ouverts aux professionnels des 3 sites d’information, d’accueil et de conseil de FA66 / Le Grand Platane à Perpignan, Argelès-sur-Mer et Millas (renseignements auprès de Pauline Cazal au 0786678432).
Et enfin, le Jeudi 3 octobre, un événement dans le cadre de la journée nationale des aidants pour rencontrer, sensibiliser et informer le grand public. De 9h30 à 13h30 sur la place de la Victoire. C’est la première année que l’association « S’unir pour mieux vous soutenir » organise un tel événement à Perpignan.