Les créatures marines ne cessent de nous surprendre. Les scientifiques savent depuis longtemps que les cellules des cténophores divergent selon que ces organismes marins carnivores transparents vivent près de la surface des océans ou dans les profondeurs des abysses. Une étude, publiée en juin 2024 dans la revue Science, nous en dit plus sur leurs différences moléculaires. On découvre que les cténophores des abysses présentent des capacités d’adaptation remarquables face aux pressions extrêmes inhérentes à leur environnement. Et le secret est caché dans leurs cellules.
Des lipides très spécifiques pour survivre en milieu hostile
Itay Budin, qui étudie la biochimie des membranes cellulaires à l’Université de Californie à San Diego, et Steve Haddock, biologiste des grands fonds, faisaient partie des chercheurs participant aux travaux. Ils ont découvert que les membranes cellulaires des organismes vivant en profondeur contiennent une majorité de lipides appelés plasmalogènes, qui ont une structure incurvée. Cette forme unique leur permet de survivre dans un environnement hostile où la pression exercée par 11 000 m³ d’eau est supérieure au poids d’un éléphant sur chaque centimètre carré de notre corps.
Les plasmalogènes jouent un rôle crucial dans la fluidité et la stabilité des membranes. En surface, leur structure est relativement étendue, mais lorsqu’elles sont soumises à une pression, elles se resserrent, formant une membrane robuste mais dynamique. Cette adaptation, que les experts ont appelée « homéocourbure », est essentielle à la survie des cténophores dans des conditions où d’autres organismes ne pourraient pas prospérer.
À titre de comparaison, les membranes des créatures qui vivent dans les eaux de surface contiennent généralement des lipides « directs ». Si ces organismes voyagent dans les abysses, la membrane se comprime et devient trop rigide pour fonctionner correctement.
Des mécanismes similaires chez les espèces terrestres ?
Les enseignements de cette découverte sont précieux et s’étendent au-delà des cténophores. Les chercheurs pensent que des mécanismes similaires pourraient exister chez d’autres organismes marins, voire chez des espèces terrestres, en réponse à des pressions environnementales spécifiques. Ils espèrent que ces résultats contribueront à l’émergence d’autres travaux liés aux adaptations lipidiques chez divers organismes, notamment les archées et les bactéries issues d’environnements extrêmes.