dans les grandes surfaces, clients et vendeurs toujours pas enthousiasmés par le vrac – Libération
Contraintes logistiques plus complexes, manque d’information sur les produits… Malgré les grands objectifs fixés par la loi, comme l’obligation dès 2030 pour la grande distribution de leur consacrer 20 % de leur surface de vente, les produits vendus sans emballage peinent toujours. convaincre.
Après quatre-vingts ans de règne du pot de yaourt, de la bouteille en plastique et des pâtes préemballées, verra-t-on la fin des emballages jetables ? Les rayons vrac, avec leurs bocaux à robinets remplis de graines et de légumes secs, souvent relégués dans un corner des hypermarchés, ne représentent encore qu’une goutte d’eau dans l’océan par rapport aux milliers de produits proposés en grande surface : seulement 36 références en moyenne par super ou hyper, dévoile le baromètre du « Réseau vrac et réutilisation », réalisé par le cabinet Deloitte. C’est un peu mieux pour les magasins bio, qui proposent en moyenne 590 références, représentant 11 % de leur chiffre d’affaires global, et pour les épiceries spécialisées dans le vrac, avec leurs 1 200 références.
Mais on est encore à des années lumières des objectifs réglementaires adoptés ces dernières années. Les lois Agec (2020), Egalim (2018 et 2021) et Climat et Résilience (2021) prévoient de réduire drastiquement les emballages jetables pour parvenir à la suppression des emballages plastiques à usage unique en 2040. En 2030, la grande distribution devra également consacrer 20% de sa surface de vente au vrac. Utopique? Ces objectifs ont le mérite de « pousser les entreprises à se transformer, les marques s’engagent », assure Célia Rennesson, co-fondatrice du réseau vrac et réemploi, qui représente les entreprises spécialisées dans la consommation en vrac. Tout en étant nuancé : « Nous n’allons pas supprimer les emballages à usage unique, mais plutôt les réduire au maximum. »
Les mesures sont prises au sérieux, assure le secteur, à savoir un minimum de 10 % d’emballages réutilisés d’ici 2027 pour toutes les entreprises, une réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique d’ici fin 2025 (soit demain pour l’industrie) et 50 % de bouteilles en plastique à usage unique d’ici 2030. Prises au sérieux mais en l’absence de sanction prévue, ces mesures risquent de ne pas être respectées, regrette Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’Institut national de l’économie circulaire (Inec). Tout dépendra donc de la bonne volonté des acteurs… et d’une conjoncture favorable. Selon le baromètre, la part de la population achetant des produits en vrac est passée de 40 % à 30 % entre 2019 et 2023, en raison de la pandémie et de l’inflation. Car souvent ni le prix ni les contraintes sanitaires ne favorisent le vrac.
« On ne sait plus ce qu’on a acheté »
Pour les distributeurs, le vrac est un casse-tête. D’abord parce qu’il implique de nouvelles contraintes logistiques, comme gérer un stock de graines, contrôler sa conservation et sa qualité, respecter des normes d’hygiène précises, etc. Ensuite, parce qu’une majorité de clients continue d’ignorer les distributeurs de riz, de pâtes ou de noix diverses, même s’ils sont disponibles dans la plupart des magasins. Le client a le choix entre des produits préemballés et connus, et des distributeurs parfois difficiles à manipuler avec précision. Avec des ratés, autrement dit des noix ou autres qui jonchent le sol. « L’expérience classique du vrac ne facilite pas la vie du client »» reconnaît Bertrand Swiderski, directeur RSE chez Carrefour. Et une fois arrivé chez soi avec les sacs en papier ou en tissu en vrac, on ne sait plus ce que l’on a acheté.
Date de péremption, détails sur les ingrédients, mode d’emploi, toutes les informations manquantes sur les sacs en papier disponibles en magasin. « Remettre en question la préservation de la qualité des produits » Et « le sentiment de manquer d’information » freinent le secteur, confirme Auchan Retails, qui propose du vrac en magasin depuis 2004. Biocoop explique avoir travaillé sur « l’harmonisation des labels pour apporter le maximum d’informations aux consommateurs » et recherché « encourager la découverte en renouvelant l’offre ». De plus, « pour les trois quarts des personnes interrogées, la présence de marques est considérée comme un gage de qualité qui inspire confiance, car elle rassure notamment sur l’origine du produit »indique le baromètre, citant une enquête remontant à 2021.
La question du prix pour attirer le client
Pour tenter de remédier à ces problèmes, Carrefour a lancé une expérimentation dans 300 points de vente, avec des marques comme Panzani ou Kit Kat : des QR Codes, contenant des informations sur la date et la composition, sont mis à disposition du consommateur, qui peut coller cette pastille sur son papier. sac ou pot. Il aura ainsi chez lui ces informations de qualité, comme sur un emballage traditionnel. Autre avantage, une offre 20 % moins chère que les équivalents packagés, ce qui n’est pas toujours le cas. « Pour rendre le vrac plus attractif aux yeux des consommateurs, il faut proposer des prix compétitifs », insiste le Bulk and Reuse Network. C’est le cas dans le circuit bio où « Le vrac coûte 4 à 22 % moins cher que le préemballé »mais « le constat s’inverse quand on compare des produits non bio ». « Les habitudes de consommation ne changeront pas radicalement sans un signal prix et des contraintes réglementaires plus fortes du côté de l’offre »résume Emmanuelle Ledoux.