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Dans les coulisses d’Astro Bot, le pari familial de PlayStation


RENCONTRE Le Figaro s’est entretenu avec Nicolas Doucet, directeur de Team Asobi. Le studio appartenant à Sony a créé ce jeu de plateforme salué par la critique et qui met en valeur la riche histoire de la marque japonaise.

Des héros tourmentés, des drames intimistes, une ambiance pesante voire post-apocalyptique : de The Last of Us à God of War, en passant par Horizon, Ghost of Tsushima ou Returnal, les dernières productions à gros budget des PlayStation Studios, destinées à un public adulte, respirent le pessimisme. L’irruption d’Astro Bot dans le catalogue de créations originales du groupe japonais n’en est que plus rafraîchissante. Ce jeu de plateforme, disponible depuis le 6 septembre, offre une véritable contre-proposition avec son univers coloré, son design cartoon et son ton léger et amusant qui met en valeur les jeux qui ont marqué les 30 ans d’histoire de PlayStation. Unanimement encensé par la critique, il permet aussi à Sony de renouer avec un public qu’il avait quelque peu délaissé ces dernières années : les enfants et les familles.

« L’équipe Asobi a été créée pour combler ce créneau : toucher tous les âges avec des jeux colorés et accessibles. Même si nous faisions un jeu d’horreur, ce serait drôle. »explique au Figaro son directeur Nicolas Doucet. Originaire du Gers, ce quadragénaire a rejoint Sony PlayStation au début des années 2000, d’abord à Londres puis, dix ans plus tard, à Tokyo. Son créneau ? Les jeux-jouets, comme le jeu en réalité augmentée EyePet (2009), destiné à un public très éloigné du jeu vidéo. « C’est un public fascinant »il souligne.

Son studio Team Asobi s’est d’abord spécialisé dans la réalité virtuelle (VR), avec The Playroom VR puis Astro Bot Rescue Mission. Mais les gamers connaissent surtout la démo d’Astro’s Playroom, proposée avec la console PlayStation 5. Cette expérience d’une poignée d’heures, mettant en scène le robot Astro, permet de faire une démonstration technique des fonctionnalités de la nouvelle manette de jeu : vibrations ultra-réalistes, retour haptique, gyroscope, etc. « C’était aussi l’occasion de nous prouver que nous pouvions créer un jeu de plateforme non VR qui tienne la route. Les retours positifs des joueurs nous ont donné confiance. »poursuit Nicolas Doucet.

Astro devra retrouver ses pairs dans des dizaines de niveaux
Équipe Asobi

Au vu de ce succès, Team Asobi a obtenu le feu vert de Sony début 2021 pour développer un jeu vidéo à part entière, qui deviendra trois ans plus tard Astro Bot. « La première année a été riche en événements car nous avons dû revoir nos outils techniques tout en constituant l’équipe de développement. »se souvient le Français. Ces 65 personnes mélangent des vétérans des studios PlayStation avec des jeunes diplômés ou des professionnels venus de l’industrie de l’animation. Si les trois quarts du personnel sont japonais, seize nationalités se côtoient, « ce qui est important pour évaluer si les blagues et les gags visuels fonctionnent » internationalement, note Nicolas Doucet.

150 héros des jeux les plus importants de PlayStation

Dans la peau du robot Astro, le joueur doit partir à la recherche de 300 de ses congénères perdus dans des dizaines de planètes, soit autant de niveaux remplis de secrets à découvrir. Manette en main, difficile de ne pas penser aux productions de Nintendo, roi du jeu de plateforme. « On ne va pas se le cacher : Astro Bot ne serait pas là aujourd’hui sans Super Mario. Mais notre mission n’est pas de faire du copier-coller. C’est de réinventer les codes du jeu de plateforme pour faire d’Astro Bot un titre unique sur PlayStation. »le leader souligne.

La première chose qui saute aux yeux est la présence de héros issus de jeux qui ont marqué l’histoire de PlayStation depuis le milieu des années 1990 : Kratos de God of War, Solid Snake de Metal Gear Solid, Ratchet and Clank, Crash Bandicoot, Spyro, Parappa the Rapper… Au total, 150 de ces personnages apparaissent dans le jeu. Mais tous n’appartiennent pas à Sony… Il a donc fallu négocier avec leurs ayants droit, comme Activision ou Konami.

