Dans les Landes, les producteurs mettent en avant les qualités du chef
Il y a une nouvelle qui secoue le monde entier, de son pied à ses plus belles branches. Aujourd’hui, la gastronomie française perd l’une de ses figures de proue, Michel Guérard. Un chef qui aura brillé très haut, la toque dans les étoiles, sans pour autant perdre sa gentillesse authentique, dont chacun vient témoigner. Car si Michel Guérard laisse la gastronomie orpheline d’un modèle, ses producteurs landais n’en sont pas moins dépaysés, entre anecdotes et moments de vie partagés. Sous l’uniforme, un cuisinier au cœur simple et en or. Sous les fourneaux, un passionné au…
Il y a une nouvelle qui secoue le monde entier, de son pied à ses plus belles branches. Aujourd’hui, la gastronomie française perd l’une de ses figures de proue, Michel Guérard. Un chef qui aura brillé très haut, la toque dans les étoiles, sans pour autant perdre sa gentillesse authentique, dont chacun vient témoigner. Car si Michel Guérard laisse la gastronomie orpheline de modèle, ses producteurs landais n’en sont pas moins dépaysés, entre anecdotes et moments de vie partagés. Sous l’uniforme, un cuisinier au cœur simple et en or. Sous les fourneaux, un passionné aux mains d’or, qui aura touché tous ceux avec qui il a travaillé.
« Il était toujours là »
Fabien Chevalier a repris il y a quinze ans la Maison Lafitte, géant de la production de canard. « Je connais très bien M. Guérard. L’entreprise était son fournisseur depuis soixante et un ans. Soixante et un ans de vie commune, de problématiques communes que peut traverser la profession. Nous avons partagé de grands moments, il était toujours là, dès que nous avions besoin de lui », raconte l’entrepreneur, en déplacement dans le Béarn.
Beaucoup de tristesse pour l’actuel directeur de la Maison Lafitte, pour qui Guérard allait au-delà d’un simple client. « Il avait beaucoup de gentillesse, de bienveillance avec tous ces producteurs, ces fournisseurs auxquels il est toujours resté fidèle. » D’ailleurs, il l’appelle systématiquement « Monsieur Guérard ». Un signe de profond respect, de sympathie sincère et définitivement gagné un jour de mai 2016.
Ce n’est pas pour ça que je t’appelle. Je t’appelle pour savoir ce que je peux faire pour toi.
« Après un épisode de grippe aviaire en mai 2016, nous avions arrêté de travailler car il n’y avait plus de canards. Monsieur Guérard m’a appelé. J’ai répondu, on s’est dit bonjour », se souvient Fabien Chevalier à voix basse, comme si une boule d’émotion lui montait à la gorge. « Alors, je lui ai dit directement : “Ne vous inquiétez pas, pour un client comme vous, je vais essayer de retrouver la marchandise”. Il m’a répondu : “Non mais attendez, ce n’est pas pour ça que je vous appelle. J’appelle pour savoir ce que je peux faire pour vous” », poursuit-il.
« J’ai été interloqué. Je ne m’attendais pas à ce qu’il m’appelle pour ça. Il a insisté, me demandant comment il pouvait nous aider et résoudre un de nos problèmes. Je lui ai répondu que sans canards, on ne pourrait plus travailler. Que 200 personnes se retrouveraient au chômage technique. M. Guérard m’a dit : « Dans ce cas, je réserverai des postes au Près d’Eugénie pour que vos salariés puissent venir travailler pendant la saison », conclut Fabien Chevalier. Comme promis, 15 salariés de la Maison Lafitte viendront travailler sous les couleurs de Michel Guérard pendant plusieurs semaines.
Calamondins
Producteur d’agrumes à Eugénie-les-Bains, Michel Dufau connaissait aussi bien le chef étoilé. « C’est une page qui se tourne », soupire-t-il. C’est d’abord sur le terrain de la politique locale que les deux hommes ont pu se côtoyer : ils étaient tous deux alors au conseil municipal d’Eugénie-les-Bains. « Au moment des élections, je me souviens qu’on allait tous faire la fête ensemble, c’était un bon vivant, lui et sa femme. »
Leur collaboration professionnelle s’est peu à peu instaurée. « Michel Guérard avait à cœur d’employer des gens du coin en valorisant les produits locaux. » Plein d’audace, il n’hésitait pas à transgresser les règles, notamment en mettant à sa carte des calamondins, une mandarine décorative réputée immangeable. « Je peux vous dire qu’on en faisait d’excellentes choses. Il faisait de la confiture et aussi de la purée. C’était aussi un homme qui venait chaque année dans les serres voir notre travail. »
« Il a donné une chance aux autres »
Ce goût de pousser vers l’excellence est aussi noté par Arnaud Tauzin. Le maire de Saint-Sever est aussi connu pour sa production de volailles. « C’était un homme extraordinaire qui savait identifier le beau et le bon produit. C’était surtout quelqu’un qui donnait sa chance aux autres : je me souviens, quand j’ai repris la ferme de mes parents, il m’avait reçu et avait voulu goûter les produits. C’est lui qui nous a donné l’idée de faire de la pintade caponnée toute l’année. »
Louant sa fidélité, Arnaud Tauzin évoque au moment de la disparition du grand chef les moments partagés en sa compagnie : un mini salon agricole dans les jardins d’Eugénie, sa participation au concours de ballottines lors des fêtes de la Saint-Sever ou encore sa participation à une émission de télévision. « Michel Guérard a eu la gentillesse de m’inviter aux Carnets de Julie avec Julie Andrieu pour parler cuisine et produits », se souvient-il.
Sa générosité est également mise en avant par le producteur. « Il avait une vision positive de la vie. Il était heureux d’apprendre et de transmettre son savoir. » Des valeurs aujourd’hui ancrées dans le patrimoine gastronomique landais.