« Je pensais au départ que nous n’aurions que 50% des mascottes que nous visions. Mais le projet a été très bien accueilli par ces éditeurs, qui avaient évidemment un droit de regard. » sur la conception de leurs personnages, transformés en petits robots, explique Nicolas Doucet. « Nous leur avons montré nos tests avec le personnage Kratos comme exemple, afin de démontrer la qualité du design et le respect des licences. Au final, tout le monde avait quelque chose à y gagner. »

Dans la mesure où « geek et collectionneur », Nicolas Doucet n’a pas pu résister au plaisir « glisser des favoris personnels » dans ce catalogue de mascottes. Une référence au jeu Ghosts and Goblins de Capcom est ainsi incluse dans Astro Bot. « Ce n’est pas un jeu lié à l’histoire de PlayStation, mais il y a eu un épisode vraiment fabuleux sur la console PSP et ça me tenait à cœur… C’est un exemple atypique, mais Capcom a accepté. »

La réinterprétation de Kratos, héros de la saga God of War, dans Astro Bot
Équipe Asobi

Mais si cette célébration de l’histoire de PlayStation peut ravir les joueurs quadragénaires, ne risque-t-elle pas de laisser de côté les plus jeunes, qui n’ont pas ces références ? « Astro Bot permet de créer un pont générationnel. Par exemple, en regardant Parappa The Rapper, un parent peut expliquer à son enfant qu’il jouait à ce jeu musical lorsqu’il était adolescent et partager ses souvenirs. Nous avons reçu de nombreux témoignages comme celui-ci au studio après la sortie d’Astro’s Playroom. »qui comprenait également ces clins d’œil.

Nicolas Doucet évoque également ce jeune employé japonais, « qui est né à l’époque de la PlayStation 2. On a dû le guider un peu pour les personnages de la PlayStation 1, mais il m’a confié que ce projet, qui est pour lui du rétrogaming ou même du ‘prenatal gaming’ (rires)lui a permis de mieux connaître et comprendre l’histoire de son employeur. Sony reste un groupe très respecté au Japon, c’est une véritable fierté d’y entrer pour les jeunes diplômés.»

Supposons que nous fassions un jeu court

L’équipe Asobi avait d’autres priorités lors du développement d’Astro Bot : « Nous ne voulions pas seulement faire un jeu vidéo. Nous voulions faire un jouet ! Toute la philosophie du studio est de revenir aux fondamentaux du jeu dans son acception la plus universelle. » Et cela se fait grâce à la « Techno Magic », comme le nomme Nicolas Doucet. Car sous son apparence enfantine, Astro Bot exploite toute la puissance de la console « d’utiliser beaucoup de physique, avec des objets qui se déforment, qui bougent, qui réagissent… Tout cela nécessite des calculs précis. » Elles sont combinées aux vibrations finement étudiées du contrôleur pour donner la sensation d’un mur rugueux, d’un ressort, de feuilles d’arbre…

Nicolas Doucet
Équipe Asobi

Dans cet esprit pour le plaisir du jeu, « Nous voulions que chaque centimètre du jeu soit interactif. Notre promesse est qu’il y a quelque chose à découvrir derrière chaque buisson, derrière chaque arbre que vous grimpez. Et pour honorer cela, il faut un jeu à échelle humaine. » Alors que les jeux vidéo modernes peuvent s’étendre sur une centaine d’heures, et cherchent à captiver leur public sur une longue période grâce à de nouveaux contenus, Astro Bot ne dure que 12 à 15 heures.

« Il faut accepter de faire des petits jeux ! C’est comme choisir, pour le même prix, entre un buffet à volonté ou un plat d’exception qui laissera un souvenir impérissable. On prend le temps de mettre de l’amour dans chaque détail. »plaide Nicolas Doucet. « Nous sommes dans une époque où beaucoup de jeux sont accusés de ne pas être bien finis, car trop gros et donc pas assez débogués, pas assez interactifs, avec des temps morts. »

Astro Bot, de son côté, a opté pour un rythme soutenu tout au long de l’aventure. « Pour y parvenir, nous avons dû supprimer beaucoup de contenu. Et c’est difficile, car l’une des premières questions que se posent les joueurs est : « Combien de niveaux y a-t-il ? » ou « Combien de temps cela dure-t-il ? » Mais il existe des jeux vraiment serrés qui sont fabuleux, comme Metal Gear Solid ou Voyage. Voyageça dure 1h30, mais c’est inoubliable. »

Le pari de la Team Asobi semble pour l’instant avoir porté ses fruits. La note moyenne du jeu, calculée par le site Metacritic à partir d’une centaine de critiques de la presse internationale, est de 94/100 ce vendredi. Parmi les sorties 2024, seul le jeu PS5 Elden Ring : L’Ombre de l’Erdtree le dépasse, d’un tout petit point.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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